Robert Rodriguez, interview avec le gosse gâté d'Austin

Laurent Pécha | 4 octobre 2013
Laurent Pécha | 4 octobre 2013

La promo, ça fatigue même le plus enthousiaste des texans. Durant l'interview pour Machete kills que Robert Rodriguez nous a accordés, le grand (1m 88) réalisateur, victime de son dos douloureux, s'est mis en mode allongé. La tentation de jouer au psy avec ce véritable homme orchestre du 7ème art a laissé place à un échange complice entamé par une déclaration d'amour à son Planète terreur et une réponse envieuse : " Le voir dans un drive-in avec une fille dans la voiture à vos côtés, comme vous l’avez fait, c’est le meilleur moyen de le découvrir. J’aurai aimé être à votre place." 

 

 

 

Pourquoi avoir fait une suite à Machete qui n’a pas cartonné au box-office mondial ?

En fait, Machete a connu un énorme succès en vidéo. Ce fut une vraie surprise. Le film n’a pas été, selon moi, distribué de façon efficace. Ce n’est qu’à sa sortie en DVD & Blu-ray que les gens ont découvert à quel point il pouvait être fun. J’ai donc voulu faire quelque chose d’encore plus fun pour leur faire plaisir. C’est vraiment les commentaires élogieux des spectateurs l’ayant acheté et vu en blu-ray et dvd qui m’ont poussé à faire cette suite. Je n’avais vraiment pas l’intention d’en faire une. D’ailleurs, même quand on a commencé à se pencher sur le projet, je voulais me contenter de le produire. On a posé avec mon frère les bases du scénario puis on a cherché un scénariste pour continuer à faire le boulot. Etant occupé sur Sin City 2, je me suis mis en tête de trouver un réalisateur. Et puis, j’ai lu ce qui avait été écrit et j’ai trouvé ça tellement fun que j’avais trop envie de le faire. Je me suis dit alors que si j’arrivais à le tourner super rapidement, encore plus vite que pour le premier, il y aurait peut être moyen que je joue sur les deux tableaux. Pour le caler avant Sin City 2, il a donc fallu qu’on tourne Machete kills en 29 jours. C’est de loin le tournage le plus rapide de ma carrière depuis El Mariachi. Il a donc fallu s’organiser de manière ultra efficace. Par exemple, Charlie Sheen n’avait qu’un seul jour de tournage alors qu’il est présent durant tout le film. Même son de cloche pour Mel Gibson qui ne fut présent que durant trois jours.

 

 

Il y a des réalisateurs, comme Albert Puyn par exemple, qui adorent tourner vite. Vous semblez être de cette race là. Qu’apporte selon vous ce type de tournage ?

Je pense que les acteurs aiment quand tout va vite. Cela leur permet de rester dans la peau de leur personnage. Ils n’ont pas besoin d’attendre pendant des heures dans leur caravane et ainsi perdre leur concentration. Pourquoi devrait-on tourner pendant 9 mois pour un film qui au final ne fait que 90 minutes ? Quelques semaines suffisent amplement.

 

Votre filmographie est remplie de sagas, vous enchaînez les suites de vos succès. Qu’est-ce qui vous attire dans le fait de rester dans le même univers ?

Tout simplement parce que ce sont mes films. Je n’accepterais pas de tourner des séquelles de films de studios. C’est très rare pour des réalisateurs de faire autant de suites car la plupart d'entre eux n’écrivent pas leurs scénarios. Moi, j’ai eu de la chance d’être à l’origine de plusieurs franchises, Les Mariachi movies, les Spy kids, les Machete. Je laisse de côté Sin City car je ne l’ai pas écrit même si le second film est effectivement un scénario (plus) original dont j'ai écrit les nouvelles intrigues. C’est très rare finalement que des réalisateurs soient à l’origine de franchises qui ne soient pas inspirées de matériaux préexistants.

 

 

Généralement aussi, quand un réalisateur parvient à créer une possible franchise, il part à Hollywood pour faire des films de studios. Alors que vous, vous restez loin de tout ça, confortablement installé dans vos studios à Austin dans le Texas.

C’est bien plus amusant. Je peux faire tout ce que je veux. Je suis le boss. Si vous faites un film qui coûte plus cher pour un studio, vous perdez ce statut de patron. Vous travaillez alors pour quelqu’un. J’aime travailler pour moi-même car cela apporte une totale liberté.

 

Pourtant Il était une fois au Mexique a été un peu fait dans les girons d’un studio hollywoodien…

Oui, mais il a été tourné pour si peu d’argent qu’ils m’ont laissé libre de mes choix. Si le budget avait été plus important, ils auraient voulu assurer leur retour sur investissements et m’auraient demandé de respecter de nombreux éléments.

 

Mais vous pourriez un jour faire un vrai film de studio...

J’ai essayé mais je n’ai jamais vraiment trouvé un projet assez bon pour me donner envie de tenter vraiment l’expérience. Il n’y a pas tant de projets intéressants que ça à Hollywood.

 

Mais votre ami, Tarantino, parvient lui faire des films dans le système avec des budgets plus importants.

Il dépense surtout beaucoup d’argent. Je pourrai faire ses films pour des sommes bien moins importantes (sourire).

 

Que pensez-vous justement de cette explosion des budgets à Hollywood ces dernières années.

Plus vous dépensez, plus tout se complique. Cela devient bien trop risquer et vous êtes obligés de faire des choses déjà connues pour rassurer tous ceux qui ont investi dans le projet.

 

[spoiler] On retrouve au début de Machete kills, l’une de vos actrices fétiches, Jessica Alba. Elle se fait de plus en plus rare au cinéma et vous, vous la faites disparaître au bout de 5 minutes…

Il fallait bien. Elle avait d’autres engagements mais j’avais vraiment besoin d’elle pour faire la transition avec le premier film. Sa disparition permet à Machete d’avoir à nouveau ce sentiment de vengeance qui l’anime à chaque film. Pour m’assurer sa présence, je lui ai donc expliqué qu’avant de commencer Sin City 2, j’aurai besoin d’elle une demi-journée sur le plateau de Machete kills et elle m’a dit ok tout de suite. [fin du spoiler]

 

Justement, que pouvez-vous nous dire de Sin City 2. On avait demandé à Rosario Dawson mais elle nous avait dit qu’elle n’avait pas le droit d’en parler.

(sourire) Et elle a bien fait. Effectivement, je ne peux pas trop vous en dire mais si, effectivement, vous aimez Jessica Alba, vous allez être servi dans celui-là. Elle est particulièrement présente et elle est vraiment bonne dedans.

 

Quand vous faites des suites comme Machete kills ou Sin City 2, quels sont vos challenges ?

Pour Sin City, j’étais frustré de ne pas avoir pu adapter le tome, A dame to kill for tant il était riche. Il y avait également le fait que je voulais déjà le tourner en 3D mais à l’époque, la technologie n’était pas assez bonne pour le faire. Le désir d’avoir un casting encore plus impressionnant et surtout le fait de pouvoir inventer une histoire que le public ne pourrait pas connaître m’ont particulièrement motivé pour ce numéro 2.

Pour Machete, c’est une autre histoire. Comme je vous l’ai dit, j’étais vraiment surpris du succès rencontré par le film en vidéo. Donc, comme le public, j’ai eu envie de voir une suite. Mais, pour être honnête avec vous, j’ai surtout envie de voir le numéro 3, celui où il va dans l’espace. C’est pour ça qu’on a mis la bande-annonce de Machete kills again… in space au début du film.

 

 

Allez-vous justement en faire un vrai troisième film ?

Si le public le réclame, on sera bien obligé de le faire (sourire). Mais il va falloir se dépêcher car Danny (Trejo) commence à être trop vieux pour ses « conneries ».  D’ailleurs, il me l’a déjà demandé. (prenant une voix grave pour imiter Danny Trejo) : « Robert, quand commence t’on à tourner le 3 ? ».

 

Normal, dans tous ses autres films ou presque, ils jouent les méchants. Là, il peut être enfin le héros.

C’est vrai que d’habitude, il a des rôles moins importants. Dans les Machete, il est THE man.

 

Que pensez-vous de la 3D vous qui l’avez déjà utilisée par le passé, notamment dans les derniers Spy Kids ?

J’adore ! Je peux vous dire que le look visuel de Sin City 2 va être dément. On a tourné avec les nouvelles caméras 3D créées par James Cameron et ses équipes. Elles sont sensationnelles, ce sont les Ferrari des caméras. Super faciles à utiliser et avec un rendu incroyable.

 

 

 

Votre prochain projet est une série…

Effectivement, dans un mois, je commence le tournage d’une série adaptée de l’univers d’Une nuit en enfer. Je ne peux rien vous dire si ce n’est que cela va être étonnant et que je suis très excité par l’aventure.

 

Sur un film, vous êtes un vrai touche-à-tout. Vous êtes à la réalisation, au scénario, à la photo, au montage, à la musique et j’en passe. Qu’est-ce que vous aimez le plus ?

Cela dépend vraiment. J’aime beaucoup écrire puis j’ai envie de réaliser. Et après cela commence à me fatiguer et j’ai plus envie de faire du montage. Et au bout d’un moment, j’ai envie de composer de la musique et quand j’en ai marre de jouer, j’ai de nouveau envie d’écrire. En fait, je suis instable, aucun de ces boulots n’arrive à me contenter très longtemps. J’ai besoin sans cesse de changer et de passer de l’un à l’autre.

 

Vous êtes comme un enfant dans une boutique de bonbons...

Oh que oui ! C’est tellement plus fun. Et puis, il faut reconnaître que l’on n’a pas assez d’argent pour engager des gens et je dois donc faire tous ses jobs moi-même.

 

Etant donné que vos films ne coûtent pas chers, avez-vous quand même la pression du box-office ?

En fait, je suis dans une situation des plus enviables. Parce que mes films ont des budgets très raisonnables, je suis toujours gagnant. Si le film marche bien au box-office, c’est une superbe affaire. Et si, comme par exemple avec Machete, cela ne fonctionne pas très bien, cela reste tout à faire rentable, grâce notamment aux ventes vidéo et télé. Machete a ainsi coûté 10 millions et nous avons vendu les droits d'exploitations US à la Fox pour 9 millions. Le film n’était pas encore sorti que nous avions déjà presque rentabilisé son coût. C’est une manière de voir le business qui me convient parfaitement et qu’effectivement Hollywood semble avoir de plus en plus assimilé avec tous ses petits films d’horreur qui se montent pour des budgets ne dépassant pas les 5-10 millions de dollars.

 

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commentaires
MeilleurPseudoEver
14/12/2020 à 10:48

Elle est vraiment bien cette interview

Pseudo random
14/12/2020 à 10:47

Et puis un petit commentaire random aussi, allez