Homeland Saison 1 : Notre avis

Melissa Blanco | 13 septembre 2012
Melissa Blanco | 13 septembre 2012

Golden Globes de la meilleure série dramatique et de la meilleure actrice dans une série dramatique, prix du public au dernier Festival Séries Mania et présentée le week-end dernier au Festival du Film Américain de Deauville, Homeland n'en finit décidément pas de faire parler d'elle. Il faut dire que la nouvelle création d'Howard Gordon et Alex Gansa - deux anciens de l'écurie 24 - était l'une des meilleures - si ce n'est la meilleure - surprises de la rentrée dernière. A l'occasion de sa diffusion sur Canal+, retour sur une première saison particulièrement haletante.

 

 

Transposition de la série israélienne Hatufim créée par Gideon Raff, Homeland, diffusée sur le network Showtime, puise son inspiration dans une longue tradition de romans d'espionnage. Un soldat américain, Nicholas Brody (Damian Lewis, ancien frère d'armes dans Band of Brothers) est retrouvé en Irak après sept années en captivité. De retour au pays, il est accueilli par tous comme un héros. Tous, sauf un officier de la CIA, Carrie Mathison (Claire Danes, de retour à la télévision 16 ans après Angela, 15 ans), persuadée qu'il a rejoint la cause terroriste. "An american prisonner of war has been turned".

Si 24 était la série post-11 septembre par excellence, Homeland se situe dans une dialectique légèrement différente. Nous ne sommes plus dans l'action-réaction façon Jack Bauer mais dans l'anticipation. Proche d'Un crime dans la tête de John Frankenheimer, Homeland s'inscrit ainsi intelligemment dans la filiation d'un certain cinéma américain paranoïaque des années 70 : désormais, la menace ne vient plus de l'extérieur mais de l'intérieur du pays. Et de jouer dès lors sur toute l'ironie du titre : si le "homeland" désigne la terre natale avec une pointe de nostalgie, elle est ici celle que l'on prend pour cible.

 

Conversation secrète

La première saison de Homeland démarre sur un postulat familier des cinéphiles. Carrie Mathison, persuadée de la culpabilité du sergent Brody - une de ses sources l'a mise en garde quant au recrutement d'un prisonnier de guerre par un chef terroriste -, fait installer chez lui des caméras afin d'étudier ses faits et gestes. En digne héritière du Gene Hackman, de Conversation secrète la jeune femme rythme son quotidien sur celui de Brody. Sa femme, ses enfants, font désormais partie de sa vie. Elle découvre en l'homme une solitude coutumière, jusqu'au jour où l'on vient à lui couper son écran. Très attachée à ces "personnages", Carrie n'a alors plus d'autres choix que d'entrer dans l'écran, de forcer le destin afin de rencontrer Brody.

La série impose ainsi d'emblée quelque chose de théorique par la mise en abyme in media res du spectateur: nous regardons sur un écran une femme regarder sur un écran un homme et sa famille. Avant de les fusionner dès la connexion coupée. Carrie apparaît comme notre complice, celle qui, à notre place, prendra part à la vie réelle. La série créant alors un lien quasi fusionnel avec ce personnage.

 

Carrie in Wonderland

Si l'une des qualités d'une série est de nous permettre de vivre plusieurs années avec des personnages devenus amis, celui de Carrie Mathison s'impose là, par sa détresse et sa solitude. "I'm gonna be alone my whole life,aren't I?". N'hésitant pas à sacrifier sa vie privée pour son travail, Carrie est téméraire, quitte à s'en brûler les ailes. Jusqu'à ce qu'elle se laisse happer par le désarmant sergent Brody, oubliant toutes ses priorités. Et la série de proposer une soudaine rupture de ton sous la forme d'une parenthèse idyllique. Une bulle cotonneuse en plein coeur de la forêt. Gageons que Carrie n'y laisse pas sa carapace... ni sa santé.

L'une des grandes forces de la série est de faire de Carrie un personnage sans cesse sur le fil. Parce qu'elle est atteinte de troubles bipolaires, difficile pour la jeune femme de ne pas franchir la frontière entre paranoïa et démence. Et si sa fixation sur le sergent Brody n'était-elle pas qu'un symptôme ? A l'image de son brillant générique, la série met ainsi en parallèle la psychose de Carrie et celle propre aux américains. Comment ne pas sombrer dans la folie face à l'histoire même du pays, son rapport au terrorisme et l'omniprésence des images télévisées dont sont gavés les petits américains depuis leur plus tendre enfance ? "I miss something once before. I won't, I can't let that happen again."/ "It was ten years ago, everyone miss something that day".

 

 

Brothers

10 ans après le 11 septembre, que reste t-il des États-Unis ? Alors que la série The Newsroom, créée par Aaron Sorkin (The Social NetworkA la maison blanche) et diffusée cet été sur HBO, propose une vision volontairement patriotique de l'Amérique contemporaine - comme si les américains avaient retrouvé leur fierté sous l'ère Obama -, Homeland exhume au contraire les restes des années Bush. A l'instar de la série originale Hatufim, Howard Gordon et Alex Gansa y décrivent les conséquences de la guerre en Irak sur les soldats américains. Comment se reconstruire quand on a été prisonnier de guerre ? Comment se réinsérer de nouveau dans la société ? On pense évidemment à Démineurs de Kathryn Bigelow mais aussi à Brothers de Jim Sheridan. Homeland s'appliquant à dépeindre les répercussions du retour de la figure paternelle au sein d'un foyer ayant déjà tourné la page. Peut-on recommencer une relation avec une personne alors que l'on en a déjà fait le deuil ?

On pourrait encore écrire des heures sur Homeland. Cela en serait déflorer totalement l'intrigue et en ruiner les surprises. Peut être peut-on ajouter qu'outre son intelligence et ses attachants personnages, cette série profite d'un impressionnant casting. Claire Danes y est hallucinante tandis que Damian Lewis en impose par son calme apparent. Cette première saison réserve également son nombre de rebondissements et impose tout du long un suspense insoutenable. La commencer, c'est se risquer à en devenir accro et ce, dès le premier épisode. Vous êtes prévenus !

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