Séries

Dexter Saison 1 : critique sanglante

Par Ilan Ferry
13 mai 2007
MAJ : 21 mai 2024
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Du Papier à l’écran

Qui est Dexter Morgan ? Derrière cette question se cache d’abord l’une des plus intéressantes énigmes de la littérature policière actuelle. Issu de l’imagination de l’écrivain Jeff Lindsay, Dexter fit sa première apparition dans Ce Cher Dexter, qui suivait les pérégrinations d’un anti-héros pas comme les autres sous la forme d’un vrai faux journal intime. Expert scientifique auprès de la police de Miami le jour, serial killer la nuit, Dexter Morgan est certainement l’un des personnages les plus ambivalents qui nous ait été donné de lire. Souriant, sociable, discret et surtout d’un méticulosité qui fait honneur à sa profession, Dexter pourrait très bien être votre meilleur ami… pour peu qu’il en ait envie à la différence près qu’un surplus de sociabilité n’est pas dans les habitudes de ce cher Dexter dont la seule ambition en l’occurrence consiste à faire profil bas, se fondre dans la masse pour mieux survivre au sein d’une jungle de victimes potentielles.

 

 

Cependant, Dexter n’est pas un tueur comme les autres tout chasseur qu’il soit, il trie ses proies sur le volet et ne doit son salut de prédateur qu’au dévouement de feu son père adoptif et son code très strict : le code Harry dont la première règle consiste à ne jamais tuer d’innocents. A Dexter donc le soin d’extérioriser ses pulsions meurtrières sur les criminels ayant échappés au courroux de la loi. Une certaine idée de la justice prodigué par un mentor certes ambiguë mais fermement décidé à protéger son rejeton du monde extérieur et de lui-même en faisant « meilleur usage » de ses tendances meurtrières.

 

  

Une adaptation fidèle

Allégrement cultivée sur le papier, l’ambiguïté de tueur charmant n’a rien perdue de sa superbe en traversant le média télévisuel. Ainsi, alors que la loi des networks aurait pu imposer à son personnage principal d’assagir ses psychoses meurtrières par un traitement aseptisé propre à toute production mainstream qui se respecte, la liberté de plus en plus grande accordée aux chaînes câblés depuis la révolution HBO permet à Dexter la série de garder le ton noir et si particulier qui fait le charme de son double littéraire. A l’instar des plus grands succès télévisuels actuels (de l’efficacité mécanique d’un 24 à celle hautement politique de Battlestar Galactica), Dexter repose sur une écriture au cordeau que l’on doit en grande partie à Melissa Rosenberg, dont le tableau de chasse oscille entre le bon avec Newport Beach et le poussif Anges de la nuit, mais surtout James Manos Jr., producteur exécutif avec à son actif des séries aussi emblématiques que Les Sopranos ou The Shield autres chantres de la fascination, somme toute télévisuelle, pour les « gentils salauds ».

De tous ces noms celui de Michael Cuesta (à qui l’ont doit le très réussi 12 and Holding), ressort tout particulièrement, lui qui a su insuffler à l’ensemble une empreinte visuelle persistante via une réalisation à la fois discrète et marquée par une atmosphère à la hauteur de l’écriture déjà très cinématographique de Jeff Lindsay. Ainsi l’analogie avec le livre est évidente, le premier épisode en reprenant de facto les principaux éléments tout en gardant en toile de fond le véritable arc scénaristique de cette première saison : la traque du « ice truck killer », tueur en série vicieux et sadique, véritable Némésis de Dexter entretenant avec ce dernier une relation aussi particulière qu’intime.

 

 

Un casting à double tranchant

Michael C. Hall (Dexter Morgan)

A contrario d’un Patrick Bateman sociopathe immortalisé par le jeu frénétique et fiévreux de Christian Bale, Dexter est un personnage tout en nuances en proie à une humanité refoulée de plus en plus persistante, et se devait d’être incarné par un acteur à la hauteur. Tour à tour sociable et taciturne, souriant et inquiétant, pétri de contradictions qui ne cesseront de le hanter tout au long des douze épisodes de cette première saison, Dexter a trouvé en Michael C. Hall l’interprète idéal. Incarnation parfaite du personnage dans ce qu’il a de plus de charismatique et ambigu, l’ex David Fischer de Six Feet Under intègre parfaitement sa nonchalance teintée de malaise à la personnalité du serial killer justicier et offre une prestation particulièrement sobre et efficace.

 

 

Jennifer Carpenter (Debra Morgan)

Parce qu’elle voulait faire la fierté de son père trop occupé à réprimer les pulsions homicides de son fiston adoptif, Debra s’est engagée dans la police avec la ferme intention de se démarquer de son frère adoré. Peine perdue, la jeune rookie, véritable garçon manqué, payera chère ses intuitions sur l’affaire du « ice truck killer » en se mettant à dos le lieutenant Laguerta, les deux femmes se prêtant peu à peu à un dangereux jeu de pouvoir. Très proche de son frère depuis la mort d’Harry, Debra essaye tant bien que mal de resserrer les liens avec son frère à qui elle reproche sa trop grande discrétion. Avec la jolie Rita, Debra représente le seul point d’ancrage de Dexter avec son reste d’humanité. A l’écran, elle est interprétée par la belle Jennifer Carpenter déjà remarquée dans L’exorcisme d’Emily Rose.

 

 

Julie Benz (Rita Bennett)

Ex junkie, mère de deux enfants, divorcée d’un mari violent et taulard, Rita n’a rien de la copine idéale, elle serait plutôt du genre frigide, discrète et à la recherche d’une relation saine et platonique. La femme parfaite pour un Dexter peu intéressé par le sexe et les grandes déclarations d’amour. Personnage le plus touchant de la série, Rita va peu à peu évoluer, passant du stade « d’alibi social » à celui de catalyseur faisant passer notre aimable anti-héros par une palette d’émotions jusqu’ici inconnues. Habituée à faire chavirer le cœur des monstres depuis Buffy contre les vampires, Julie Benz trouve enfin ici un rôle mature et empreint d’une sobriété qu’on ne lui soupçonnait pas.

 

 

Lauren Vélez (Lieutenant Maria Laguerta)

Arriviste et ambitieuse, le Lieutenant Maria Laguerta a su user de ses charmes et de son sens aiguisé de la politique pour arriver où elle en est. Sur la corde raide de par sa position de femme lieutenant latino, Laguerta compte bien se servir de l’affaire du « ice truck killer » pour asseoir son autorité, quitte à marcher sur les autres et commettre quelques belles erreurs. Ancienne coéquipière de Doakes avec qui elle a entretenu une certaine complicité, cette femme de poigne baisse sa garde à de rares moments laissant ainsi entrevoir des aspects assez étonnants de sa personnalité. A peine sortie d’Oz, Lauren Velez pénètre à nouveau dans un univers malsain et noir, elle n’est cependant pas seule puisque David Zayas, autre rescapé de la prison d’Oswald est venu la rejoindre dans le rôle d’Angel Batista, collègue et « ami » de Dexter.

 

Erik King (Sergent Doakes)

Flic pur et dur, Doakes est aussi impulsif qu’efficace sur le terrain. Muscles d’acier, regard d’aigle, il est l’archétype du héros sans peurs… mais pas sans reproches. Il n’a qu’un seul défaut : il ne peut pas encadrer Dexter qu’il surveille constamment. Cependant à l’image de Laguerta il sait montrer des facettes qui le rendent terriblement attachant. Briscard de la série TV ayant aussi fait un tour du coté d’Oz lors de la quatrième saison, Erik King a, au cinéma, joué sous la direction de Brian De Palma (Outrages), Clint Eastwood (Jugé Coupable) ou encore Barbet Schroeder (L’Enjeu) soit une filmographie éclectique où Dexter tient une place de choix.

 

James Remar (Harry Morgan)

Père adoptif de Dexter, Harry Morgan a très vite vu que son fiston n’était pas comme les autres. Dicté par l’amour paternel, il décida que la seule façon de protéger Dexter de lui-même  était de canaliser ses penchants meurtriers via « Le code Harry », règles de conduites indispensables à la survie de tout tueur qui se respecte. Influence majeur de Dexter, Harry Morgan a joué un rôle vital dans la vie de son fils, l’aidant peu à peu à se construire en tant qu’homme. Plus qu’un mentor, Harry a longtemps été le seul garde fou de Dexter même après son tragique décès, le fiston gardant toujours en mémoire les conseils de son père comme garants d’une certaine « droiture » dans les actions de l’aimable tueur. Véritable gueule de la série B, James Remar a longtemps hanté la mémoire des amateurs du cinéma de genre avec son visage buriné et sa voix rauque. Charismatique en diable, il correspond trait pour trait au portrait d’Harry tel que décrit dans le roman de Jeff Lindsay.

 

 

Le mot de la fin  

Ambiguë, tel pourrait être le maître étalon de cette série qui, en adoptant le point de vue de son « charmant » anti-héros, cultive le malaise sans jamais toutefois céder aux sirènes du manichéisme et du sensationnalisme. Aux stéréotypes et à la morale bien pensante de rigueur, Dexter préfère un traitement plus en profondeur à travers une galerie des personnages aux tonalités diverses pétris de contradictions et terriblement humains derrière leurs indestructibles carapaces. En cela, Dexter, traite d’humanité tout simplement par le prisme déformant d’un tueur en série en proie au coté sombre qui sommeille en chacun de nous. A la question Qui est Dexter ? répond donc une foule de pistes comme autant de clés pour ouvrir la formidable boite de Pandore qu’est la psyché de ce cher Dexter.


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