Le Syndrome d'Helsinki : critique au bord de l'explosion sur Arte

Clément Costa | 17 novembre 2022 - MAJ : 17/11/2022 17:05
Clément Costa | 17 novembre 2022 - MAJ : 17/11/2022 17:05

Mêlant thriller nerveux et récit politique, la série finlandaise Le Syndrome d'Helsinki débarque sur Arte avec l'excellent Peter Franzén en tête d'affiche. Et la traditionnelle efficacité nordique est une fois de plus au rendez-vous.

BAC NORD(IQUE)

Que ce soit en littérature ou en série, le polar nordique bénéficie d’une popularité à la stabilité exemplaire depuis de nombreuses années. Si le choc The Killing a probablement été le point de départ pour une bonne partie du public français, les triomphes de Bron, Traque en série ou encore Borgen ont contribué à fidéliser de façon durable les amateurs du genre. Et il faut bien admettre que le polar nordique est caractérisé par un savoir-faire bien spécifique.

Avec Le Syndrome d’Helsinki, on retrouve tous les ingrédients attendus. L’esthétique est froide, mais soignée, l’écriture est subtile, sans oublier le rythme relativement lent qui construit un suspense aussi progressif que vénéneux. Pour couronner le tout, la série bénéficie d’un casting de grande qualité. À commencer par Peter Franzén, que les fans de Vikings reconnaitront forcément, dont le charisme magnétique force le respect. Mais aussi Oona Airola, incarnant une journaliste en quête de vérité.

 

Le Syndrome d'Helsinki : photoEnvoyée (très) spéciale

 

On pourrait penser que Le Syndrome d’Helsinki n’est qu’un énième décalque d’une copie déjà trop usée, une variation convenue. C’est sans compter sur le concept qui fait toute l’originalité du projet. On connaît le polar nordique pour ses meurtres originaux et ses tueurs en série givrés comme dans les récents Octobre ou Les Meurtres de Valhalla. Mais cette fois-ci, l’histoire nous plonge au cœur d’une prise d’otages au sein d’une rédaction.

La série s’intéressera alors tant à la tension dans les bureaux qu’au tapage médiatique qui en découle. L’idée est de mettre en scène un acte criminel ayant pour but de faire exploser le débat public, un peu à la façon de La Casa de Papel, mais en réussi. On retrouve d’ailleurs les mêmes bases scénaristiques : un anti-héros charismatique qui a des complices à l’extérieur, un duel stimulant avec le négociateur, des retournements de situation, etc..

 

Le Syndrome d'Helsinki : photoEl Profesor

 

AFFAIRES SENSIBLES

L’autre grande force du polar nordique, c’est sa capacité à aller chercher des stéréotypes pour en faire des personnages tangibles et complexes. On se souvient encore du duo classique bon flic, méchant flic de Bron qui laissait progressivement place à une dynamique passionnante entre deux personnages dont la limite morale était constamment remise en question. Le Syndrome d’Helsinki va là encore confirmer cette tendance.

L'anti-héros qui nous est présenté aurait pu n’être qu’un génie révolutionnaire, intelligent et toujours vertueux. Et s’il va effectivement susciter l’empathie à plus d’une reprise, Elias est également capable d’une violence froide. D’une scène à l’autre, on passe de la confiance totale à la détestation, le tout avec une justesse qui force le respect. Ce dilemme moral permet par ailleurs à la série de ne jamais tomber dans la démagogie.

 

Le Syndrome d'Helsinki : photoNi héros ni ripou

 

On retiendra également la finesse avec laquelle sont traitées les relations entre les personnages. Le rapport ambigu entretenu par Elias avec les otages, en particulier la jeune Eveliina qui projette sur lui son propre passé trouble. Plus important encore, la série ne sacrifie jamais la cohérence psychologique de ses personnages pour un effet de surprise ou une quelconque pirouette scénaristique. Les rapports de force évoluent avec logique et délicatesse.

S’il faut cependant retenir une faiblesse majeure dans l’écriture, ce serait probablement l’excès de personnages secondaires. À trop vouloir mettre l’humain au centre de l’enquête, on se retrouve avec des arcs narratifs superflus. Citons par exemple celle entretenue entre le négociateur et sa fille, véritable impasse narrative qui vient régulièrement empiéter sur la tension de la série.

 

Le Syndrome d'Helsinki : photoQuand il appelle sa fille pour la 10e fois de l'épisode

 

J’PÊTE LES PLOMBS

Il y a quelques mois, Arte nous présentait Trom : Les falaises, le vent et la mort, une série scandinave dont émanait une volonté évidente de porter un propos politique, notamment sur les questions environnementales. Le Syndrome d’Helsinki s’inscrit dans cette démarche, mais de façon encore bien plus assumée. Après tout, on suivra un monsieur Tout-le-Monde voulant libérer toute sa rage envers un système global, sorte de relecture de Chute Libre avec une colère mieux dirigée.

La série s’attaque en particulier à la crise économique ayant secoué la Finlande dans les années 90. On questionnera alors la connivence de l’État et des banques, les accords défiant la légalité ayant endetté d’innombrables citoyens de la classe moyenne. Et si l’écriture ne fait jamais dans la subtilité de ce côté-là, l’efficacité du propos reste indéniable.

 

Le Syndrome d'Helsinki : photoPolice partout

 

Car au-delà d’être une simple enquête sur un scandale d’État, Le Syndrome d’Helsinki veut questionner la violence sociale et systémique. On retiendra par exemple une scène de bavure policière qui frôle volontairement le ridicule tant la réponse autoritaire semble disproportionnée. Ou encore le fait que les politiciens ne voient chez Elias qu’une tentative de manipuler les sentiments du public, sans jamais remettre en cause l’engrenage social l’ayant poussé à bout.

Il est d’autant plus passionnant de voir la réactivité avec laquelle la série s’intéresse aux oubliés de la pandémie, ces citoyens et ces cœurs de métiers qui ont été exclus des belles promesses balancées de façon imprécise en pleine pandémie. Sur ce point-là, le showrunner Miikko Oikkonen fait preuve d’une lucidité saisissante. On le savait totalement capable de gérer le suspense grâce à Bordertown sur Netflix, il se dévoile tout aussi doué pour l’analyse sociale.

 

Le Syndrome d'Helsinki : photoJustice nulle part

 

Bien évidemment, l’écriture manquera par moments de recul dans sa représentation d’un monde post-Covid. Mais impossible de ne pas saluer son ambition folle de réfléchir à l’évolution profonde des rapports de force entre les gouvernements, les médias et le public. Comment traiter la manipulation, la peur du mensonge et le rejet de l’information officielle à l’ère de la désinformation massive ? C’est justement en apportant plus de questions que de réponses que la série touche du doigt quelque chose de profondément alarmant.

Au final, en à peine huit épisodes Le Syndrome d’Helsinki nous offre une œuvre complète, prenante et globalement très bien tenue. Tout ce que l’on pouvait espérer d’une telle série.

Le Syndrome d'Helsinki est diffusée sur Arte à partir du jeudi 17 novembre 2022. La série est également disponible en intégralité sur Arte.tv.

 

Le Syndrome d'Helsinki : photo

Résumé

Mélange habile de suspense et de propos politique, Le Syndrome d’Helsinki est une œuvre captivante et intelligente. On passera bien volontiers sur ses quelques lourdeurs d’écriture tant la réussite globale est évidente.

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commentaires
Amiceque
27/11/2022 à 19:16

Très bonne série, comme souvent chez les Nordiques, mais, ô surprise, les personnages, otages comme preneur d’otages, ne boivent jamais (à l’exception de Gusse lors d’un épisode), ne mangent jamais, et ne vont jamais aux toilettes. Ni prostatiques ni pisseuses dans la série. Cela n’enlève rien à la qualité du suspens.

villago
24/11/2022 à 09:53

très belle série nous laissant cependant sur notre fin ; une suite est elle prévue ?

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