WeCrashed : critique Jared Leto se resserre sur Apple TV+
Le capitalisme 2.0 et ses déviances font les beaux jours des scénaristes américains. Ascensions fulgurantes, destins grandioses et chutes spectaculaires, pas étonnant que tout le monde veuille faire le nouveau The Social Network. C’est exactement dans cet héritage que semble se placer WeCrashed. La nouvelle mini-série menée par Jared Leto et Anne Hathaway débarque sur Apple TV+ et retrace l’histoire hors du commun d’Adam Neumann, co-fondateur controversé de la start-up WeWork.
LE LOUP DE WALMART
Dès ses premières minutes, WeCrashed annonce assez clairement la couleur. Avec ses personnages excentriques, son amour des dialogues cinglants et ses pointes d’humour, la série semble se revendiquer comme l’enfant improbable d’Aaron Sorkin (l’excellent scénariste, pas le piètre réalisateur) et d’Adam McKay. À cela s’ajoutent des séquences comiques jouant sur la gêne et les silences. De quoi rappeler que Lee Eisenberg, co-créateur de la série, maîtrise parfaitement la comédie de malaise puisqu’il a été réalisateur et scénariste pour l’adaptation américaine de The Office.
Et plutôt que de s’attaquer à un Michael Scott sympathiquement médiocre ou à une grande figure politique façon Vice, WeCrashed s’acharne jovialement sur le mythe de l’entrepreneur moderne tout puissant. La richesse qui se veut accessible et jeune. Celle qui se croit inspirante façon influenceurs lifestyle. Celle des GAFAM à la bienveillance feinte, qui compensent les salaires précaires en parties de beer pong et en mugs personnalisés.
Jared Leto contemplant sa filmographie
Mais la vraie surprise de WeCrashed sera peut-être la relative subtilité de son écriture. Bien évidemment, le couple Neumann en prend pour son grade. Et pourtant, on ne verse pas dans la caricature. L’écriture du duo Lee Eisenberg et Drew Crevello oscille entre acidité et clairvoyance.
On retiendra en particulier l’épisode 3, sommet d’écriture de la série, qui parvient même à éveiller notre empathie à l’égard d’une Rebekah Neumann pourtant souvent détestable. Le même épisode jongle habilement entre moquerie des institutions établies et critique d’une certaine culture de l’instant chez la génération Y. Un équilibre lui permettant de poser des questions légitimes sans jamais être réac ou condescendant. Cerise sur le gâteau, WeCrashed évite de transformer ses personnages en icônes pop en carton. Un piège dans lequel Inventing Anna, avec des thèmes similaires, sautait à pieds joints.
Encore plus lisse qu'une pub Ikea
30 Seconds To Crash
Une qualité indéniable de WeCrashed est sa mise en scène. Les directeurs de la photographie Xavier Grobet (qui s'est récemment illustré avec la série Watchmen) et Corey Walter travaillent le cadre avec une certaine virtuosité afin d'accompagner le duo de réalisateurs Glenn Ficarra-John Requa. On retiendra particulièrement le superbe plan-séquence qui conclut le premier épisode ou encore la séquence accélérée en ouverture du troisième épisode.
La seule fausse note formelle se trouve peut-être du côté de la musique. Entre les thèmes dignes d'un catalogue musical libre de droits et la reprise symphonique d'un tube de Katy Perry, nos oreilles ne méritaient pas tant de cruauté. Bien évidemment, ce choix colle délibérément à l'univers mis en scène, mais cela n'enlève rien à la souffrance auditive de certaines séquences.
La réussite c'est mieux que la vie
S'il ne devait rester qu'un point fort évident, ce serait le casting. Jared Leto incarne un personnage lambda assez pathétique qui devient, sur un malentendu, une sorte de gourou capitaliste extravagant en surjeu constant. Les mauvaises langues diront donc que Jared Leto incarne Jared Leto. Et force est de reconnaître que l'acteur est parfait pour ce rôle. On ne l'avait pas vu si convaincu et convaincant depuis très longtemps. D'autant qu'avec Adam Neumann, il peut ajouter un nouvel accent caricatural à son répertoire déjà très fourni. Sans vouloir raviver le traumatisme House Of Gucci pour les italophones.
Face à la prestation toujours explosive de son partenaire à l'écran, Anne Hathaway n'avait pas le rôle le plus facile. À l'image de Rebekah Neumann, elle devait lutter pour ne pas être totalement éclipsée. Et là encore, c'est totalement réussi. L'actrice incarne une cousine de Gwyneth Paltrow à la fois irritante et brillante. Au passage, Anne Hathaway et Jared Leto étant producteurs exécutifs de la série, on ne peut que saluer la bonne dose d'auto-dérision dont ils font preuve.
"Je te jure que Morbius ne sera pas pire que Venom 2"
My Little Unicorn
Adam et Rebekah Neumann condensent peut-être tout ce qu'on peut haïr dans le mythe de l'entrepreneur moderne. Mais ils ne sont au final que des pions remplaçables. Des bêtes de foire médiatiques qui ne surpassent jamais la bêtise incommensurable du système établi.
Les quatre premiers épisodes lancent la série sur d'excellentes bases. Chaque nouvel épisode apporte un nouveau point de vue sur un personnage ou une étape importante dans la narration. Malheureusement, l'écriture de WeCrashed ne tient pas toujours la route. La suite sera plus inégale. Peut-être que l'histoire n'avait pas besoin de 8 épisodes et qu'un format encore plus réduit aurait été bénéfique à l'équilibre narratif pour éviter le coup de mou plombant le milieu de saison.
Jared refusant un rôle sans accent
La question de point de vue est le problème majeur du récit. La série se veut souvent satirique. Cela dit, en refusant d'embrasser totalement les excès du genre, elle se retrouve piégée dans un entre-deux confus. À l'image de ce personnage qui débarque de nulle part lors de l'épisode 7 et brise le quatrième mur pour nous expliquer les règles de la bourse. Avec le ton juste, on aurait pensé aux hilarants dialogues explicatifs de The Big Short. Ici, la blague ne prend pas.
Alors oui, la relative finesse de WeCrashed fait sa force. On évite ainsi le discours politique niveau Twitter LV1. Mais à trop éviter de donner un avis tranché, le récit finit par ne plus savoir sur quel pied danser. On termine le dernier épisode avec l'étrange impression de ne pas savoir quel était le réel point de vue de la série.
On retiendra de WeCrashed certaines fulgurances, des performances très investies et un constat terrifiant sur le cynisme du système capitaliste. Avec un peu plus de méchanceté et de franchise, on aurait pu tenir une nouvelle grande série satirique. Il faudra plutôt se contenter de quelques coups d'éclat. Dont ce dialogue délicieusement horripilant porté par une Anne Hathaway en cosplay Balkany : "Pourquoi nous haïssent-ils à ce point ? On voulait juste sauver le monde".
WeCrashed est disponible en intégralité sur Apple TV+ depuis le 22 avril 2022
Lecteurs
(3.4)23/04/2022 à 20:34
Effectivement, très bonne série portée par deux comédiens au top. Le duo Leto/Hattaway fonctionne à merveille.
On sent la tendance 2022 : les séries sur les "licornes" avec aussi The Dropout et Super Pumped.
23/04/2022 à 02:40
Mais quand même faut pas oublier qu'ils sont sympas les brrothers
22/04/2022 à 20:13
@RobinDesBois
Je ne sais pas pour Leto, mais Tom Cruise s’est fait faire des injections de botox.
22/04/2022 à 18:41
Sorkin le piètre réalisateur ?!!
Bon ok les goûts les couleurs tout ça …
Mais perso, j’ai trouvé les 7 de Chicago particulièrement bien foutu .
18/03/2022 à 17:06
Il vieillit pas Jared Leto c'est fou. Lui et Tom Cruise doivent être des vampires je vois pas d'autre explication.
18/03/2022 à 15:32
Perso j’aime bien Leto même avec accent Italien mais aussi Hatthaway donc hop sur ma liste.
18/03/2022 à 13:17
Cet acteur a une filmographie impressionnante, pourtant je reste plus marqué par ses rôles parodiques (Joker, Gucci, Blad Runner) que par ses vrai performances ...