Invasion : critique Independance Niais sur Apple TV+

Lino Cassinat | 25 octobre 2021
Lino Cassinat | 25 octobre 2021

Peu de choses se disent sur Internet autour de la nouvelle série d'Apple TV+Invasion, et après avoir regardé cette très ennuyeuse première saison, on peut comprendre pourquoi. Malgré un casting talentueux alignant Golshifteh Farahani, Shiori Kutsuna, Shamier Anderson et (paraît-il) Sam Neill, une quantité de moyens visiblement conséquents mis sur la table et une facture technique soignée, Invasion est un incontestable et étrange échec. Comment cette série qui avait tout pour réussir et devenir le parfait bon élève influencé par une pelletée d'oeuvres grandioses a fait pour autant rater la cible ?

AROUND THE WORLD AROUND THE WORLD

Jean Gabin disait que pour faire un bon film, il faut trois choses : une bonne histoire, une bonne histoire, et puis enfin une bonne histoire. Un principe qu'Invasion tente de reprendre à son compte en narrant une intrigue simple mettant moins l'accent sur les péripéties que sur les personnages et les drames intimes qu'ils traversent.

En résulte un concept moteur un peu psychologisant, mais néanmoins intrigant avant même que le premier épisode ne commence. Ainsi, Invasion entend laisser de côté la pyrotechnie et nous raconter l'histoire d'une invasion (étonnant non ?) alien planétaire à travers le point de vue de gens ordinaires (ou pas) sans aucun lien entre eux et disséminés aux quatre coins du globe.

 

Photo Shiori KutsunaAllô le monde, est-ce que tout va bien ?

 

Une intrigue simple donc, mais dont l'intérêt premier réside dans la multiplicité des voix et des points de vue à hauteur d'homme, qui aurait pu donner un très beau récit polyphonique, et, en creux de cette galerie de personnages divers et venus de tout horizon, un portrait lyrique de l'humanité tout entière elle-même. D'autant plus qu'elle est confrontée à une épreuve tragique, emportée par une catastrophe qui la dépasse et la pousse à donner le meilleur d'elle-même - ce dernier point ayant instantanément bien mal vieilli maintenant qu'on a vu ce que cela donnait déjà avec un simple virus, mais passons.

Essentiellement, ce n'est donc pas tant l'intrigue qui sert de carburant narratif à Invasion, mais bien ses personnages. Problème : ils sont tous nuls, et pâtissent de choix d'écriture très bizarres. Résultat : Invasion ressemble moins à Contact, Interstellar ou Premier contact, ses modèles évidents, qu'à une espèce d'Independence Day dont on aurait coupé toutes les scènes d'actions pour ne garder que ses dialogues bas de gamme avant de ralentir considérablement le rythme pour faire passer le tout pour un film d'auteur. Et les haussements de sourcil commencent dès le premier épisode, dès le premier quart d'heure, lorsque la structure du récit nous est présentée.

 

Photo Shamier Anderson- Chef je croyais que le but c'était de représenter l'humanité entière ? - C'est ce qu'on a dit, mettez des Américains.

 

INSPIRATION, J'ÉCRIS TON NOM

Censée être tout le sel de l'entreprise et garantir un souffle d'air frais sur cette Guerre des mondes à tiroirs, cette structure se découpe ainsi entre l'Amérique rurale et ses champs de maïs pour ce vieux shérif de Sam Neill en quête de sens et de Dieu et la côte Est pour Golshifteh Farahani et sa famille parfaite en pleine décomposition à cause d'un mari infidèle.

Mais elle sort également des États-Unis. De fait, la série se déroule à Londres pour le jeune ado épileptique à problème harcelé par ses camarades Billy Barratt, en Afghanistan pour Shamier Anderson en soldat américain seul survivant de son escouade décimée loin des siens, et le Japon pour Shiori Kutsuna, ingénieure en communication pour l'agence spatiale japonaise en deuil de l'amour de sa vie.

 

photoLa meilleure position pour regarder Invasion

 

À part ce dernier arc donc, tout est plus ou moins fait pour ne surtout pas dépayser le spectateur et donc exploiter le principal attrait du concept d'écriture qui anime Invasion. Si l'on voyage géographiquement, intellectuellement ce sont les habituels sentiers battus culturels anglo-saxons qui sont une nouvelle fois foulés, avec tout l'attirail de clichés embués sur l'amour, la mort, la famille, etc. Sans jouer au petit jeu stérile de la prime à la diversité, c'est incontestablement un manque d'audace qui vient fortement diminuer l'attrait d'Invasion. Eh oui, il y aura une séquence émotion avec Space Odyssey de David Bowie, c'est dire le niveau d'inspiration.

La vraie déception réside cependant dans le fait que rien n'est fait pour créer un quelconque lien entre les différentes individualités qui composent cette galerie de personnages que tout sépare, littéralement. Aucun jeu de résonance, aucun écho dans le montage ou la narration ne vient les relier pour créer un effet d'ensemble ou de communauté. En résulte des arcs narratifs évoluant en vase clos, et donc un manque fatal d'interactions et d'articulations conceptuelles, alors que c'était précisément sur ce terrain-là qu'Invasion avait le plus d'atouts à abattre. Et il aurait bien fallu cela au minimum pour nous sauver de la bande d'ahuris à l'écriture sévèrement déficiente qui nous est proposée.

 

Photo Golshifteh FarahaniGolshifteh Farahani continue de faire n'importe quoi avec sa carrière

 

Dialogues, motivations, personnalité, caractérisations, tout ici est dangereusement sous-écrit, pour ne pas dire ras des pâquerettes. Du soldat infoutu de voir autre chose qu'un ennemi potentiel dans la silhouette du moindre malheureux en djellaba (quand bien même ce civil vient le sauver d'une mort certaine par déshydratation en plein milieu du désert) aux pillards en pick-up attaquant un convoi militaire blindé ne transportant absolument aucune vivre ou denrée de valeur en passant par l'ado capable de sentir la présence des aliens à travers ses crises d'épilepsie (l'ado lambda quoi), mais garde l'info pour lui jusqu'au dernier quart de la série, le monde d'Invasion est habité par de sacrés neuneus pour une série qui veut se donner des airs plus profonds qu'un simple spectacle de destruction pop-corn.

 

photoPas de pyrotechnie, mais un certain sens de la cinégénie tout de même

 

La palme revient cependant à Golshifteh Farahani et sa famille de bras cassés, qui, en plus d'avoir un don particulier pour foncer tête baissée dans les dangers les plus flagrants, cumule à la bêtise de nombreuses attitudes conflictuelles médiocres particulièrement désagréables. Paradoxe suprême, c'est cette clique farouchement antipathique que l'on espère voir mourir le plus vite possible qu'Invasion nous colle le plus souvent dans les basques.

À titre d'exemple, un grand moment de n'importe quoi voit cette mère de famille protectrice typique s'embarquer volontairement pour jouer au médecin dans un camp de fortune et vivre quelques heures la vie qu'elle a abandonné pour fonder une famille et avoir des enfants... alors que ses mêmes enfants attendent son retour avec de la nourriture. Pas le temps pour la prunelle de ses yeux, maman joue au docteur mamour avec un inconnu, ils peuvent bien tenir vingt-quatre heures sans manger, on suppose.

 

Photo Billy BarrattToi aussi tu es une ado 100% normale capable de voir des aliens dans tes rêves ?

 

GROUND CONTROL TO MAJOR SOMME

Triste, mais obligatoire constat, Invasion est donc, dans les grandes largeurs, bien trop peu rigoureuse pour satisfaire les ambitions qu'elles se donnent. Mais quelque part, est-ce vraiment une surprise de la part de Simon Kinberg, créateur de la série et déjà auteur (coupable ?) de quelques scénarios hautement radioactifs comme ceux de X-Men : L'Affrontement final, de la production d'un certain Les 4 Fantastiques (Josh Trank l'ayant même désigné comme principal boucher lors des conflits qui l'ont opposés à feue la Fox), et même de la réalisation et de l'écriture du fort peu goûteux X-Men : Dark Phoenix ?

Beaucoup de casseroles donc, dont le tintamarre distant pouvait laisser présager qu'Invasion ne serait pas une réussite. Peut-être est-ce d'ailleurs un certain besoin de faire ses preuves et de montrer ses muscles intellectuels qui a poussé Simon Kinberg à pondre ce pesant objet beaucoup trop conscient. C'est bien simple, au visionnage, Invasion donne le sentiment de tout simplement rechigner à vouloir faire avancer son intrigue et décrire son univers pour privilégier une théâtralité légèrement barbante.

 

Photo Sam NeillApparemment, Sam Neill joue dans cette série

 

En découle un rythme souvent lent à mourir et surtout un manque d'incarnation qui achève d'empêcher le spectateur de s'impliquer dans la série et de se motiver à lancer l'épisode suivant. Ceux qui seraient venus chercher de l'étrangeté et de l'ampleur seront cruellement déçus (mais moins que ceux qui étaient venus voir Sam Neill), puisque quasiment tout se passe en hors champs, ou à travers la description de personnage tertiaire.

Difficile de croire à une panique globale et une Terre menacée de disparition quand la conséquence principale des agissements extraterrestres dont le spectateur est témoin se résume à quelques pannes de courant et un certain acharnement contre le bitume des routes de campagne. Mais apparemment, puisqu'on nous dit qu'ils transforment l'air en poison, on ne peut que le croire, à défaut de le voir.

 

photoVous ne verrez quasiment pas d'alien, mais ce n’est pas grave, ce personnage les a dessinés pour vous

 

Bien sûr, le danger augmente par la suite - quoique, pas de beaucoup - mais Invasion rend impossible le moindre sentiment de tension ou de mystère parce qu'elle se détourne trop de son récit pour se focaliser uniquement sur ses personnages. Personnages qui, on le rappelle, ne sont au demeurant pas bien attachants.

Bien entendu, il y a toujours quelques accidents heureux - quasiment tous à chercher du côté de Shioli Kutsuna et Shamier Anderson - et la facture technique est globalement de haute voire très haute qualité (mention spéciale à la musique souvent impressionnante de Max Richter). Sauf qu'à trop mal faire du Shakespeare, Invasion échoue à raconter quoi que ce soit de prenant et néglige sa mission première : divertir.

Un nouvel épisode d’Invasion chaque vendredi sur Apple TV+ depuis le 22 octobre 2021 en France 

 

Affiche US

Résumé

Beaucoup de potentiel, beaucoup d'efforts, beaucoup de gâchis. Ne sachant reconnaître ni exploiter ses évidentes qualités conceptuelles, Invasion bâcle une histoire sans originalité ni spectacle. Les classiques du genre peuvent dormir sur leurs deux oreilles, le spectateur en fait déjà autant devant cette série pas désagréable, mais profondément ennuyeuse.

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Lecteurs

(2.1)

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commentaires
Birdy l'inquisiteur
25/02/2023 à 23:20

Si quelqu'un lit ce message après que le temps ait effacé les vestiges de cette critique...
Les anti Apple détesteront par principe, on oublie.
Les hermétiques à l'introspection de personnages bien plus riches qu'il n'y parait feront un AVC.
Les mécontents de nature écrivent déjà leur rage après 15min du pilote.
Et ceux qui regardent une série en accéléré de peur de devoir comprendre sont déjà morts de vieillesse.

Pour les autres : regardez. C'est vraiment bien mieux que cette critique laisse penser.

Marc
16/11/2021 à 13:19

Invasion une série qui prend sont temps dans tous les coins de notre la planète des phénomènes se produisent inexplicable. On suit une astronautes une medecin des collegiens et un militaire....c'est captivant.

Mezz
26/10/2021 à 15:42

Par rapport à Foundation, c'est encore plus mauvais ?

Lestat1886
26/10/2021 à 11:03

On voit qu’il y en a qui n’aiment pas la série juste parce qu’ils n’aiment pas les produits Apple (je ne parle pas de l’article, mais de commentaires). Cette série ne m’attire pas spécialement et il ya bien certains ratés sur TV+… comme toutes les plateformes ceci dit! Et il ya de belles réussites aussi

EricD5
26/10/2021 à 09:49

Merci ! Merci pour cette critique qui me soigne de l'angoisse d'avoir trouvée nullissime une série produite par Apple lui-même. En fait c'est moralisateur à souhait, mensongé sur l'objet réel du film (fantastique plus que SF, psycho niais plus que aventure) et, surtout, oui, une lenteur vraiment affligeante et un scénario complètement pathétique.

Alainsecte
25/10/2021 à 23:57

Le contenu de cette plateforme est fade et prétentieux à l'image des produits physiques de la pomme.

Donnez leur les meilleur thèmes, scenarios, budgets, ils en feront un truc cucul la praline bien dans les codes contemporains.

Il y a quand même la série Snoopy qui sort du lot :)

Ken
25/10/2021 à 21:07

Nul nul nul

S. Jobs
25/10/2021 à 20:41

Ultra prétentieux, ça se veut "ultra smart" mais c'est ultra plat... comme les produits Apple en fait !

Nuremberg V2 to Come
25/10/2021 à 19:35

en parlant de l'immense Jean Gabin, Lui il était pas planqué et kollabo, il était dans son tank entre autre, les anneés 39/45 lui ont vole sa jeunesse, d'acteur, ses meilleurs annees ,
apres guerre iln' etait plus blonde platine il avait les cheveux gris, il l'avait dit

Tearsin Rayne
25/10/2021 à 18:02

Merci d'effacer tous mes messages ^^

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