YOU saison 3 : critique du sous-Desperate Housewives de Netflix

Camille Vignes | 18 octobre 2021
Camille Vignes | 18 octobre 2021

Après un an et demi d'attente dû à la pandémie de Covid et aux suspensions intempestives de tournage, Netflix a finalement dévoilé la troisième saison YOU.  Attendus par les aficionados des tueurs en série type Dexter du pauvre, ces nouveaux épisodes promettaient de rebattre un peu les cartes de "l'amour" obsessionnel, en désertant les rues de New York ou Los Angeles pour aller se perdre dans les culs-de-sac de banlieue. Alors cette suite, aux faux airs de Desperate Housewives, est-elle à la hauteur des attentes ? Attention quelques spoilers.

LE GAZON DU VOISIN EST TOUJOURS PLUS VERT QUE LE SIEN

Ah la banlieue ! Ses rues proprettes et parallèles, ses jardins entretenus où rien ne dépasse, où les pelouses sont toilettées tous les quatre matins, où la sollicitude des voisins fait de l’ombre au calme plat et excitant de ses journées interminables. La banlieue ! Ce microcosme de tous les possibles, pourvu qu’il s’agisse d’un nouveau départ. Cette boîte de pétrie où pullulent et se reproduisent des générations de familles collier de perle-costume-cravate gluten-and-sugar-free, où rien n’a plus d’importance que la sacro-sainte apparence. La banlieue ! Ce rêve parmi les rêves. La banlieue... cette promesse d’une appartenance à un groupe, d’une existence remarquée, épiée, décortiquée, loin de l’anonymat des grandes villes.

Avec ces premiers instants, on se retrouverait presque entièrement dans les élucubrations renversantes de banalité de Joe (Penn Badgley) qui, pour racheter une bonne conduite à son couple, pour donner une chance à sa famille, a accepté d’aller vivre dans une de ces cartes postales américaines, quitte à vomir son quotidien, ses voisins et sa vie. Une manœuvre pas très originale finalement, qui n’a qu’un but : rappeler à la hâte le concept de la série, c’est-à-dire éveiller chez le spectateur un semblant d’empathie pour ce personnage principal abject à la personnalité profondément anti-sociale, dénuée d’empathie ou de remords, incapable de faire confiance.

 

photo, Penn Badgley, Victoria PedrettiLa base d'un couple sain : avoir une safe space

 

En plus de brosser son nouveau décor et de rappeler ses ambitions questionnables, cette introduction permet de mettre immédiatement en avant le labeur que constitue l’écriture du personnage de Joe, et par excroissance, de la série tout entière, bloquée dans la tête d’un tueur sociopathe. Tout autant acteur que narrateur de l’histoire, tout n’est vu qu’à travers ses yeux malades, incapables de voir autre chose que le pire de l’autre et de la société — sauf en de rares cas, où une femme (être quasi divin) réveille chez lui tous ses fantasmes et devient alors l’objet suprême de désir.

Au fil des épisodes, cette nature troublée a suivi, harcelé, agressé, séquestré, massacré, tué et recommencé encore et encore ce même processus. Après quelques gerbes de sang bien senties, Love (Victoria Pedretti) rouvrait en lui les affres dévorantes de "l’amour", chutait de son piédestal, et se laissait aller à sa jalousie pour mieux se transformer en meurtrière sanguinaire. 

Ainsi, avec ses deux premières saisons, You a réussi à enfoncer tous les clichés possibles du meurtre passionnel, de l’homme obsessionnel et de la femme jalouse, sans profondeur, sans vraiment s’amuser avec. Et ce qui frappe d’emblée avec cette troisième saison, c’est la facilité avec laquelle la série se fond dans un moule de déjà-vu usagés, de ses décors banlieusards, à la caractérisation de ses nouveaux personnages, en passant évidemment par le déroulement de son histoire.

 

photo, Tati GabrielleDes livres, une femme... je ne vois vraiment pas ce qui pourrait mal tourner

 

DESPERATE HOUSEWIVES KILLER 

Qu’on se le dise, alors que l’histoire Joe était au cœur de cet écrin de lieux communs, que s’y était ajoutée celle diablement inintéressante de Love, la série avait au moins pour elle d’être constante, de ne rien raconter de nouveau, mais de le faire sans s’attaquer à autre chose qu’à son idée de départ. Sauf qu’en retrouvant ces fameux personnages dans le quartier résidentiel de Madre Linda, la série se liquéfie dans un discours bavard, qui veut trop parler, qui a trop à dire, beaucoup plus que ce qu’elle est capable de supporter.

You ne pouvait pas se contenter d’abuser des obsessions de Joe et des accès de rage de Love. Ni du mélange des deux, lui qui avait déjà engendré un joyeux massacre en fin de deuxième saison, ainsi que la décision de se déporter vers le calme chic de la banlieue pour donner toutes ses chances à leur couple et à leur bébé. Pour autant, alors que cette nouvelle variable a été ajoutée à leur équation (et pas des moindres : un bébé garçon, être ô combien détestable pour Joe, incapable d’aimer et d’adorer autre chose qu’une femme ou une petite fille), leur fameux rejeton n’est pas au centre plus de deux épisodes sur les dix nouveaux.

 

photo, Michaela McManusPassionnant ton discours dis-moi...

 

You a pourtant tenté, dans les premiers temps de cette troisième saison, de faire de ce bébé un nouvel enjeu. Mais trop vite rattrapée par son besoin de dire des choses, de donner un avis, une position politique sur le brouhaha ambiant, elle est tombée dans un piège grossier qu’elle a elle-même érigé : celui de son décor. De ce décor qui se mêle en permanence de ce qui ne le regarde pas, qui passe d’une chose à l’autre sans réfléchir, juste parce qu’il n’y a que ça à faire. Qui, finalement, n’a de l’intérêt pour rien parce qu’il n’est ni intéressant ni stimulant.

Avec ça, tout peut y passer : la difficulté de devenir parents et de créer un lien avec son bébé, les problèmes de couples et les thérapies qui en découlent, les anti-vax, les momfluenceuses, les stages et autres camps pour que les hommes retrouvent leur masculinité perdue, les tromperies et infidélités, les couples libres, la sexualité débridée…

Desperate Housewives n’était peut-être pas LA série des années 2000, mais dans ses premières saisons, elle avait au moins le mérite de s’arrêter sur un sujet, et de l’aborder par le prisme du voyeurisme entre voisins. Elle n’essayait pas de donner son opinion sur tout et sur tout le monde en même temps, quitte à ne rien dire du tout. En passant d’un sous-Dexter à un sous-Desperate HousewivesYou ne réussit finalement rien du tout, si ce n’est de tenir le spectateur en haleine par son trop-plein. 

 

photo, Victoria Pedretti, Shalita Grant, Shannon Chan-Kent50 nuances de rebondissements

 

Tout se fond donc dans l’asphalte parfait des rues de Madre Linda, les personnages - surtout les secondaires -, et la surabondance des rebondissements (sans parler de l’aspect technique et artistique de la série...). Les vieux démons de Love et Joe ne mettent pas bien longtemps à les rattraper (à peu près une seconde et trente millième), à reprendre complètement possession d’eux jusqu’à ce que les décisions du couple deviennent complètement absurdes.

Le comportement à adopter à Madre Linda, ce comportement suspicieux qui affiche un sourire figé pour faire semblant, s’immisce dans leur couple, jusqu’à les faire s’entre-tuer dans un final trop long et sans saveur, qui réussit à être assaisonner d’un "tout est bien qui finit bien" gerbant. Netflix ne donne plus le change : You a définitivement fait le tour de son personnage.

La saison 3 de You est disponible en intégralité sur Netflix France depuis le 15 octobre 2021. Les saisons 1 et 2 sont toujours disponibles.

 

photo

Résumé

You n'a jamais été aussi clichée et pauvre qu'avec cette troisième saison. Incapable de dire quoi que ce soit d'intéressant, ou à défaut, d'un minimum réfléchi, elle ne sert que des fragments d'idées, sans profondeur ni saveur. 

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Lecteurs

(2.7)

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commentaires
Annabel
31/10/2021 à 20:20

J’ai eu un coup de coeur pour cette série et découvert certains artistes musicaux dans la bo saison 1 . L’atmosphère onirique et malsaine m’a tenu en haleine et même si le profil du tueur reste assez cliché, il n’en est pas moins intéressant et on espère qu’il arrête de tuer ce qui le rend assez attachant. Pour moi dans la saison 3 on sent que tout se dérègle subtilement ce qui à mon humble avis est annonciateur d’une saison 4 beaucoup plus cruelle.

Je m arreterais là
28/10/2021 à 20:56

Deja cette saison n etait plus très crédible mais alors la saison 4 a l air encore plus pourrie quand on voit les vieux décors sur la prochaine ville !!

NL
27/10/2021 à 12:37

Très déçus trop de redondance je pense que dans les deux saisons on a compris le personnage psychopathe j aurais aimé que le personnage nous emmènent plus loin on tourne en rond selon moi

Fanny
27/10/2021 à 00:30

3ème saison décevante!! une morale sur la mise en danger d'une personne non vaccinée qui n'a absolument pas sa place dans une série de sociopathes. Une mère qui tue la 1ere venue à coup de hache mais qui crie au scandale sur la mise en danger d'un "anti vax" ... sujet apporté probablement pour donner une touche de nouveauté mais qui decredibilise un scénario déjà bien mou.

Kali
26/10/2021 à 14:25

Franchement, je l' attendais avec impatience...et quelle déception.
Je trouve ça long, tortueux pour au final arriver à la conclusion de ce qui aurait pu arriver à la saison 2. Je trouvais le concept drôle, qu'il ai trouvé une nana plus dingue que lui, mais alors on arrive sur cette fin en se disant : "Tout ça pour en arriver Là ?!"
cette saison est d'un ennui...
Je ne sais même pas si je verrais la saison 4 si elle sort. C'est vous dire.

Morcar
24/10/2021 à 16:52

Concernant les commentaires sur le discours anti-vacc de cette saison, pourquoi donc les auteurs de la série n'auraient-ils pas le droit d'avoir un avis sur le sujet et de le donner dans leur série ? Bien des films et séries véhiculent des idées politiques, sur divers sujets.

Morcar
24/10/2021 à 16:49

Je viens de la terminer, et même si cette saison est en dessous des précédentes, si elle cumule les clichés, ça reste sympa à regarder. Elle propose au moins autre chose que les deux précédentes qui se ressemblaient trop.
Mais alors qu'ils annoncent une saison 4, franchement je ne pense pas que ça soit utile. Cette fois c'est bon, ils ont fait le tour. Je doute que la prochaine saison ne soit pas qu'une simple redite des premières.

Saisai
23/10/2021 à 22:53

Bjr,
Moi j'ai trouvé la saison 3 très intéressante. Cependant, au début je l'ai trouvé un peu nianniante mais au fil des épisodes cela fut très intriguant. Mon avis la saison 1 et 3 sont les mieux. Mais j'ai hâte de voir la saison 4 malgré tout.

ScreenManip
22/10/2021 à 13:05

@Gg
Pour savoir si on aime, il faut bien regarder…

Astrala20
22/10/2021 à 00:47

Vraiment Déçu de cette saison 3? C’est vraiment n’importe quoi Joe c’est un vrai psychopathe mais il se permet de juger sa femme parce c’est une psychopathe et meurtrière comme lui genre il à droit de tuer des gens mais pas elle mdrrrr

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