HPI saison 1 : critique du haut potentiel télévisuel de TF1

Lino Cassinat | 13 mai 2021
Lino Cassinat | 13 mai 2021

TF1 n'avait pas fait mieux depuis 2006 : HPI, sa création originale avec la talentueuse Audrey Fleurot en vedette a laminé la concurrence. Avec ses deux premiers épisodes, la chaîne a rassemblé 9,3 millions de téléspectateurs, soit 40% de part d'audience selon Médiamétrie. Un score qui fait baver d'envie, et qui nous a poussés à découvrir ce qui pouvait intéresser tant de monde. Fiction téloche française autour d'enquêtes de police à résoudre pour la case prime time : a priori pas de quoi rêver. Pourtant la surprise est là... même si elle a de saillants défauts.

SUPER-MAMAN

Dans la banlieue de Lille, Morgane Alvaro est dite haut potentiel intellectuel (ou HPI). Avec 160 de QI, c'est une surdouée. Mais surtout, c'est une mère célibataire qui galère : trois enfants à charge issus de deux pères différents - dont un qui a disparu dans la nature -, cinq crédits sur le dos, un caractère rebelle et intègre qui lui attire souvent des ennuis et seulement un boulot de femme de ménage dans un commissariat pour joindre les deux bouts. Elle s'en sort, mais tout juste.

 

photoUne héroïne hors du commun

 

À la suite d'un imbroglio, l'équipe d'inspecteurs dont elle nettoie les bureaux décide de l'engager comme consultante : en échange de l'aide de la police pour rouvrir l'enquête sur son ex-mari et amour de jeunesse disparu (et d'un plus gros salaire), Morgane devra mettre son intelligence et son sens de l'observation hors du commun au service des enquêtes du service... et sa haine naturelle des flics de côté.

Face au Mentalist des Américains et au Sherlock des Anglais, les persifleurs auront tôt fait de ricaner : c'est tout ce qu'on a réussi à envoyer ? Précisément, et c'est même là ce qui fait le charme immédiat des trois premiers épisodes d'HPI : Morgane Alvaro se démarque de ses deux autres confrères parce qu'elle répond au sourire Colgate du premier et au cynisme du second avec sa connaissance approfondie de... la vie de tous les jours. La sienne, entre l'éducation de ses enfants et les courses au centime près, mais aussi celle des autres, qu'elle observe grâce à sa profession de femme de ménage. Une invisible qui regarde tout, apprend de tout (des poubelles aux documentaires sur Arte), mémorise tout, et à qui rien n'échappe.

 

photo, Audrey FleurotAudrey Fleurot, autre registre, toujours aussi impressionnante

 

C'est une direction osée, très éloignée des traditionnels sombres beaux gosses en costard de flic et des nerds génies aux cheveux gras. D'autant plus que les créateurs d'HPI ont assorti leur personnage principal d'une personnalité extravertie et d'un look pin-up extravagant. Mais le concept paye quasi-instantanément, grâce à une étincelante Audrey Fleurot qui prouve encore une fois (si tant est qu'il le fallait) l'étendue de son talent, et un personnage-univers écrit avec rigueur et énergie. De cela émerge une héroïne à la typologie rafraîchissante, voire originale, que l'on a hâte de suivre dans les péripéties à venir. C'est là que ça se gâte.

 

photo, , Audrey Fleurot, Mehdi Nebbou, Marie DenarnaudFlics bougons gris numéros 8474 et 9154

 

PAS SUPER FLIC

Un personnage principal, aussi intéressant qu'il soit, il faut lui donner de la matière pour le nourrir et entretenir le divertissement. De ce côté-là, HPI tombe rapidement dans la redite et, à force, finit même par rentrer dans le rang de la production télévisuelle inoffensive. HPI perd son identité dès l'épisode 4, le premier à déplacer l'univers des intrigues des turpitudes de la grande bourgeoisie corrompue du Nord à... à peu près tout et n'importe quoi, du hooliganisme à l'arnaque aux petits vieux sur Internet .

Cela ne va pas sans conséquence évidemment, puisque Morgane Alvaro y perd au passage sa raison d'être, HPI sa saveur, et le spectateur son implication. Symptôme évident, la série se perd dans son ton. Elle hésite entre muscler ses intrigues et préserver son pétillant personnage principal, une anonyme qui traverse une prise d'otage, un enlèvement ou une fusillade, sans provoquer en elle la moindre réaction.

Comme une anti-Scully, qui découvre les aliens à chaque épisode de X-Files et répète la même trajectoire comme une amnésique, Morgane Alvaro traverse un nouvel univers sans que cela provoque la moindre évolution. Pas d'évolution ou même de montée en pression, comme si elle avait passé sa vie à voir des cadavres et des gens se faire tirer dessus.

 

photo, Audrey Fleurot, Mehdi NebbouBon j'ai envoyé une notif LinkedIn au mari de la victime pour lui dire qu'on a trouvé se femme morte

 

C'est dans les moments où cette contradiction est la plus forte qu'HPI donne à voir son plus mauvais visage : au bout de la 37e scène de crime contaminée par notre protagoniste, et du 46e décès négligemment annoncé à un proche de victime, la femme-enfant pétaradante du début se transforme en moulin à gags sinistrement inconséquent dans l'oeil du spectateur. L'amusement laisse alors place à un ennui endormant mâtiné d'un léger agacement, renforcé par l'habillage esthétique de plus en plus sucré et la facture technique globale de moins en moins convaincante - les figurants de la baston collective entre supporters de foot vous renverront aux sombres heures de Hélène et les Garçons.

Avec ses intrigues sans danger ni propos et sa galerie de personnages secondaires parfaitement fades et atones - hormis Mehdi Nebbou, sous-écrit mais parfait clown blanc -, le carburant manque vite à HPI et son héroïne pour continuer à impliquer le spectateur. La série se retrouve alors à compenser en versant dans la référence molle (celle à Usual Suspects déguise un monument de paresse) et le potache le plus basique, à la limite de l'écoeurement (niveau rêve érotique avec de la confiture et Careless Whisper répété trois fois en un seul épisode).

Le signe que la recette s'essouffle et que les quelques intrigues au long cours sont trop faibles pour charpenter durablement un récit juste passable. Dommage de se ménager à ce point, car les ingrédients de base étaient prometteurs.

HPI est disponible en intégralité sur Salto

 

Affiche officielle

Résumé

Il y a indéniablement un haut potentiel télévisuel dans HPI, et avec son héroïne populaire réussie et brillamment interprétée par Audrey Fleurot, on comprend que la série ait remporté l'adhésion. Mais elle se retrouve trop vite étouffée par un classicisme policier trop facile, revenu au galop après avoir été chassé par notre attachante protagoniste.

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(2.0)

Votre note ?

commentaires
Fred-a
27/06/2023 à 16:26

au début nous avions trouvé le personnage vulgaire, puis nous avons finis par regarder des épisodes, finalement, c'est lourd et répétitif d'un épisode à l'autre en plus d'être très vulgaire, Audrey Fleurot surjoue son rôle comme elle le fait dans d'autres rôles, au force d'en faire de trop cela lasse vite. Même Corinne Masiero dans Captaine Marleau fait classe à côté d'elle. D'ailleurs cette dernière joue mieux et plus naturelle, cette série est bien plus intéressante.

Camille
15/12/2022 à 11:16

@Loene : non ce n'est pas en Bretagne, mais à Lille. J'ignorais que ct une ville chic comme Nice ou Monaco, ils habitent tous des appart témoins, les suspects sont tous médecin, véto, chef d'entreprise... 0n se croirait dans les studios d'Helène et les garçons telkement c propre et lumineux

Loene
21/05/2021 à 00:01

Quelle médiocrité ! je ne regarderai plus. Le personnage de Morgane qui se veut drôle n'est que vulgaire, criard, sans intérêt. Le binôme Morgane, Karadec ( au profil d'un beau méditérranéen mais sûrement pas breton) ne fonctionne pas. Scénarios, intrigues indigentes comme les dialogues.

Morcar
14/05/2021 à 10:58

J'avais vu je ne sais plus où une pub pour cette série, dont le personnage principal me paraissait intéressant. Mais je ne suis pas surpris de découvrir que rapidement la série en arrive à répéter les mêmes schémas de toutes celles qui ont précédé. C'est toujours pareil, on recycle les mêmes intrigues en pensant que le personnage principal différent sera suffisant pour qu'on ne s'en aperçoive pas. Les américains font pareil avec la plupart de leurs séries policières dont les intrigues sont réutilisées de l'une à l'autre.
Rien d'étonnant puisque ce sont les mêmes scénaristes qui passent d'une série à l'autre.

@antipop C'est un fait, en effet. Je connais même un auteur d'une série de romans policiers régionaux, à qui je faisais remarquer qu'il répétait un peu trop le même schéma sur ses romans et que selon moi ses meilleurs étaient ceux qui proposaient quelque chose de différent, qui m'a répondu que la grande majorité des retours qu'il a de ses lecteurs disent tout l'inverse : ses romans différents plaisent moins, tandis que ceux qui recyclent la même recette plaisent plus à la majorité de ses lecteurs. Le grand public aime sa petite routine...

@cmoileena42 Certes, aujourd'hui il y a le replay qui permet de voir les séries autrement. Mais j'avoue que je ne regarde plus du tout nos chaines françaises, au point que j'avais zappé la diffusion de cette série, par exemple. Et pour ce qui concerne TF1, non seulement leur site de replay est très mauvais (et ils l'admettent en interne, j'ai un proche qui a travaillé jusqu'à récemment pendant plusieurs années à l'informatique de TF1), mais en plus les épisodes ne restent disponibles qu'une semaine. Le Replay d'M6, par exemple, laisse les épisodes bien plus longtemps.

cmoileena42
14/05/2021 à 10:08

@benasi
Ca fait 40 ans que l'enregistrement tv existe. 15 ans avec facilité via un disque dur.
Bref de nos jours regarder la tv en direct n'est pas une nécessité. Avec l'enregistrement pas de contraintes horaires ou de pubs. Faut prendre le temps (2secondes) de programmer via sa tv, box ou appli.

Marvelleux
14/05/2021 à 09:34

Bizarre touts ses commentaires élogieux sur la série (et ce sur pas mal de site)?

lebradeur
14/05/2021 à 09:24

Il y a un plein de trous dans les scenarii. C'est la même chose à chaque fois (comme dans Colombo et bien d'autres) et on s'y attend (ça s'appelle un rite, comme les cameo de Stan Lee ou Hitchcock). Ca va vite (enfin) et ça change des commissaires males blancs poussifs. C'est exagéré. On rit.
Il y a un peu de modernité, comme les plans insérés.
Quelqu'un a dit que la plupart des acteurs jouent très bien?
J'ai regardé avec plaisir. Ca faisait des années que je n'avais pas regardé un polar sur TF1.

antipop
13/05/2021 à 20:48

"Au bout d'un moment les gens vont se rendre compte qu'ils regardent toujours la même chose "

"et après ça tombe dans le travers du classicisme des séries policières, jusqu'à perdre tout ce qui faisait au début de cette série une "nouveauté" (relative)"

Sans avoir vu la série, sans avoir de télé d'ailleurs, je suis d'accord avec vous, mais là où on a du mal à se mettre à la place des autres, c'est qu'une bonne partie du public veut JUSTEMENT voir toujours la même chose... sans être trop bousculé dans ses petites habitudes.

(c'est ce qu'on pourrait appliquer à n'importe quel fanboy de n'importe quelle franchise d'ailleurs)

:)

Benasi
13/05/2021 à 20:36

Et puis regardé une série qui démarre à 21h30, entrecoupée de pubs, c'est vraiment la télé dont je ne veux plus.

Chris11
13/05/2021 à 18:17

C'est exactement ce que vous dites : la nouveauté prend sur les 2 voire 3 premiers épisodes, et après ça tombe dans le travers du classicisme des séries policières, jusqu'à perdre tout ce qui faisait au début de cette série une "nouveauté" (relative).

Plus
votre commentaire