Jurassic League : critique avec des dinosaures dedans

Arnold Petit | 6 mai 2023
Arnold Petit | 6 mai 2023
 

La Justice League, mais en dinosaures, il n'en fallait pas plus pour qu'Écran Large fasse la critique de Jurassic League, paru le 5 mai en France chez Urban Comics. Avec son histoire insensée de dinos super-héroïques, le comics de Daniel Warren Johnson (Wonder Woman : Dead Earth, Beta Ray Bill) et Juan Gedeon (Venom) est-il le délire jubilatoire espéré ?

 
 

LE MONDE PERDU DE DC

Pour n'importe quel fan de super-héros et de dinosaures (c'est-à-dire plus de la moitié de la rédaction d'Écran Large), Jurassic League est un fantasme qui devient réalité. Le concept tient, plus ou moins, en une phrase : réinventer les héros et les méchants emblématiques de l'univers de DC en dinosaures anthropomorphes qui se battent entre eux pour protéger ou manger les humains, qu'ils appellent "les petites bêtes". Oui, c'est aussi bête que ça en a l'air, et avec une telle idée de base, le scénario ne se prend évidemment pas du tout au sérieux.

Juan Gedeon et Daniel Warren Johnson ne perdent pas de temps et introduisent d'emblée les grandes figures de la Justice League et leurs ennemis en adaptant leurs origines et leurs histoires à ce monde alternatif improbable. Ainsi, Supersaur est un brachiosaure tombé du ciel qui a été élevé par un couple préhistorique, Batsaur est un allosaure qui porte un costume de chauve-souris avec une cape et Wonderdon est une styracosaurus qui a quitté son île de styracosaurus amazones pour protéger le monde avec son épée, son lasso et son bouclier.

 

Jurassic League : photoBatsaur, qui instaure la peur dans le coeur des criminels du Jurassique

 

Sans aucune finesse, les auteurs enchainent les références, les jeux de mots et les idées aussi absurdes qu'amusantes, comme d'utiliser les crêtes colorées du dilophosaure pour le maquillage du Jokerzard, de transformer Flash en Flashraptor ou de reprendre l'image du meurtre des parents de bébé Batsaur au détour d'une case. Seulement, malgré les intentions sincères des deux scénaristes, le résultat se révèle trop basique et trop timide pour être aussi plaisant qu'il le voudrait et le devrait.

Batsaur, Supersaur et Wonderdon sont omniprésents pendant qu'Aquanyx, Green Torch et Flashraptor sont relayés au rang de personnages secondaires rigolos qui ne servent à rien, et une fois que le grand méchant dinosaure de l'histoire débarque, le scénario ne fait pas même l'effort de tenir jusqu'au bout, avec des héros qui apparaissent soudainement d'une case à l'autre, par exemple. En fin de compte, Jurassic League n'est qu'une énième réinvention des origines de la Justice League, mais avec des dinosaures, et c'est tout.

 

Jurassic League : photoGreen Torch, qui ressemble plus à un ancêtre de Picsou qu'à un parasaurolophus

 

BATTLE ROYALE

En s'associant pour créer ce projet, Daniel Warren Johnson et Juan Gedeon n'avaient visiblement pas d'autre ambition que de proposer une histoire ridicule avec plein d'action et de dinosaures, et Jurassic League tient au moins cette promesse en multipliant les affrontements au fil des pages. Chaque combat entre les personnages engendre une explosion de couleurs et de coups dans un chaos bestial, avec des griffures, des morsures, mais aussi des prises directement inspirées du catch, qui témoignent de la passion de Daniel Warren Johnson pour le divertissement sportif.

D'une certaine façon, le style de Juan Gedeon rappelle celui de son compère pour son trait et son énergie frénétique, qui se ressent notamment dans les séquences d'action. Pourtant, même s'ils sont très efficaces dans l'ensemble, ses dessins restent assez limités et ne sont jamais pleinement percutants. La palette de Mike Spencer apporte du dynamisme aux combats et aux décors et arrière-plans relativement pauvres, mais ne suffit pas à déclencher cette étincelle de fantaisie qui manque dans les illustrations. Et la rupture graphique au milieu du récit n'arrange rien.

 

Jurassic League : photoQuand la mâchoire de Giganta rencontre l'épée en os de Wonderdon

 

Pendant le troisième chapitre, Juan Gedeon laisse sa place à un autre dessinateur, Rafa Garres, et ça se voit. Son trait plus grossier et haché tranche radicalement avec celui des autres chapitres, avec un aspect crayonné et des ombres plus prononcées qui rendent les combats illisibles. Ses personnages, qu'ils soient humains ou sauriens, se retrouvent avec une apparence difforme, qui évoque des caricatures ou des brouillons inachevés, et ses dessins sont carrément ratés dans plusieurs cases.

Le style coloré et léger ne colle pas du tout à sa patte, les bulles de dialogues et les onomatopées se confondent avec le reste des lignes, et le peu d'intérêt qu'il y avait à suivre Jurassic League s'éteint aussi rapidement que les dinosaures, en quelques pages. Du moins, avant que Juan Gedeon revienne pour limiter la casse et boucler son histoire avec encore quelques bastons et un gros affrontement final.

 

Jurassic League : photoSupersaur contre Brontozarro, ou quelque chose comme ça

 

LES HÉROS DU CRÉTACÉ

À tous les niveaux, Jurassic League donne l'impression d'une occasion manquée pour un concept génialement absurde. L'esthétique et l'atmosphère s'inspirent clairement des Tortues Ninja, d'Extrêmes Dinosaures et des dessins animés du genre, en s'appuyant sur la nostalgie des années 80 et 90 et la fascination pour les dinosaures qui est née après Jurassic Park. Les interactions entre Flashraptor et Green Torch sont copiées sur celles de la bande des Tortues Ninja, et plusieurs séquences donnent l'impression de voir l'adaptation d'une ligne de jouets sortie à l'époque qui serait tombée dans l'oubli. Sauf que le scénario ne sait jamais quel ton adopter.

Même s'il n'y pas d'effusions de sang et de contenu graphique, le récit est trop violent pour s'adresser aux enfants, mais pas assez pour être un défouloir régressif. Ce déséquilibre s'illustre parfaitement dans la relation entre Batsaur et l'enfant humain qui le suit : les scènes qu'ils partagent évoquent autant la mièvrerie d'Adam Driver et Ariana Greenblatt dans 65 : La Terre d'Avant que la mélancolie de Spear et Fang dans Primal.

 

Jurassic League : photoLa justice trouve toujours un chemin

 

Au final, cette histoire de Justice League en dinosaures est divertissante, sans plus. Et alors que les dernières pages laissent la porte à une éventuelle suite, l'alternative serait peut-être de pousser le concept jusqu'au bout.

Quitte à puiser son inspiration dans l'imaginaire des années 80 et 90 et les dessins animés de cette époque, Jurassic League mériterait d'être adapté par DC et Warner Bros. en film ou en série d'animation. Peu importe le style, enfantin ou décomplexé, si le résultat assume totalement son délire et réussit à faire oublier cette petite déception.

 

Jurassic League : photo

 

Résumé

 

Avec sa version de la Justice League en dinosaures, Jurassic League est aussi bête et amusant qu'il en a l'air, mais ne propose rien de plus exaltant ou surprenant que n'importe quel autre récit du genre et ne sait malheureusement quoi faire de son concept, qui méritait (et mériterait) mieux.

 
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commentaires
Emynoduesp
07/05/2023 à 20:42

J ai craint le pire en entendant parler de ce truc, ben on n en est pas loin.
Ce sera sans moi en tous cas, j ai autre chose a faire avec mes deniers.

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