Test Stranger of Paradise Final Fantasy Origin : la saga Final Fantasy est-elle morte pour de bon ?

JL Techer | 14 mars 2022
JL Techer | 14 mars 2022

Final Fantasy XV a été une déception. Le jeu a divisé le public, et malgré un succès commercial certain, les critiques ont été très virulentes contre ce jeu cassé techniquement et à la narration bancale. Depuis, Square Enix espère redorer le blason de sa saga culte. En attendant Final Fantasy XVI, histoire de faire patienter les fans, Square a décide de confier la licence FF  à Team Ninja (Nioh) pour produire un action-RPG aux airs de Souls-like. Dès son annonce, Stranger of Paradise Final Fantasy Origin était mal parti : sa présentation nanardesque en a fait un meme instantané et la risée d'Internet. La barre n'a malheureusement pas été vraiment redressée depuis... Chronique d'un naufrage. 

C'est l'histoire de 4 guerriers...

Sur le papier, la promesse de Stranger of Paradise Final Fantasy Origin (FFO) est plus que sexy. Pour célébrer les 35 ans de sa saga phare, Square Enix a souhaité donner un prequel moderne à l'épisode fondateur de la série, le bien nommé Final Fantasy I sorti sur NES en 1987. Et pour l'occasion, Square a fait appel a des esthètes du jeu nerveux et raffiné : la Team Ninja. Avec un CV comptant des oeuvres majeures comme la saga de versus fighting Dead or Alive, Ninja Gaiden et le diptyque Nioh, difficile d'espérer mieux pour amener FF sur les terres de l'action débridée. 

L'enjeu est d'autant plus grand que FF Origin a hérité d'une double tâche : faire patienter les fans jusqu'à l'arrivée du fébrilement attendu Final Fantasy XVI, et si le titre est un succès, inaugurer une série parallèle aux épisodes principaux. Et pourquoi pas, à terme, finir par tisser des liens entre les opus 8/16 bits en construisant un FF Videogame Multiverse.

 

Stranger of Paradise Final Fantasy Origin : photoOn connait la chanson

  

Niveau timing, tous les voyants sont au vert pour l'accueil de FFO : la série principale Final Fantasy n'a que peu d'actualité, Final Fantasy XIV entame sa fin de carrière, et les seuls titres que la fan-base a à se mettre sous la dent sont la collection Pixel Remaster, une vague de remasters des six premiers opus NES et SNES plus que fainéants, vendus bien trop chers pour la qualité fournie sur PC.

La voie était donc libre pour que les fans se jettent sur un nouveau FF. Avec le background riche et dense de la série Final Fantasy, sa collection de monstres et de personnages cultes, ses musiques emblématiques, et son aura plus que culte, le tout lié et passé à la moulinette du savoir-faire de Team Ninja, les planètes sont alignées pour produire un hit, voire un chef-d'oeuvre. What could go wrong ? Spoiler : à peu près tout. 

La Team Ninja avait vendu un Souls-like dans l'univers FF, un titre audacieux narrativement qui allait bouleversé le lore de FF1, et qui allait surtout secouer le canon du champion du JRPG en y amenant des éléments de SoulsBorne afin de sublimer une formule déjà rôdée. Aucune de ces promesses n'a été respectée. Pire encore, Stranger of Paradise est l'archétype du jeu qui n'a rien à offrir en dehors d'un écoeurant fan-service. 

 

Stranger of Paradise Final Fantasy Origin : photoRIP Garland (1987 - 2022)

 

Du fan-service jusqu'à la nausée

Stranger of Paradise Final Fantasy Origin est l'exemple même du jeu tiraillé en permanence entre deux pôles qui ne parviennent pas à se concilier. D'une part, il déborde d'envie d'être un jeu dans la plus pure tradition de ce que sait produire la Team Ninja. Tout a été fait pour que le feeling en combat soit nerveux, que le feedback lors des affrontements soit jouissif, que le titre soit brutal, et sans concession. Une intention d'autant plus louable que le joueur passera le plus clair de son temps à passer à tabac des tonnes de monstres sans relâche.

Ces bestioles reviendront à l'infini chaque fois que l'on passera par la case points de sauvegarde/feu de camp, une mécanique bien connue par les habitués des SoulsBorne. Car tel devait être ce FF Origin : un Souls-like dans la veine de Nioh, un action-RPG racé, sans compromis, à même de satisfaire les joueurs les plus exigeants. Cependant, cette exigence semble s'être prise de plein fouet le double mur en acier trempé de la nécessité de coller au lore de Final Fantasy I, et du fan-service à outrance. 

 

Stranger of Paradise Final Fantasy Origin : photoOpération relooking de monstres iconiques

 

Impossible de savoir si cela provient de la Team Ninja qui se serait imposé un cahier des charges trop important, ou si Square Enix avait défini au préalable une liste d'éléments à inclure dans FF Origin. Mais le fait est que tout est là pour alimenter la machine à fantasmes de la fan-base des Final Fantasy. Dans les dédales de couloirs du jeu se croisent les monstres iconiques de la saga (Tomberry, Pampa, Bombo...), certains décors proviennent tout droit de FF9 et FF14, et les personnages sifflotent sans raison des mélodies venues d'autres FF

FFO importe également le système de jobs apparus dans Final Fantasy III qui a connu son apogée avec FFV. Ainsi, chaque personnage peut obtenir une classe/job, lui accordant des spécificités particulières en combat : les mages (Rouge, Blanc, Noir) disposent de sorts, alors que les guerriers (du chevalier au paladin, en passant par le ronin et le moine) cassent du monstre au corps à corps. Une proposition classique, efficace mais déjà-vue. 

 

Stranger of Paradise Final Fantasy Origin : photoMême impressionnants, ils ne résistent pas longtemps

 

Mais à vouloir trop en faire, trop en montrer et trop donner, FFO produit l'effet inverse de ce qu'il espérait. Préquelle de FF1, une trentaine de jobs hérités de FF3 et FF5, gimmicks d'un peu partout, monstres de toute la saga... Toute cette addition forme un plat imaginaire aux saveurs trop nombreuses, jusqu'à la saturation, et en fin de compte ce plat n'a plus aucun goût. 

Le problème est qu'ici, ce n'est pas un doux parfum enivrant de nostalgie qui envahit la gaming room, mais une immonde puanteur passéiste, qui laisse une amertume dont on ne parvient pas à se détacher tout au long de la quinzaine d'heures qu'il faut pour terminer le jeu en ligne droite. Cette nostalgie forcée bride le jeu, l'empêche de prendre son essor, et écrase totalement toute possibilité pour FFOrigin d'obtenir une quelconque identité propre. Il n'a que la saveur d'un pur produit commercial tout juste bon à donner du grain à moudre à des fans collectionneurs compulsifs.

 

Stranger of Paradise Final Fantasy Origin : photoMétaphore de la solitude du fan

 

bienvenue dans le monde d'avant

Si le fond est désagréable, la forme de Stranger of Paradise Final Fantasy Origin ne sauve malheureusement rien. Le titre de la Team Ninja souffre d'un game design d'un autre âge et d'un level design paresseux. Alors que Final Fantasy a toujours été synonyme de grande aventure, de monde immense à explorer, et de découvertes merveilleuses, FFO se structure autour d'une succession de missions imposées, que l'on choisit dans un simple menu, et supprime toute possibilité d'exploration de son univers, et ce alors que Final Fantasy 1 sur NES le proposait bel et bien. 

Les niveaux s'enchainent sans passion, et les personnages passent le plus clair de leur temps à aller de couloir en couloir, afin de cogner mécaniquement sur les mêmes assets recyclés jusqu'à l'engorgement. Si croiser un Bombo, un Pirate ou un Pampa est sympathique la première fois, au bout de la 200e, il faut se faire violence pour continuer à avancer. 

 

Stranger of Paradise Final Fantasy Origin : photoL'état du joueur après 15 heures de jeu

 

On aurait pu alors espérer que l'histoire soit un moteur suffisant pour motiver à progresser. Ce n'est malheureusement pas le cas. Non seulement le scénario est cousu de fil blanc, recyclant des clichés vieux de 30 ans, et ne parvient jamais à être crédible. Sa structure narrative est poussive, et ses protagonistes si mal écrits que cela confine à la nanardise. Le titre de la Team Ninja cumule les moments drôles malgré lui, où les personnages fonctions prouvent qu'ils n'ont été conçus que pour avoir une seule émotion.

Par moment, le quintet de héros renvoie aux pires heures des sentai, où chaque personnage est défini par une couleur et une émotion : Jack (encore un caucasien amnésique) le ténébreux, Jed le petit comique, Sophia la rabat-joie... À cela s'ajoute un acting mauvais au possible au point de finir par accoucher, non pas d'un hommage à l'épisode qui a lancé la saga culte, mais bel et bien d'une parodie de Final Fantasy cachée dans un semblant d'action-RPG qui est en réalité un beat'em up mal conçu. FFO parvient même à décevoir sur sa nature même. 

 

Stranger of Paradise Final Fantasy Origin : photoGo Go Power Rangers !!

 

Qu'est devenue la promesse d'un Souls-like ? Les combats n'exigent aucune réflexion, même dans le mode de difficulté le plus élevé, il suffit de matraquer les gâchettes pour venir à bout des 20 mêmes ennemis recyclés à l'infini. Ce n'est pas un action-RPG, mais un beat'em up qui compense ses lacunes de game design par une overdose de loot (plus de 500 items récoltés en moins de deux heures, qui dit mieux ?). Quant à la proposition de contrôler une équipe de trois personnages, elle n'existe que sur le papier, tant ses coéquipiers sont d'une inutilité complète et contrôlés par une IA au QI négatif (les personnages peuvent même combattre dans le vide pendant de longues minutes).

Le résultat final est indigne d'un Final Fantasy, et il est presque douloureux de se dire que la Team Ninja est derrière ce fiasco. Produire un Nioh avec un skin de Final Fantasy aurait suffi à créer un hit, et pourtant, le résultat est à des années-lumière et toutes les promesses faites. Les seules choses qui sauvent les meubles est la technique, louable sur PS5 et Xbox Series, à peine passable sur PS4 et Xbox One, et sa bande originale, qui, quand elle ne se perd pas dans des remixes électro bas de gamme, est capable de grandes envolées symphoniques dignes du maestro Nobuo Uematsu. A part ça, tout n'est que du vent. Il ne reste plus qu'à prier pour FFXVI

Ce test a été réalisé à partir d'une copie fournie par l'éditeur. Stranger of Paradise Final Fantasy Origin sera disponible à partir du 15 mars 2022 sur Xbox One et Series, PS4 et PS5, et sur PC.

 

 

Stranger of Paradise Final Fantasy Origin : Cover

Résumé

Complètement étouffé par la licence Final Fantasy, surement contraint par un cahier des charges trop dense ou à vouloir faire trop de fan-service, la Team Ninja est très loin d'avoir livré le chef-d'oeuvre attendu. Stranger of Paradise Final Fantasy Origins n'est ni un digne héritier de Nioh, ni un ersatz de Souls-like, et encore moins un bon Final Fantasy. Ce titre est en réalité un beat'em up qui ne s'assume pas, sur lequel a été apposé de force un lissage de RPG et le logo "Final Fantasy". Il n'est qu'une tâche sur le CV brillant de Square Enix qu'on se dépêchera d'oublier.

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commentaires
castiel
30/03/2022 à 15:43

Désolé mais je crois que les gens les plus critiques sur ce jeux sont ceux qui n'ont pas compris.

Déjà ce n'est pas parce que le jeu est estampillé Final Fantasy que ce doit être un monde ouvert avec l'exploration comme maître mot. FFO est dans la lignée d'un Nioh, allant à l'essentiel comme pour dire au joueur que la richesses se situe dans son menu et son gameplay.

"Un beat them up mal conçu", je crois rêver, le jeu est d'une richesse folle, entre les différentes classes à augmenter, les combos qui vont s'enrichir, la manière de jouer différentes selon si vous êtes un gladiateur ou un surineur...Enfin le jeu n'est pas drôle malgré lui, c'est de la totale auto dérision voire même un soupçon de cynisme sur les joueurs et leurs attentes narratives. La plupart des gens ont besoin maintenant d'un lore ultra riche pour apprécier un jeu vidéo alors qu'il ne devrait suffire que d'un bon gameplay avec suffisamment de richesses et de subtilité pour s'amuser instantanément et prendre du bon temps. FFO se contente de l'aura de la saga qui transpire pas tous les pores du jeux (décors, bestiaires, musiques, jobs, équipements) et en se situant aux origines de celle-ci (FF 1) tout en proposant un scénario pas si con que ça en fait dans sa démarche même s'il emprunte les codes du nanar on va pas se mentir. Si on creuse un peu, on pourra même y trouver un côté méta (Nomura oblige) dans ses défauts (peu de caractérisation de personnages rappelant FF1, peu de vie dans les PNJ, rappellant aussi les premiers FF où il y avait peu de skin de pnj différentes, bestiaire assez pauvre).

Bref il faut vraiment voir ce jeu comme une relecture du premier Final Fantasy, avec ses limites, qui se serait mélangé (35 ans oblige) avec les autres volets de la saga (failles spacio-temporelles du scénarios, décors inspirés de lieux iconiques de différents épisodes, richesse des jobs)

Je pense finalement que le gouffre entre la vision occidentale et purement japonaise du jeux vidéo se creuse encore un peu avec cet épisode de Final Fantasy.

Syqes
15/03/2022 à 14:53

C'est quoi ce titre? FF14 démonte tout et les derniers FF se sont très bien vendu et à part les "gamer(tm)" ils sont très appréciés, sortez de votre nostalgie un peu.

Rigald
14/03/2022 à 21:58

FFXIV en fin de carrière ? Pardon ? Le jeu est loin d'être abandonné

Lex777
14/03/2022 à 17:51

"Alors que Final Fantasy a toujours été synonyme de grande aventure, de monde immense à explorer, et de découvertes merveilleuses, FFO se structure autour d'une succession de missions imposées, que l'on choisit dans un simple menu, et supprime toute possibilité d'exploration de son univers, et ce alors que Final Fantasy 1 sur NES le proposait bel et bien. "

marrant c'était justement ma critique à l'époque de FFX qd j'ai découvert l'airship de ce volet au bout d'une pénible ligne droite (et l'airship était juste une liste dans un menu, là ou les volets nes nous laissaient explorer le monde). Depuis je me suis fait une raison ; ;

Mushy
14/03/2022 à 15:16

@Geoffrey Crété - Rédaction

Oui , je suis tout a fait d'accord. Je préfère voir une critique " sévère " bien écrite ( comme la votre ) que les copier/coller qu'on a vu a foison pour Elden Ring

Mais oui dans tout les cas, je me ferais mon propre avis lorsque je mettrais les mains dessus.

Geoffrey Crété - Rédaction
14/03/2022 à 14:02

@Mushy

Comme d'habitude, on va dire : il ne faut "croire" personne, il faut se faire son propre avis. La critique n'est jamais d'accord, tout comme le public.
Et notre job, encore une fois, n'est pas de vous dire quoi voir, penser, choisir. Ce n'est pas non plus de regarder ce que disent les autres médias pour pouvoir écrire nos articles. On donne des avis, on propose des pistes de réflexion, on participe au débat, mais jamais on ne dit qu'il faut/faut pas.

Mushy
14/03/2022 à 13:38

Je crois que vous êtes les seuls à lui mettre une mauvaise note ...
Qui croire ? les sites spécialisés dans le JV ou celui spécialisé dans le ciné ?

MC 73 (32 critiques)
OC 76 (16 critiques)

Je blague bien sur. Il y a quand même 2 ou trois testeurs JV qui n'ont pas aimés.
Le jeu est " bon " mais il arrive après Elden ring . Juste pas de bol

Atma
14/03/2022 à 13:34

ça confirme ce que je craignais: pas de bonne surprise et encore un avatar de la lente décomposition de ce zombie qu'est devenue Final Fantasy.

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