Portal 3 n'est pas près de sortir (mais pour une bonne raison)

Lors d’un récent podcast, le scénariste des jeux Portal et Portal 2, Erik Wolpaw, a évoqué le futur de la saga... et la politique de Valve. 

Après l’annonce puis la sortie surprise de Counter-Strike 2, la société américaine Valve a frappé fort. Contrairement à beaucoup d’autres, l’éditeur a su prouver qu’il était aussi secret que patient, prêt à dégainer une suite extrêmement attendue pour un de leurs meilleurs titres après plus d’une décennie d’attente et sans aucun effet d’annonce. De quoi réveiller les espoirs des uns et des autres, qui se languiront sans doute pour longtemps d’un Half-Life 3 (malgré la sortie en 2020 de l’excellent jeu VR Half-Life : Alyx) et évidemment de Portal 3. 

On sait que Valve travaille sur ses projets dans le plus grand mystère et chacun de ces jeux pourrait bien un jour nous sauter au visage sans crier gare, pour le plus grand bonheur de tous. Néanmoins, il s’agit aussi de ne pas trop se bercer d’illusions. Notamment pour ce qui est du cas de Portal 3, dont certaines récentes informations nous laissent penser qu’on va devoir prendre notre mal en patience. 

Le grand retour du FPS culte de Valve

You have to take another portal 

Il y a peu, My Perfect Console podcast a tendu son micro à Erik Wolpaw, scénariste historique de Valve. On lui doit, entre autres, la coécriture de Psychonauts, Half-Life 2 et des deux jeux Portal. En somme, c’est en partie sur lui qu’il faudra compter si on veut un jour savourer une suite de Portal à la hauteur des deux premiers volets. Puisqu’il a, plusieurs fois par le passé, évoqué avec ambiguïté un développement possible de Portal 3, Simon Parkin (hôte du podcast) l’a finalement interrogé sur le sérieux de ses déclarations. Sa réponse fut malheureusement assez décevante : 

"C’est une blague. [...]  Je voudrais pouvoir faire un Portal 3 mais je sais bien – en dehors du fait que je blague pour mettre mes collègues dans la merde –  que lutter pour qu’il se fasse serait destructeur pour la compagnie : je ne veux pas causer de conflits internes. [...] Ce que je fais peut-être... mais je crois que les gens avec qui je travaille comprennent que je plaisante."

Il n’y a plus qu’à refaire le jeu avec du RTX pour se consoler 

Tel le gâteau, Portal 3 n'était-il donc qu'un mensonge depuis le début ? En réalité c’est une question difficile à trancher. Le ton facétieux de Wolpaw peut être interprété de bien des manières et on pourrait tout à fait envisager que cette nouvelle déclaration qui est aussi là pour nous tromper. Après tout, Portal 2 date de 2011 et il paraît assez dur à avaler qu’il n’y ait même pas l’esquisse d’un projet de suite depuis tout ce temps – d’autant plus quant on constate à quel point le jeu est toujours aussi populaire actuellement. 

D’après SteamDB, Portal 2 compte (rien que ce mois d’avril 2023) entre 1000 à 3000 joueurs journaliers, alors que le jeu a maintenant 12 ans. Bien qu’ils soient aussi disponibles sur d’autres plateformes, des Forspoken ou Dead Space remake n’arrivent déjà plus à atteindre la barre des 1000 joueurs quotidiens sur Steam, à seulement quelques mois de leurs sorties. C’est dire si la longévité des jeux de Valve est impressionnante. Pourtant, d’après Wolpaw, la société américaine n’aurait pas les moyens et les effectifs de multiplier les projets, malgré l’influence de Steam. 

Un vrai casse-tête de production ?

Des choix qui payent

Selon l’auteur, on surestime les capacités de Valve. L’éditeur agirait très consciencieusement et en fonction de leurs ressources humaines. Inutile de brusquer les choses ou d’enchaîner les chantiers :

"Valve n’est pas une compagnie géante. Beaucoup le pensent à cause de l’importance que Steam a pris, mais nous ne sommes pas une grosse équipe. [...] Cela nous demande du monde pour s’occuper de Dota, de gérer CS:GO sur le long terme, et nous faisons aussi beaucoup d’expériences qui échouent tout simplement. [...] Je pense que les gens pensent que tout est un problème d’argent, mais ici c’est une pure question de main d’œuvre. [...] On doit choisir ce sur quoi on travaille en priorité, et le temps est limité." 

Voilà un éclairage très intéressant et un point de vue assez rafraîchissant sur l’industrie. Pourquoi donc un tel jeu, si attendu par les fans, se fait autant désirer alors que Steam est si lucratif ? La réponse est honnête et riche d’enseignements : le temps et les ressources humaines sont des denrées aussi précieuses et fragiles que celles du budget et de la santé financière de la firme. Une donnée que négligent parfois beaucoup de grosses sociétés de jeux vidéo modernes... au risque de leur ruine (le cas récent d’Ubisoft est assez parlant). 

" C’est un vrai triomphe. Je m’attendais au pire : quel succès !"

Valve a donc fait des choix en ayant à l’esprit ces limites que même une entreprise comme elle ne peut ignorer. Elle a donc choisi de reculer la production de nouveaux jeux pour solidifier à travers le temps les fondations de ses titres multijoueurs comme Dota et Counter-Strike et en a assuré la longévité ainsi qu’une très bonne réputation. L’autre priorité, ça a été évidemment Steam : son modèle et sa domination sur le marché. Selon Wolpaw, ce fut d’ailleurs la meilleure décision de la firme :

"Même si j’ai adoré tous les projets sur lesquels j’ai été chez Valve, et qu’ils me sont tous chers ; si j’avais à choisir entre les jeux de Valve et Steam – que je pense être la technologie démocratisant la création et la vente vidéoludique la plus importante – je choisirais toujours Steam." 

L’auteur a ainsi précisé qu’il y avait environ 300 employés à Valve et que démarrer la création d’un nouveau jeu nécessitait d’en réquisitionner quelque 75 d’entre eux. Ce n’est ainsi pas toujours le bon moment pour se lancer dans une telle aventure, car ce n’est pas le travail qui manque. En somme, si on peut espérer voir Portal 3 un jour, ce n’est a priori pas pour tout de suite. Car à la fin rien ne sert de courir, il faut partir à un point.