Six ans après le bide historique de Terminator : Dark Fate, le réalisateur Tim Miller revient sur cette expérience.
Quel est le pire épisode de la saga Terminator ? Pour Arnold Schwarzenegger, la réponse est Terminator 4 : Renaissance. Pour toute personne saine d’esprit, c’est forcément Terminator : Genisys ou Terminator : Dark Fate. Et l’humanité a certainement mieux à faire que de discuter des nuances du nul pour élire le pire du pire entre ces deux produits mal assemblés (mais le pire reste Genisys).
Le carnage Terminator : Dark Fate est d’autant plus spectaculaire que le film avait été vendu sur le retour de James Cameron (producteur, en plus d’être très impliqué dans la conception de l’histoire) et de Linda Hamilton. Parce que contrairement à Schwarzy, qui n’a pas manqué une occasion de toucher un gros chèque pour revenir rouler des mécaniques dans la saga, l’interprète de Sarah Connor avait jusque là évité toutes les suites racoleuses en refusant de revenir dès Terminator 3.
Que s’est-il donc passé pour que ce Dark Fate vire à ce point au désastre ? Depuis la sortie, plusieurs indices ont été lâchés, notamment autour des désaccords et tensions entre James Cameron et le réalisateur Tim Miller. Six ans après, ce dernier revient en détail sur l’expérience.

LA THÉRAPIE TERMINATOR
C’est dans une très chouette interview chez nos camarades de Première que Tim Miller a rouvert la boîte de Pandore, dans le cadre du Festival International du film d’animation d’Annecy. Le rapport ? Il en connaît un rayon sur le sujet puisqu’il est notamment derrière la série Love, Death and Robots, en plus d’avoir co-fondé Blur Studio (derrière les films Sonic notamment) en 1995.
Le sujet Terminator est arrivé sur la table alors qu’il reparlait d’Alien 3, grand traumatisme de David Fincher. La transition était trop parfaite :
« On donne beaucoup de soi dans un film, mais ça peut être une expérience traumatisante quand ça se passe mal. Tu bosses comme un chien, 14 heures par jour, sept jours sur sept, pendant deux ou trois ans… Et puis à la sortie les gens sont mécontents du résultat ou bien le film fait un flop. C’est raide. »

Le réalisateur de Deadpool revient notamment sur l’étape bien connue des projections test, qu’il ne rejette pas en bloc, mais qui lui a posé un problème au moins :
« Sur Terminator : Dark Fate, on a fait des projections test, comme c’est le cas pour tous les gros films. (…) Le processus est intéressant : les gens qui s’occupent de ces protections font remplir des questionnaires à environ 300 personnes dans la salle. Et après avoir décortiqué les réponses, ils en gardent une vingtaine pour les interroger. (…)
La méthode fonctionne, mais j’ai demandé à l’animateur de la session ce que je devais en tirer. Il m’a répondu : « Si une ou deux personnes disent la même chose, tu n’as pas à en tenir compte. Par contre, cherche les tendances qui se dégagent. » Donc si plusieurs personnes trouvent le deuxième acte trop lent, tu sais qu’il y a un problème. »

TERMINATOR : CRASHTEST
Un problème est alors ressorti dans les réponses : le personnage de Dani Ramos, la jeune femme que tout le monde essaye de sauver parce que le Terminator Rev-9 a été envoyé pour la tuer.
« Ce qui ressortait était que Natalia Reyes, qui jouait l’équivalent de John Connor, pleurait trop. Le public trouvait qu’elle avait l’air faible. (…) J’étais dans une impasse : Natalia m’avait offert des performances fantastiques, des trucs vraiment émouvants. Mais le public devait absolument l’aimer pour que le film fonctionne, et s’il la trouvait trop fragile, c’était foutu… Alors on a décidé d’utiliser des prises d’elle qui étaient moins dans l’émotion, et qu’on avait sciemment mises de côté. Natalia savait qu’elle avait assuré, mais j’ai dû aller lui dire que, même si son jeu était meilleur dans le montage initial, j’allais devoir utiliser d’autres séquences. Un crève-cœur. »
Autre théorie : le véritable problème était l’écriture de cette « John Connor au féminin », et les reproches sur le trop-plein d’émotions larmoyantes n’étaient que le symptôme d’un problème plus profond. Ce qui montre bien la limite des projections test : on parle des soucis ressentis, sans forcément pouvoir remonter à la source.

Première a mis les pieds dans le plat et demandé à Tim Miller si le studio n’avait pas une responsabilité dans l’histoire. Et apparemment, pas plus que ça :
« Ça dépend. Une fois que le public a dit qu’il n’aimait pas tel personnage ou telle scène, qu’est-ce que ça donne quand on fait le changement ? Le studio ne le sait pas toujours. Parfois, ils te disent exactement quoi faire, et d’autres fois c’est beaucoup plus flou. C’est à toi de décider en tant que réalisateur. Et il arrive que certains « problèmes » soient impossibles à régler parce qu’ils sont ancrés dans l’ADN du film. »
Le prochain sur le banc des accusés : James Cameron. A-t-il mis son nez dans Terminator : Dark Fate au point de marcher sur les plates-bandes de Tim Miller ? Là encore, le réalisateur reste très gentil :
« Son implication est variable selon l’avancée du film : il était très présent durant la préproduction et l’écriture. Il a d’ailleurs écrit quelques scènes. Mais il n’est jamais venu sur le plateau et ne m’a jamais donné de retours sur ce que je filmais. Effectivement, ce n’est pas un secret que nous n’étions pas toujours d’accord sur tout, mais on en a beaucoup parlé depuis, et il est fier du film. C’est également mon cas, et pour le reste, il s’agit juste deux personnes qui essaient de faire le meilleur long-métrage possible et qui ont des divergences créatives. »
Tim Miller aurait pu torpiller Terminator : Dark Fate et chercher des coupables, un peu comme Christian Bale qui avait craché sur Terminator : Renaissance après la sortie. Ça aurait été d’autant plus simple que le film au budget proche des 200 millions de dollars a été un désastre, avec environ 261 millions au box-office mondial ; soit le pire score de toute la saga et de loin, derrière Genisys (440 millions), Le Soulèvement des machines (433 millions) et Renaissance (371 millions).
Mais le réalisateur a choisi d’assumer son film, jusque dans les faiblesses et les fautes, comme un pro. Le reste de l’interview de Première est également intéressant, donc foncez la lire.
J’ai connu plus traumatisant… Au moins, l’action était ultraaa propre, sans pour autant réinventer la roue.
Perso, le seul truc qui m’a déçu dans Dark Fate, c’est Schwarzy. il était mauvais (en tant qu’acteur) et son rôle (son développement de personnage) était mauvais.
Le reste était pas trop mal.
Personnellement, j’ai adoré ce Dark Fate
Au-delà de l’aspect talent – comme l’indique @l’inquisiteur ci-dessous avec le génie de Cameron transcendant le concept – je pense que les réalisateurs, scénaristes et pontes des studios devraient commencer à prendre du recul sur les projections tests. Déjà, sur quels critères les personnes sont-elles choisies ? Quel est le questionnaire ? Loin de moi le fait de défendre Dark Fate, qui n’est pas fameux.
Toutefois, le personnage de Dani est comme Sarah Connor dans T1 : une inconnue, sans prédisposition, devenant, du jour au lendemain, la cible d’une machine à tuer car le destin de l’Humanité repose sur ses épaules – sans qu’elle ne le sache auparavant (avec la petite subtilité de voir ses proches se faire assassiner). Normal qu’elle pleure, qu’elle craque. C’est au fil du récit qu’elle doit accepter sa destinée.. ou pas (« No fate » cf T2 mais là encore S. Connor a eu le temps de s’endurcir et d’évoluer).
Je ne dis pas que le film serait fondamentalement meilleur avec Dani qui pleure, juste que ces retours de projection test ne m’apparaissent pas foncièrement pertinents. En faire pourquoi pas – je ne connais pas les antécédents dans l’histoire du cinéma -, en prendre connaissance oui, mais pas forcément les prendre pour argent comptant ?
Son problème est celui de tous ceux passés derrière Cameron : devoir assurer la suite de chefs d’oeuvre parfaits qui reposent sur un concept standard transcendé par le génie de son créateur.
Ne reste que la formule (un protecteur, une cible, un badguy plus évolué, la (future) guerre contre les machines). Tout a été (mieux) dit avant, tu ne peux pas t’éloigner du concept, et tu tournes en rond avec un acteur inévitable et iconique qui n’a plus l’âge pour ces conneries.
Bref, t’es mort d’avance. Tente Titanic 2 mec.