Cannes 2017 : Okja, critique à chaud du premier film Netflix de la Croisette

Chris Huby | 19 mai 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Chris Huby | 19 mai 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Réaliser un film écolo à base de cochon industrialisé et de petite fille traumatisée, voilà le défi corsé qu'a relevé le metteur en scène coréen Bong Joon-Ho. Mija est une petite coréenne qui vit avec son meilleur ami, un cochon géant. Mais l'industrie qui l'a créé compte l'abattre pour en faire un bien consommable. Okja est donc le premier film Netflix projeté au festival de Cannes, à l’origine d’une polémique dont les conséquences sont encore floues. Que vaut le nouveau long-métrage de l’auteur de Memories of Murder et du Transperceneige ?    

 

L'HISTOIRE SANS FIN DE MON VOISIN OKJA

Alors que la rumeur annonçait une version légère et positive de The Host, nous sommes face à un  film qui oscille entre mélancolie, poésie et satire burlesque. Son écriture de prime abord toute en simplicité charrie néanmoins pourtant des thématiques profondes. La petit Mija semble en effet vivre dans un paradis écologique en symbiose avec son encombrant compagnon, refoulant un lourd passif lié à la disparition de ses parents. Okja, difforme et attentionné, monstrueux et tendre à la manière d'un Totoro ou du dragon velu de L’Histoire sans Fin sert donc de béquille émotionnelle autant que d’objet d’amour transitionnel à notre héroïne. D'emblée sympathique, la grosse bestiole traverse l'histoire comme une anomalie produite par le système tout autant que comme antidote à celui-ci. 

 

Photo Tilda Swinton

 

Lorsque l'industrie veut récupérer Okja pour le débiter en jarret, Mija s'emploie à tout faire pour l’empêcher. Débarque alors une bande de farfelus écolos qui veulent l'aider, des activistes libérateurs d'animaux, dont le leader est campé par un Paul Dano drôlatique. Face à eux, l'industrie agroalimentaire retorse, symbolisée et incarnée par une Tilda Swinton inquiétante à souhait. Aux côtés de cette dernière, Jake Gyllenhaal affiche une fois de plus son talent dans un rôle de présentateur télé raté qui fera le lien entre la réalité d'une campagne profonde et le rêve trafiqué d'une industrie obsédée par le profit.

 

DANS LE JOON HO, TOUT EST BONG

Le ton se veut très premier degré, instantanément divertissant, conséquence probable de l’expérience compliquée de Bong Joon Ho sur son dernier long métrage. Une volonté d’épure et prime à l’entertainment qui ne font que renforcer l’impact émotionnel, la visée politique et la maîtrise formelle du cinéaste. Qu’il traduise à l’écran l’infinie tristesse de Mija, qu’il s’agisse des séquences au cœur des camps d’abattage ou des plongées bucoliques dans une nature magnifiée, l’artiste nous immerge avec évidence dans un univers de pur cinéma.

 

Photo

 

Le métrage propose des moments d'une richesse graphique inouïe. La photo, magnifique, est par ailleurs signée Darius Khondji que l'on n'attendait d'ailleurs pas forcément sur ce type de production, aux antipodes de la confection rugueuse et artisanale d’un Lost City of Z, sa dernière lumineuse performance. Les quelques séquences d'actions sont là pour rappeler que sans découpage, mouvements, virtuosité numérique et effets de style ne sont rien. La maestria et l’aisance du coréen sont toujours aussi étonnantes et confirment qu'il s'agit de l'un des meilleurs réalisateurs en activité.

Netflix réussit donc son pari de signer un grand metteur en scène pour un spectacle puissant et accessible, qui ne prend pas ses spectateurs pour des imbéciles. Si Netflix poursuit son aventure en prenant ce genre de risques calculés à l'avenir et en continuant à y mettre les moyens, la plateforme achèvera de se transformer en support concurrentiel pour les studios, obligés de reconsidérer leur (non)politique des auteurs. Le festival de Cannes s'ouvre ainsi à la diffusion d'un nouveau partenaire de cinéma, qui surprend ici par son originalité et une prise de risque réussie.

Okja sera disponible sur Netflix le 28 juin.

 

Affiche

Tout savoir sur Okja

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commentaires
maxleresistant
19/05/2017 à 14:03

Le recul du festival face a la polemique créée par les représentants des salles de ciné.

Les seuls gagnants dans tout ca ce sont eux. Au détriment de Netflix, du festival, des auteurs et du public...

Je suis impatient que le festival refasse machine avant, en attendant ca me donne pas envie de foutre les pieds a nouveau dans un ciné.

Stridy
19/05/2017 à 13:54

Vivement le 28 juin!

Simon Riaux
19/05/2017 à 13:12

Bonjour Lili,

Si si, on a fait notre travail, on a consacré plusieurs articles à cette question. Vous verrez en les lisant que votre affirmation est d'ailleurs très incomplète.

Et ce que déclare le Festival (pour ne très probablement pas l'appliquer), ne change en rien le fait que cette année, il accueille un nouvel acteur du marché en son sein, ce que nous saluons.

Lili
19/05/2017 à 13:09

Hello,

Vous n'avez pas vraiment fait votre veille correctement
"Le festival de Cannes s'ouvre ainsi à la diffusion d'un nouveau partenaire de cinéma, qui surprend ici par son originalité et une prise de risque réussie."
Le festival a déclaré qu'il ne renouvellera pas la sélection de films distribués en VOD

Un peu de sérieux dans votre travail !