Milo sur Mars : l'énorme crash de Disney que tout le monde a oublié

Déborah Lechner | 26 mars 2023
Déborah Lechner | 26 mars 2023

Le récent crash d'Avalonia, l'étrange voyage restera dans les mémoires comme un des pires de Disney, mais le studio avait encore plus morflé quelques années avant avec le fiasco plus discret de Milo sur Mars.

Depuis la reprise post-pandémique, Disney a enchaîné les déceptions et flops au box-office avec Encanto – la Fantastique Famille Madrigal, Buzz l'Éclair et dernièrement Avalonia, l'étrange voyage, le plus gros échec contemporain du studio historique. Cette mauvaise passe n'a cependant rien d'inédit, la compagnie ayant toujours traversé des périodes plus ou moins troubles, et ça depuis ses débuts.

Blanche-Neige et les Sept Nains, bien qu'il a été un pari créatif révolutionnaire, est en partie né pour renflouer les poches de Walt Disney qui risquait la faillite. S'il a été largement réhabilité depuis, Alice au pays des merveilles était loin de faire l'unanimité à sa sortie, ce qui a mis à mal les comptes de la firme, tout comme les échecs de Taram et le chaudron magique ou La Planète au trésor, un nouvel univers

D'autres films en prises de vues réelles ont également vidé les caisses du studio, comme John Carter et Lone Ranger, naissance d'un héros. A mi-chemin entre le live action et l'animation, un autre film est entré dans l'histoire de Disney comme un de ses plus gros fiascos, au point de rejoindre les films les moins rentables de tous les temps. Il s'agit de Milo sur Mars, le 119e long-métrage réalisé par Simon Wells (Balto, Fievel au Far West), produit par Disney et Robert Zemeckis. Son seul mérite est d'avoir bidé plus discrètement avant de se faire sagement oublier

 

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étendue des dégâts

Si les chiffres d'Avalonia sont déplorables, ceux de Milo sur Mars rappellent qu'il est toujours possible de faire pire. Avec un budget de production d'environ 150 millions de dollars et un budget total estimé à plus de 200 millions avec les frais marketing, Milo sur Mars n'a encaissé que 21 millions de dollars au box-office national. Ce résultat désastreux n'avait cependant rien d'étonnant après le week-end d'ouverture calamiteux à moins de 7 millions de dollars, alors même que les prédictions les plus pessimistes étant aux alentours de 10 millions.

Si certains films peu performants à domicile ont pu éviter la catastrophe industrielle avec leur box-office international (comme Cars 2, Raiponce ou Le Voyage d'Arlo), le public étranger a lui aussi massivement boudé Milo sur Mars. Avec seulement 17 millions de dollars récoltés hors Amérique du nord, le film a terminé sa course avec un box-office mondial à seulement 39 millions de dollars, c'est-à-dire à peine plus que ce qu'Avalonia a gagné à domicile.

Selon le New York Times et le Hollywood Reporter, le film a été le plus gros bide de 2011 et les pertes ont été chiffrés à plus de 130 millions de dollars pour Disney.

 

Milo sur Mars : photoOn se demande bien ce qui a rebuté le public

 

Chuck Viane, l'ancien président de la distribution des Walt Disney Studios a par la suite réagi auprès du New York Times sur les raisons de ce rejet qu'il a qualité d'"effrayant" : "Est-ce que c'était l'idée ? L'exécution ? Le moment choisi ? Il y a beaucoup d'excuses qui ont été avancées." La réponse est probablement un condensé de tout ça. Comme les précédentes tentatives du genre, ce film réalisé en performance capture et 3D, n'a pas subjugué la critique, à l'image de New York Times : "Il est temps d'admettre que demander à des acteurs d'enfiler des combinaisons constellées de LED, jouer sur un fond blanc, puis refiler le résultat à des animateurs 3D n'est pas une manière de faire un bon film". 

D'autres ont reproché à Robert Zemeckis, le producteur du film, d'avoir délaissé l'histoire au profit de la technique. Et effectivement, il est difficile de savoir à qui s'adresse le long-métrage, qui s'inscrit dans un univers SF attrayant, mais déroule une histoire alambiquée qui termine sur une morale mielleuse concernant l'importance d'aimer sa môman (non sans une vision plutôt rétrograde des femmes). Quant au moment choisi, ce n'était effectivement pas le plus propice. Gnomeo & Juliet, sorti plusieurs semaines avant, encaissait encore plusieurs millions de dollars au moment de la sortie de Milo sur Mars, tandis que Rango est arrivé à l'affiche une semaine avant seulement, après un lancement à 38 millions de dollars (presque les recettes totales de Milo sur Mars, donc). 

 

Milo sur Mars : photoLa recette perdante

suicide squad

Milo sur Mars est avant tout un film qui est sorti alors que le studio savait pertinemment qu'il fonçait droit dans un mur. Dans une tentative de modernisation, Disney a misé sur la performance capture développée par Robert Zemeckis. Son studio ImageMovers, à l'oeuvre sur la première vague de films d'animation du genre (Le Pôle express, Monster HouseLa Légende de Beowulf), a été racheté en 2007 par Disney, pour devenir ImageMovers Digital. Cette nouvelle entité n'a finalement eu que deux films à son actif sous le pavillon Disney, le premier étant Le Drôle de Noël de Scrooge.

Le fait de miser sur une technologie balbutiante qui comptait bon nombre de détracteurs et n'avait pas encore fait ses preuves au box-office (le développement ayant commencé avant la sortie d'Avatar) était aussi risqué qu'ambitieux. Encore plus en mettant cette technologie au service d'une histoire d'aventure et de science-fiction après l'échec retentissant de La Planète au Trésor

 

Le Drôle de Noël de Scrooge : photoEncore un sale coup de M. Scrooge

 

Avatar est sorti quelques semaines seulement après Le Drôle de Noël de Scrooge et Robert Zemeckis a vite été dépassé par le succès du mastodonte de James Cameron et les attentes démesurées qui en ont découlé. La nouvelle adaptation du conte de Charles Dickens n'a pas du tout été le carton attendu (325 millions au box-office mondial pour un budget de 200 millions), même s'il a progressivement rejoint la liste des incontournables de Noël.

En mars 2010, Disney a donc annoncé la fermeture d'ImageMovers Digital à compter de janvier 2011, le temps que Milo sur Mars termine sa  production. Mais selon le New York Times, cette décision aurait surtout été précipitée par la projection d'un premier montage de Milo sur Mars jugé a priori peu convaincant. La société aurait donc décidé de poursuivre la production de son film de SF en grande partie parce qu'elle avait déjà mis beaucoup trop d'argent dedans, même si elle ne croyait pas à la viabilité du projet

 

Milo sur Mars : photoTout ça pour avoir une couille frippée en guise de martien

 

LA FACE cachée DE MARS

La déroute de Milo sur Mars a eu d'autres conséquences que de précipiter la fermeture d'IDM. Dans la foulée, le remake de Yellow Submarine en 3D que devait réaliser Robert Zemeckis a été abandonné, tandis que le cinéaste a par la suite lâché ses expérimentations cinématographiques en revenant à des films plus classiques et modestes comme Flight (30 millions de dollars de budget), Alliés (85 millions de budget) ou The Walk - Rêver plus haut (35 millions de budget).

Inquiet des répercussions que pourrait avoir le bide du film, le studio a même revu le titre de John Carter et enlevé la mention "of Mars" de peur que les gens puissent associer les deux oeuvres. Le plus ironique est que l'adaptation du roman d'Edgar Rice Burroughs a également été un four et se classe lui aussi parmi les plus gros échecs commerciaux de tous les temps. 

 

Milo sur Mars : photoÀ vos risques et périls

 

De son côté, le réalisateur Simon Wells (qui avait déjà subi la fermeture d'Amblimation en 1997) est retourné du côté de Dreamworks où il avait réalisé le magnifique Le Prince d'Égypte. Il a depuis travaillé sur plusieurs story-boards (Les Croods, Kung Fu Panda 3 et plus récemment Le Chat Potté 2), mais n'a jamais renfilé sa casquette de réalisateur.

Et contrairement au Pôle Express ou au Drôle de Noël de Scrooge qui – sur un malentendu  sont devenus des Madeleines de Proust pour toute une génération, Milo sur Mars a été largement oublié, notamment en France. Après le début d'exploitation chaotique aux États-Unis, le film n'a finalement pas été projeté sur le territoire français, mais s'est contenté d'une sortie directement en DVD et Blu-ray pour limiter les dégâts, ou du moins ne pas prolonger le massacre.

Pour les plus curieux ou les nostalgiques masochistes, Milo sur Mars est désormais disponible sur Disney+, mais on vous aura prévenu. 

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commentaires
Cidjay
27/03/2023 à 16:57

J'ai essayé de le regarder, pour moi c'est le summum de la "uncanny valley"...
Bien pire que "Beowulf" ou "le drôle de Noël de Scrooge" (tous deux de Zemeckis)
qui sont bien meilleurs malgré leurs certaines similitudes visuelles.

Prisonnier
27/03/2023 à 08:33

Hé beh moi j'adore. Ça fait parti des anciennes prises de risques que je salue de la part de Disney et que j'aime, comme John Carter ou Tomorrowland.

Sinon, en film SF jeunesse, y en a que j'aime beaucoup c'est Battle for Terra.

Gae
26/03/2023 à 20:48

Ma fille l'avait adoré, et regardé de nombreuses fois à l'époque.. mais ça c'était avant

le Waw
26/03/2023 à 20:27

Mais il est super ce film. Un Disney qui parle d'aliens c'est déjà assez rare. Et il est super sympa.