Saint-Jean-De-Luz 2022 - Jour 3 : Le poids des traditions

Christophe Foltzer | 7 octobre 2022
Christophe Foltzer | 7 octobre 2022

Comme chaque année, nous nous rendons au Festival International du Film de Saint-Jean-De-Luz durant la première semaine d'octobre pour y découvrir une sélection de premiers et seconds films de jeunes réalisateurs et réalisatrices. L'occasion de prendre quelques baffes inattendues.

Si les deux premières journées de la compétition s'interrogeaient sur la nécessité de bouger les lignes sur un niveau plus sociétal et institutionnel, ce troisième étage de la compétition adopte une approche bien plus frontale et directe. Elle s'attaque à la notion même de famille, empêtrée dans ses croyances et ses traditions. Le tout avec deux films très différents, mais étrangement complémentaires.

 

Harka : photo FIF St Jean De Luz Affiche

 

ALMA VIVA

Le premier film de Cristèle Alves Meira fut incontestablement l'un des chocs de cette compétition officielle pour la simple et bonne raison qu'il nous a totalement pris de court. Commençant doucement (peut-être un peu trop) comme une chronique familiale dans un village isolé du Portugal, l'excellent Alma Viva égraine néanmoins dès le départ des petits indices discrets sur ce que nous allons vivre.

À travers ce récit de deuil compliqué suite à la mort de la matriarche, considérée comme une sorcière, c'est en réalité toute l'idée du lien familial lui-même qui est remis en question. Et avec grand talent qui plus est. Doté d'une superbe photographie, de paysages terrassants de beauté et d'une interprétation au cordeau, Alma Viva impressionne par sa maîtrise et la profondeur de son propos.

Et même lorsqu'il est question de mélange des genres, la réalisatrice ne perd jamais de vue l'axe de la subtilité et du doute qui, tel un sillon, permet à l'émotion de s'infiltrer jusqu'à un final dévastateur et pourtant d'une simplicité enfantine. Frôlant le fantastique pur et dur, et même l'horreur, sans jamais s'y complaire, le film de Cristèle Alves Meira montre que son autrice a tout compris aux genres qu'elle convoque et n'utilise que pour servir son propos et non l'inverse. En résulte un film remuant, d'une beauté humaine folle qui annonce, on prend les paris, une très, très belle carrière. Le film sortira le 15 mars 2023 en France.

 

Alma Viva : Photo Lua MichelLa mort, c'est clairement pas une vie.

 

TU CHOISIRAS LA VIE

Autre film, autre ambiance et, pourtant, à l'instar d'Alma Viva, le premier film du comédien Stéphane Freiss en tant que réalisateur se pose dans sa continuité thématique. Ici, il n'est pas question de sorcières, mais d'une famille juive ultra-orthodoxe qui se rend, comme chaque année, dans une ferme du sud de l'Italie pour accomplir une mission sacrée : la récolte des cédrats. Mais la fille du rabbin, Esther, est en plein doute et en passe de remettre en cause sa famille et son engagement. Sa rencontre avec Elio, le propriétaire de la ferme pourrait lui permettre de s'émanciper ou d'accepter son sort. À elle de choisir.

Ce qui frappe en premier lieu dans ce film, c'est évidemment ses deux univers antinomiques qui, malgré leurs différences, entretiennent beaucoup plus de points communs qu'escomptés. Le résultat probablement d'une étroite collaboration entre les clans depuis des décennies qui, forcément, se mélangent et s'influencent à leur insu. Et c'est peut-être là que se trouve le vrai coeur de Tu choisiras la vie. Plus que dans son histoire d'amour contrariée un peu trop programmatique et artificielle, pourtant servie par deux acteurs solides, Lou de Laâge et Riccardo Scamarcio. Plus encore que dans son déroulé narratif, un peu trop appuyé et prévisible, peut-être trop écrit également.

 

Tu choisiras la vieUne romance contrariée se cache dans cette image.

 

Tout le questionnement autour du poids des traditions, de la culpabilité inique qui en découle lorsque l'on tente de s'en écarter, de la fidélité à la famille, bref, tout ceci est admirablement bien retranscrit et se tient dans son propos. On aurait simplement préféré que le fond de l'histoire soit plus écorché, un peu moins gentil et qu'il n'hésite pas à transgresser ce que, justement, le film tend à dénoncer.

Au final, nous nous retrouvons avec un drame romantique carré et relativement efficace, certes, mais ô combien inoffensif. Sortie prévue le 25 janvier prochain.

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