Rencontre avec David Wnendt, général en chef de Guerrière

Damien Virgitti | 26 mars 2013
Damien Virgitti | 26 mars 2013

En 2008, La vague, adapté du livre de Tod Strasser, montrait le pouvoir encore grandissant de l’idéologie nazie chez les jeunes aux jeunes. Cinq ans plus tard, Guerrière, qui sort ce mercredi 27 mars, va encore plus loin et immerge le spectateur au sein même de ces rassemblements néo-nazis dans l'Allemagne d’aujourd’hui. Un sujet lourd et grave mais traité avec sensibilité à travers le regard d’une jeune adolescente qui va tout faire pour sortir de ce milieu de haine et de violence. Jusqu’à partir en guerre contre elle-même. Il en ressort un premier long-métrage a mi chemin entre le documentaire coup de poing et la fiction, nourri par le long travail de recherches de son réalisateur David Wnendt.

De passage à Paris, le réalisateur est revenu sur les observations qui ont accompagnées ses recherches et son intérêt pour ces sujets sensibles et si controversés.

 

 

 En 2008, La vague abordait déjà l’influence de l’idéologie nazie auprès des jeunes. Quel aspect vouliez-vous développer à votre tour dans Guerrière ?

La vague montrait effectivement pourquoi des jeunes pouvaient encore adhérer à ce type de mouvement. Mais c’était adapté d’un roman qui ne montrait pas le phénomène dans la société actuelle. Je trouvais que le cinéma ne s’était pas encore emparé réellement du sujet. Quand on évoque les nazis, on a tendance à montrer des clichés. Alors j’ai fait ce film pour montrer le visage réel de cette jeunesse et comment on y trouve tant de femmes alors qu’elles se retrouvent en contradiction avec l’idéologie et sa violence.



Vous vous êtes, en effet, beaucoup documenté sur le sujet pour élaborer votre film. Quelle est la part de réalité et de fiction ?

J’ai rencontré beaucoup de jeunes qui appartenaient à ce type de mouvements pour mieux comprendre leur engagement. Mais le film n’est pas autobiographique pour autant. Le scénario s’est nourri de diverses anecdotes et de la personnalité des acteurs. Ce qui reste réaliste est la description du milieu et de leurs rassemblements tournés vers la violence. Quand le film a été projeté dans la région où on l’a tourné, les spectateurs ont en tout cas reconnu beaucoup de choses qu’ils avaient vues ou que leur entourage avait vécues.


Cela veut-il dire que l'évolution de Marisa, au contact d'un jeune afghan, est envisageable dans la réalité ?

C'est un tout. La remise au cause du mode de vie de ces jeunes obéit à plusieurs facteurs.  Marisa est très vite tenaillée par une certaine cupabilité. Et puis elle questionne beaucoup son intégration dans le milieu par rapport à son grand-père mourant. Et surtout, c'est sa relation auto-destructrice avec son petit copain violent qui joue pour beaucoup. Sa rencontre avec Razul ne fait que l'appuyer dans son envie d'émancipation. Et encore, cela ne va pas faire automatiquement d'elle une démocrate convaincue. Je pense que ce genre de personnes peuvent être amenées à évoluer dans leur reflexion, sans pour autant changer de façon radicale. Et c'est ce que j'ai aussi voulu montrer dans le film.

 

Cela n'a pas été trop dur pour l'actrice principale, Alina Levshin, de se raser la tête et de porter tous ces tatouages plein de haine ?

Au moment du casting, beaucoup de jeunes actrices étaient intéressées par le rôle. Pour elles, c'était une occasion de sortir du rôle habituel de l'amante ou de la jolie blonde un peu naïve. Mais il faut encore paraître convaincante quand on exprime de tels propos à l'écran.  Certaines filles ont été très loin au moment de l'audition, mais refusaient pourtant d'arborer ce look, au contraire d'Alina. Elle comprenait que cela l'aidait justement à rentrer dans la peau du personnage. On lui a aussi fait porter des chaussures qui lui donnaient une certaine démarche pour être encore mieux dans le personnage.


Comment a été reçu le film par les courants néo-nazis que vous décrivez dans le film?

J’ai pu observer leurs réactions sur certains forums. Mais comme mon film remet en cause la nature des rapports humains qu'ils entretiennent au sein de leurs groupes, ils n'ont pas été très tendres. Ils ont même insulté le film. Par chance, je n'ai pour l'instant reçu aucune menace personnelle.



On dirait en tout cas que vous aimez attiser la polémique puisque vous êtes actuellement en pleine post-production d'un film à nouveau centré sur une adolescente qui soulève de graves problèmes sexuels...

Ce n'est pas tant que j'aime gratter là où ça fait mal, mais plutôt le fait que les situations les plus controversées sont souvent les plus intéressantes à explorer. J’ai aussi une affection toute particulière pour les personnages de femmes qui se rebellent contre leur condition. Les conflits familiaux qui en découlent généralement sont passionnants à décrire. Feuchtgebiete (NDLR: "Zones humides" en français) dépeint l’histoire d’une jeune fille qui met à nu les contraintes d’hygiène que doivent subir les femmes pour paraître désirables aux yeux d’une société machiste. Là aussi, j’avais besoin d’une actrice capable de porter tout ce propos. Nous sommes en pleine post production mais je sais déjà que c’est un film qui va aller plus loin que Guerrière dans son propos.


 

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Aucun commentaire.