Interview Miguel Gomes (Tabou)

Par La Rédaction
6 décembre 2012
MAJ : 14 septembre 2018
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De passage à Paris pour présenter son film Tabou, Miguel Gomes dans un français quasiment parfait raconte avec envie et générosité son parcours et d'où viennent ses inspirations. En fumant ses cigarettes les unes après les autres, se désaltérant d'un petit verre de bordeaux, il s'exprime avec douceur et passion. 

 

Miguel Gomes, racontez-nous votre parcours

J'ai été à l'université de cinéma à Lisbonne, et en parallèle, j'écrivais des critiques de film. J'ai vu plein de films que je n'aurais jamais vu, je gagnais un peu d'argent, j'allais voir des films gratuitement et surtout, ça m'a permis d'avoir une vraie opinion personnelle sur les différents genres du cinéma. J'étais obligé de réfléchir sur chaque film, comprendre les choix artistiques des réalisateurs. Je m'interrogeais sur le pourquoi de chaque plan. Je n'aimais pas particulièrement ça mais j'ai beaucoup appris. Est-ce que cela me sert maintenant en tant que réalisateur ? je ne me suis jamais vraiment posé la question. Je pense que oui, inconsciemment.

Avant d'être le réalisateur de Tabou, vous en êtes le scénariste , comment avez-vous eu l'idée de cette histoire hors du commun ?

Je trouve que chaque petite histoire peut être le début d'un film. J'écoute ce qu'il se passe autour de moi après je romance, je prends ce qui m'intéresse. J'ai rencontré cette voisine, mystérieuse, habitant seule et je me suis mis à fantasmer sur ce qu'aurait pu être sa vie passée.

 

 

Votre film se compose en deux parties, très différentes et très distinctes. Comment avez-vous travaillé sur celles-ci, techniquement et artistiquement ?

Les techniques sont en effet très différentes. Avec mon chef opérateur Rui Poças, nous avons fait un énorme travail de recherche sur les filtres et la lumière pour que la seconde partie ressemble aux films des années 50 dont je suis très friand, nous tournions en 16 millimètres qui est une pellicule très fine et très sensible à la lumière. Pour la première partie, c'était simple : nous avons utilisé des lumières très naturelles et du 35 millimètres. Je voulais un rendu le plus naturel possible.

J'ai aussi fait un travail avec ma "costume designer", Silvia Grabowski, sur les couleurs de vêtements de mes personnages de la deuxième partie pour que le résultat soit désuet et donne cette impression de temps passé que je cherchais.

La direction des acteurs a été aussi très différente selon les parties. La première partie était écrite. Teresa Madruga (Pilar) et Laura Soveral (Aurora dans ses vieux jours) qui sont de grandes comédiennes de théâtre au Portugal, jouaient les scènes chaque jour de manière traditionnelle, si je peux employer cette expression. Ana Mareira (Aurora jeune) et tous les acteurs de la deuxième partie, quant à eux, ont du me faire une confiance aveugle car j'avais la trame de l'histoire mais les idées des scènes me venaient au fur et à mesure.  Ils improvisaient au jour le jour sans vraiment savoir ce qu'ils allaient jouer le lendemain.

 

 

Vous avez choisi le crocodile d'Aurora pour votre affiche, pourquoi ce choix?

(il rit) Mon producteur m'a laissé carte blanche pour faire ce qu'il me plaît. Le crocodile, c'est le lien avec la première scène du film (ndlr/ au début du film, un homme se jette dans une rivière remplie de crocodiles) et la vie d'Aurora. Ce petit crocodile, c'est aussi le lien qui unit Aurora et Ventura dans la deuxième partie. L'animal s'échappe et se retrouve dans le cabanon du jeune homme, c'est illogique. il ne peut pas marcher autant. Mais grâce à sa fuite, Aurora s'abandonne au bras de Ventura. C'est un peu lui qui est témoin de leur amour illégitime.

 

Propos recueillis par Linoc Taum

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