Plus dure sera la chute : Hilary Swank, le fiasco aux deux Oscars

Geoffrey Crété | 8 novembre 2013
Geoffrey Crété | 8 novembre 2013

Hollywood, ton univers impitoyable, où chaque nouveau pas est susceptible d'être le premier, ou le dernier... Parce qu'une carrière peut se construire mais aussi s'écrouler en un temps record dans une machine aux rouages complexes, l'œil machiavélique d'Ecran Large sonde le paysage hollywoodien pour décortiquer les victimes en or du star system. Première illustration impeccable avec Hilary Swank, double oscarisée partie sur les chapeaux de roue puis tombée plus bas que terre dans le cœur des cinéphiles.

 

 

1999-2000 : « On a fait beaucoup de chemin... »

Lorsqu'elle monte sur la scène des Oscars pour ramasser la statuette de la meilleure actrice, face aux poids lourds Meryl Streep, Annette Bening et Julianne Moore, c'est un rêve inespéré que Hilary Swank touche de ses doigts encore inconnus. Elle n'a que 26 ans, compte à son actif des rôles dans les films Buffy tueuse de vampire et Miss Karaté Kid, vient d'être virée de la série Beverly Hills pour une raison encore inconnue ("J'étais dévastée. Je me suis dit : 'Si je ne suis pas assez bonne pour Beverly Hills, je ne suis bonne à rien'".) et n'a touché que 3000 dollars pour sa performance dans Boys Don't Cry de Kimberley Pierce. « On a fait beaucoup de chemin... » confie t-elle dans un demi-sourire, alors que le silence est envahi par les applaudissements. A cette heure précise, la figure de Hilary Swank est créée dans le marbre hollywoodien : celle d'une comédienne inconnue mais courageuse, physiquement transformée pour un rôle âpre de transsexuel, adapté d'une terrible histoire vraie dans une économie fauchée. Une de ces success story façonnées pour prouver la légitimité du système. Et une occasion en or pour l'actrice.

"Quand on gagne un Oscar si jeune et qu'on n'est pas connue pour autre chose que ce film, on se dit, 'Où est-ce que je vais maintenant ?'. On a cette reconnaissance incroyable, et on se dit qu'on ne peut pas la gâcher'".

 

 

2000-2003 : Mauvaise intuition

Arrive alors l'heure fatidique de la confirmation, et de l'entrée dans la cour des grands. Courtisée par les studios et les réalisateurs, Hilary Swank valide d'abord son aura cinéphile avec des seconds rôles de choix chez deux futurs cinéastes superstar : Sam Raimi avant Spider-Man et Christopher Nolan avant Batman. Femme battue et paumée dans le thriller bien ficelé Intuitions avec Cate Blanchett, flic inexpérimentée dans Insomnia, remake d'un polar norvégien et véhicule pour Al Pacino, elle limite la casse, et s'attire même de bonnes critiques dans le premier cas. 

Le vrai drame surviendra avec les premiers rôles hollywoodiens. Une évolution naturelle, dans ce cas caractérisée par des choix à la fois désastreux et sans aucune imagination. Première étape : le film en costume avec L'Affaire du collier, un obscur nanar avec Simon Baker et Adrien Brody, inspiré par une escroquerie qui a participé à la désillusion du peuple français avant la Révolution. Premier bide spectaculaire avec un box-office misérable aux Etats-Unis - à peine un demi-million de recettes - qui condamne le film à être enterré par le studio.

 

  

Deuxième étape : le blockbuster de destruction massive avec Fusion, où elle mène une mission à travers la Terre pour en réactiver le noyau avec une charge nucléaire. Une série Z qui offre un minimum de séquences spectaculaires, et récolte un minimum de dollars en salles. Presque pire pour Hilary Swank, misérable dans un rôle de pilote surdouée et pleurnicharde.

Troisième essai : revenir aux sources avec un drame indé, 11:14, entourée de vedettes d'hier - Patrick SwayzeRachel Leigh CookBarbara Hershey. Swank enfile pour la première la casquette de productrice, aveu définitif de quelques années d'errance et d'une volonté de repositionner sa carrière. La critique est tendre, mais sans public ni prix, zéro gloire à l'horizon. 

"Après Boys Don't Cry, j'ai commencé à entendre des gens que j'admirais prononcer mon nom. Je me disais 'Mais comment ils savent qui je suis ?'. Je me sens encore parfois comme cette petite fille de Washington, venue ici avec un rêve et qui a toutes ces opportunités, mais un de ces jours, quelqu'un dira, 'Attends une seconde. Comment t'es rentrée?'" 

 

 

2003-2005 : Baby don't cry

En 2003, la vague Hilary Swank est retombée, et la perspective d'une banale carrière médiocre s'ouvre logiquement à elle. Mais pour la deuxième fois, elle est touchée par une grâce inespérée : Clint Eastwood se tourne vers elle pour le premier rôle de Million Dollar Baby, mélodrame mielleux façonné pour tordre les cœurs dans les chaumières. Le film récolte une presse démente, suivie par le box-office. Boys Don't Cry était une révélation réservée aux cinéphiles ; Million Dollar Baby est un phénomène mondial, qui réconcilie la comédienne avec la critique, le public, les studios, et ses pairs. En 2005, Hilary Swank est couronnée une deuxième fois par un Oscar de la meilleure actrice, lui ouvrant les portes du club très fermé des Jodie FosterElizabeth Taylor et Ingrid Bergman. De retour sur scène, elle enfonce un peu plus loin le coup de la success story : « Je ne sais pas ce que j'ai fait dans cette vie pour mériter ça. Je suis juste une fille venue d'une caravane avec un rêve. » A partir de là, les chances de voir l'actrice plonger la tête la première dans les abysses du cinéma hollywoodiens sont extrêmement minces. Mais vraisemblablement suffisantes.

"Il y a quelque chose dans la lutte de Maggie pour être quelque chose, pour arriver au sommet, qui est très proche de Hilary Swank elle-même. Elle vient d'un milieu très pauvre et voulait être actrice, alors elle a totalement compris cette fille" Clint Eastwood.

 

 

2005-2011 : P.S. I Hate You

Déjà, dans l'ombre de ce succès colossal, la chute est en marche. Le décollage de Million Dollar Baby a éclipsé Red Dust qui ne sortira même pas en salles aux USA - il sera discrètement présenté comme un téléfilm, pire encore que L'Affaire du collier donc. Un malheureux épisode puisque ce drame confidentiel sur l'apartheid est réalisé par Tom Hooper, oscarisé quelques années plus tard pour Le Discours d'un roi. En 2006, après le refus d'Eva Green, elle est choisie pour incarner une femme fatale dans Le Dahlia noir de Brian de Palma, adaptation chic et branchée de James Ellroy avec les starlettes Josh Hartnett et Scarlett Johansson. Mauvaise pioche : c'est l'un des pires films du cinéaste, soldé par un échec en salles et un raz-de-marée de critiques acerbes. Censé révéler une facette sexy de Swank, le film confirme au contraire qu'elle n'est pas crédible en bombe. En 2007, rebelote avec Les Châtiments, une série B exorcisée par Stephen Hopkins. Ni désastreuse, ni mémorable, cette incursion dans le fantastique confirme que Swank se démène pour trouver sa place, sans grand succès. Seule la guimauve P.S. I Love You rencontre le public, non sans avoir prouvé que Swank est tombée bien bas pour survivre. 

 

 

Le retour de sa casquette de productrice la même année démontre une chose : la double oscarisée n'a aucun talent pour choisir un scénario. Premier indice : Ecrire pour exister, imbuvable ersatz du mauvais mais culte Esprits rebelles. Deuxième : Amelia, biopic désincarné de l'aviatrice Amelia Earhart réalisé par Mira Nair avec Richard Gere, et flop en puissance. Troisième : Conviction, mélodrame tiré d'une histoire vraie où elle incarne une femme du peuple, prête à tout pour innocenter son frère accusé de meurtre. Trois rôles de femme forte, façonnés dans un mauvais moule à Oscars. Quatre ans et cinq films plus tard, le prestige de son deuxième Oscar, censé confirmer un éventuel coup de chance lors de sa première victoire, vole en éclat tandis que sa capacité à choisir un bon scénario est sérieusement questionnée. Double réponse en 2011 avec La Locataire, ridicule série B produit par la comédienne, et Happy New Year, spin-off du pitoyable Valentine's Day qui n'a même pas le mérité d'en répéter le succès.

"Je regarde Boys Don't Cry et Million Dollar Baby et je vois les défauts. Je vois où j'aurais pu être meilleure. Et c'est super parce que je sens que j'ai encore tellement à apprendre... Je ne veux jamais me dire, 'Ok, maintenant c'est facile'". Beaucoup de personnes m'ont dit, 'Maintenant que tu as deux Oscars, tu peux te reposer'. Mais je réponds, 'Me reposer ? Pas moyen !'".

 

  

 2011-2013 : Mickey n'y croit plus

En octobre 2011, Hilary Swank retrouve les faveurs des médias pour une triste raison lorsqu'elle assiste, contre un joli chèque, à une soirée d'anniversaire pour le  « président » tchétchène Ramzan Kadyrov. Accusée d'avoir prêté son image à un homme assez peu fréquentable, la belle s'excuse platement de ne pas avoir réfléchi à son rôle de potiche dans une fiesta à l'autre bout du monde, et vire son manager pour calmer les foules. C'est désormais certain : la comédienne n'occupe plus beaucoup d'espace dans les esprits cinéphiles, et atterrit dans la pire des colonnes people.

En coulisses, la théorie se confirme discrètement lorsque Disney refuse à Sam Raimi de retrouver son actrice d'Intuitions pour le rôle de la méchante sorcière dans le blockbuster Le Monde fantastique d'Oz. Un bras de fer relayé par la presse américaine, jusqu'à ce que Rachel Weisz décroche le rôle. Un coup dur puisque le film sera un énorme succès dans le monde et qu'une suite est en chantier. En lieu et en place de ce carton, l'année 2013 aura été plate pour Hilary Swank, avec la diffusion du téléfilm fonds de tiroir, Mary et Martha : Deux mères courage

2014 : Un nouvel espoir

Plus significatif que son rôle de femme mourante dans le drame You're Not You avec Emmy Rossum, Hilary Swank est attendue dans The Homesman, un road movie dans l'Amérique de 1850 qui n'est pas sorti de nulle part puisque réalisé et interprété par Tommy Lee Jones, entouré pour l'occasion de Grace Gummer et sa mère, Meryl Streep. De quoi reconnecter Hilary Swank à son porte-bonheur Clint Eastwood, et lui donner un sursis afin de ne pas sombrer dans les oubliettes hollywoodiennes. Et, qui sait, tenter le destin une troisième fois aux Oscars.

 

 

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