Hommage à Ingrid Pitt

Simon Riaux | 30 novembre 2010
Simon Riaux | 30 novembre 2010

C'est une reine gothique qui nous a quittés pour rejoindre l'Histoire. Le 23 novembre dernier disparaissait Ingrid Pitt. Du cinéphile averti au spectateur occasionnel, tous connaissaient ses films, son visage, parfois sa vie, digne d'un roman d'aventures. Âgée de 73 ans, l'actrice se rendait à une soirée d'anniversaire rendue en son honneur à Londres, lorsqu'elle s'est effondrée.

 

 

 

 

Sa naissance en 1937 à Treblinka en Pologne empêchera ses parents juifs-allemands de fuir le régime Hitlérien pour l'Angleterre. Prise au piège de la Shoah, la famille est démantelée et Ignoushka Petrov, de son véritable nom, alors à peine âgée de 5 ans, se retrouve internée à Stutthof, dans un camp de concentration. Après avoir survécu au génocide, elle devra encore échapper au régime communiste qui succède au nazisme. Poursuivie par la Stasi, elle se jette dans la rivière Stree avant d'être sauvée par un soldat américain. Ils se marient et s'envolent pour la Californie, où elle adoptera le nom que nous lui connaissons. Hélas, le réel rattrape vite ce destin aventureux, et le couple se sépare.

 

 

De retour en Europe dans les années 60, elle travaille au Berliner Ensemble, sous la direction de Helene Weigel, veuve de Bertold Brecht. Parallèlement, elle parvient à obtenir ses premiers petits rôles ( souvent non crédités) dans des films tels que le Docteur Jivago de David Lean, Falstaff d'Orson Welles, ou encore dans Quand les Aigles attaquent, aux côtés de Richard Burton et Clint Eastwood. Mais c'est en rejoignant la Hammer qu'elle deviendra une icône. En quelques films elle devient emblématique de la refonte du vampire movie, plus sexuel, gothique et sensuel. The Vampire lovers de Roy Ward Baker fait aujourd'hui figure de classique, un statut qui peut faire oublier l'avance du film dans sa représentation de l'horreur, de la femme et de la sexualité. Comtesse Dracula et sa vision de la légende de la comtesse Bathory assoient un peu plus son image de prédatrice fantasmagorique. Sa participation en 1973 dans The Wicker man avec Christopher Lee, subtile et perverse, achève d'en faire à la fois une légende et l'emblème de tout un pan du cinéma.

 

 

Pour autant, Ingrid Pitt ne connaîtra pas la gloire, ni la reconnaissance des cinéphiles plus traditionnels ou académiques. Le temps que vienne la consécration, elle jouera au petit écran (dans Docteur Who, dont elle écrira un épisode dans les années 80) ou dans des productions peu gratifiantes, comme Les Oies sauvages 2. Simultanément commence la deuxième partie de sa carrière, qu'elle consacre à l'écriture. De ses mémoires, dans Life's a scream, qui détaille ses jeunes années, sa lutte pour survivre et devenir comédienne, à l'écriture de plusieurs romans inspirés de ses rôles les plus célèbres, Ingrid Pitt est restée ancrée dans l'univers qui l'a fait connaître. Très active lors des diverses conventions de fans où elle se rendait récemment encore, elle ne manquait pas de dérision ni d'esprit quant il était question de se retourner sur son passé que ce soit pour évoquer un destin en forme de tragédie romanesque, ou participer à un dernier film, hommage au genre qui fit sa gloire. Cette dame qui vient de nous quitter était à l'image de ses rôles, formidable, passionnante et avide de vie, une impératrice qu'il ne faudra pas oublier.

 


 

 

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