Top horreur n°25 : Re-Animator

Jean-Noël Nicolau | 6 octobre 2009
Jean-Noël Nicolau | 6 octobre 2009

Pour fêter le mois d'Halloween, la rédaction d'Ecran Large a pris son courage à deux mains et s'est lancée dans l'impossible : élire ses 31 meilleurs films d'horreur dans l'histoire du cinéma. Pour être le plus rigoureux possible, des règles ont été établies comme celle de ne pas avoir plus d'un film par cinéaste dans le classement final (sauf une exception mais chut on vous expliquera à la fin du mois pourquoi). 12 membres de la rédaction ont donc été invités à envoyer leur liste de leurs 40 films préférés. A partir de ces listes, on n'a gardé que les films cités plusieurs fois par chacun d'entre nous. On a alors resoumis la liste finale à un vote pour obtenir le classement final que nous allons vous faire découvrir quotidiennement jusqu'à la fameuse nuit d'Halloween qui révèlera le numéro 1 de la rédaction. Un éclairage par jour durant 31 jours sur des incontournables du cinéma d'horreur.   

 

25 - Re-Animator (1985) de Stuart Gordon

 

Didier Verdurand :

Un bijou d'humour noir et glauque, une série B transcendée par des artistes passionnés et fauchés au sommet de leur art, un film culte qui ne vole pas cette appellation.

Laurent Pécha :

L'un des plus beaux mariages entre l'horreur et l'humour que le cinéma nous ait offert.

Sandy Gillet :

Foutraque, fauché et brillant. Bref les trois mamelles pour faire dans les années 80 un film instantanément culte. Une réputation et un label non démentis depuis !

 

 

Après les bonnes surprises que furent Evil Dead et Le Retour des Morts-Vivants dans les années 80, voilà qu'un nouveau premier film vient bousculer l'ordre établi dans le cinéma gore et d'horreur et se transformer en classique quasi-instantané, Re-Animator, sorti sur nos écrans en 1986. Ce qui était le plus surprenant en cette période critique du cinéma fantastique, pas encore trop contaminé par l'esthétique pub et clip, était l'origine du projet. D'un côté on trouve un distributeur, mais aussi producteur et réalisateur, Charles Band qui était spécialisé dans les  plagiats sympathiques d'Alien (Parasite), de Mad Max (Metalstorm), voire de Terminator (Trancers) et qui voyait pour sa compagnie baptisé crânement Empire un brillant avenir, surtout grâce à la diffusion video qui explosait.

De l'autre, on trouve un réalisateur de théâtre, Stuart Gordon, qui était le directeur du Chicago's Organic Theater, spécialisé entre le Grand Guignol, associé au producteur Brian Yuzna, qui se lancent de concert pour leur premier film dans l'adaptation d'une courte nouvelle horrifique de H.P. Lovecraft, « Herbert West,  réanimateur », alors que l'univers particulier de l'écrivain était souvent jugé comme inadaptable sur grand écran. Brodant sur la maigre structure originelle, Stuart Gordon, aidé par les scénaristes William Norris et Dennis Paoli, redéfinit les grands traits de son personnage central, jeune savant-fou égocentrique et excentrique dont la seule obsession est de faire revenir les morts à la vie, comme tout bon émule du Baron Frankenstein auquel il emprunte beaucoup de traits.

De Lovecraft, Stuart Gordon ne garde que l'influence pernicieuse confluant au masochisme qu'exerce Herbert West sur son collègue de fac, Dan Cain et la situation de l'action dans cette bonne vielle ville d'Arkham, et évacue toute forme de xénophobie qui était rituelle chez l'écrivain, lui qui se aimait à se revendiquer d'être un Wasp pur-sang. Et coup de génie, il intègre un personnage féminin central à l'action et va plus loin encore dans l'humour noir et surtout dans la représentation du sexe, directe et sans métaphore, chose encore plus impensable chez Lovecraft.


 

Au niveau du casting, Stuart Gordon a le coup de génie d'embaucher pour le rôle-titre Jeffrey Combs, jeune acteur qui n'avait pas briller auparavant et qui explose littéralement dans le costume et les lunettes du jeune médecin voulant défier Dieu, allant jusqu'au crime pour protéger sa création, un liquide-miracle à la verte luminescence. A ses côtés, Bruce Abbott et Barbara Crampton composent de manière solide le couple d'amis qui verra leur vie basculer par les expérimentations de leur collègue. Cette dernière, habituée des soap-opera comme Santa-Barbara,  avait été révélée au cinéma par une scène clé et très crue du Body Double de Brian de Palma en 1984, mais ceci n'était rien en comparaison de ce qu'allait survenir sur le tournage de Re-Animator ! Nemesis en blouse blanche de Herbert West, le docteur Carl Hill est interprété par David Gale, acteur anglais au look hiératique qui a souvent traîné ses guêtres dans la série B et à la TV.

 

Côté technique, Stuart Gordon s'entoure d'artisans talentueux comme Anthony Doublin ou John Carl Buechler pour la conception des effets de maquillage (et qui deviendront réalisateurs par la suite), sfx qui iront loin avec décapitations en série , démembrements et déchaînements gore jusqu'à des intestins qui sont animés de vie propre. Pour la conception des décors, c'est le vétéran Robert A. Burns (The Texas Chain Saw Massacre, The Howling) qui est de la partie mais c'est surtout la participation ultime du directeur photo suédois Mac Ahlberg, appelé en remplacement de dernière minute, qui se révèlera cruciale, avec une sorte de patine "européenne" qui donne un charme à l'ensemble des images. Mac Ahlberg  s'était déjà fait un nom par le passé comme réalisateur dans sa Suède natale mais c'était dans le domaine de l'érotisme voir le porno.

 

Bouclé en 18 jours de tournage, Re-Animator bénéficie de l'énergie une équipe galvanisée et talentueuse qui donne son maximum malgré de faibles moyens, et d'un réalisateur qui a une totale liberté. Stuart Gordon décide d'appliquer à sa mise en scène de cinéma ce qu'il a expérimenté avec succès au théâtre, à savoir concocter un véritable happening qui ne laisse pas de souffle au spectateur et qui allie intelligemment esprit subversif et gore, mais où le mauvais goût n'est jamais absent. La preuve en ait de la séquence dite du "cunninlingus à tête portée" qui demeure un des sommets du sexe & gore, au sens large du terme, et garde encore intact son impact encore maintenant. Par ces débordements, Stuart Gordon renoue avec le style ou plutôt le parfum des films Grindhouse du début des années 70, voir des films Z de Hershell Gordon Lewis, mais en apportant cette touche personnelle que l'on appelle le talent.

 

A cela, il faut ajouter le talent des comédiens se révélant tous parfaits et attachants dans leurs composition, la palme revenant à un Jeffrey Combs survolté, rôel qui devait asseoir durablement sa renommée et être bombardé pilier du genre, à l'image de Vincent Price ou de Peter Cushing par le passé . Il tournera de nombreuses séries B, souvent pour Stuart Gordon d'ailleurs, mais aussi dans les séries TV de renom comme Star Trek: Deep Space Nine ou Enterprise, retrouvera le Dr Herbert West dans les deux suites, et incarnera même H.P. Lovecraft dans le Necronomicon de Christophe Gans.

 

Le film sera présenté à Cannes au Marché du film en 1985 où les ténors de la presse spécialisée du moment (Fangoria aux USA, Starfix et Mad Movies en France) en feront l'éloge, et lui assureront un statut de film-culte mérité et durable. Puis il entamera par la suite  le circuit des festivals internationaux, remportant de nombreux prix comme le Premier Prix à Sitges en 1985 puis un Prix Spécial à Avoriaz en 1986. Satisfait des résultats financiers et critiques, le producteur Charles Band s'associera à de nombreuses reprises avec Stuart Gordon pour des résultats plus mitigés. Si From Beyond : Aux Portes de l'Au-delà (inspiré aussi par une nouvelle de Lovecraft) et Dolls : les Poupées sont à classer dans les réussites, l'erreur de parcours surviendra avec le naufrage financier de la super-production de SF RobotJox qui entraînera la chute de la compagnie Empire en 1988, Charles Band ayant surestimé ses capacités à gérer en gros projet qui l'emmènera contre le mur. Pas du tout rancunier, il réitérera son appui à Stuart Gordon avec des œuvres comme Le Puits et le Pendule ou Castle Freak (encore une adaption de Lovecraft)  mais qui n'arriveront pas à renouer avec la pêche et l'énergie de Re-Animator. Ne stoppant jamais son activité, Stuart Gordon a excellé à la TV dans l'anthologie Masters of Horror où son épisode « Dreams in the Witch-House » est à classer dans les petits chefs d'œuvre du genre, et a de nouveau parlé de lui avec le succès critique de Edmond et Stuck, des satires sociales à la limite du fantastique mais qui ont encore quelques communs avec son inimitable premier choc cinématographique, à savoir une méchanceté et un mordant qui fait dénote singulièrement dans la production actuelle.

 

Quant à la saga de Herbert West, elle continuera avec cette fois-ci avec Brian Yuzna aux commandes, qui de son côté, s' attellera à deux suites, le correct Bride of Re-Animator en 1990 et le faiblard Beyond Re-Animator en 2003, qui ont tenté de retrouver la veine du film de 1985 sans jamais réussir à l'égaler. Mais on espère grandement pour 2010 un House of Re-Animator, avec le retour mainte fois annoncé de Stuart Gordon à la caméra, le scénario étant prêt  et qui verrait ce cher Herbert West fréquenter les couloirs de a Maison-Blanche !  Avis aux amateurs de bon cinéma d'horreur, Stuart Gordon est toujours bien vivant et près à vous surprendre.

Patrick Antona 

 

 
 
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