Esprit cathodique - Numéro 7
Parce qu’il n’y a pas que le ciné et les DVD dans la vie. Et
parce qu’il y a aussi la TV et qu’avec le nombre de chaînes hertziennes, celles
de la TNT sans oublier surtout celles du câble et du satellite, il y a de quoi
devenir fou à éplucher les programmes pour trouver THE film à voir
confortablement installé dans son canapé. Ecran Large, par l'intermédiaire de son fin limier Patrick Antona, vous aide à vous y retrouver en vous offrant une sélection de ce qui
serait sympathique de voir chaque semaine. Pas forcement le best of the best
mais un melting-pot savamment préparé par le maestro. Voici le choix de cette semaine allant du 15 mars au 21 mars 2008.
Samedi 15 Mars |
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Le Décalogue 1 & 2 A fleur de peau |
Arte Canal+ Cinema |
22 :30 23 :20 |
Disparu beaucoup trop tôt en 1996, le réalisateur polonais Krzysztof Kieslowski a laissé derrière lui un testament cinématographique inaltérable, Le Décalogue se basant sur les Dix Commandements de la Bible. Peinture acerbe mais néanmoins humaine des passions qui s'inscrit dans une forme de réflexion sur la société polonaise du temps du communisme, cette série de films d'une heure dépasse ce cadre austère par une étude comportementale qui dépasse les frontières. Si mes préférés demeurent l'épisode 5/Tu ne tueras point et le 6/Tu ne seras point luxurieux (sortie en version longue au cinéma sous le titre Brève Histoire d'Amour), il est évident que tous les segments de cet œuvre unique méritent plus qu'un coup d'œil attentif. Alors guettez toutes les secondes (voir troisièmes) parties de soirée sur Arte pour toute la semaine à venir, la chaine culturelle diffusant l'intégrale pendant toute la semaine.
Avant Ocean's Eleven, Steven Soderbergh s'était déjà essayé au remake de classique du polar, avec plus de bonheur, avec cette relecture de Pour toi, j'ai tué de Robert Siodmak. Film policier esthétisant au look glacé, À fleur de peau joue habilement sur une narration morcelée entre passé et présent et réussit à faire passer l'émotion en s'appuyant sur les rapports ambigüs (dont ceux du sang) qui lient ces malfrats dans l'élaboration et l'exécution d'un casse, qui finira par générer plus de dégâts que de profits.
Dimanche 16 Mars |
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Gigi Le Magnifique |
TCM Cinecinema Classic |
20 :45 20 :45 |
Le talent des grands réalisateurs d'Hollywood comme Vincente Minnelli, c'est qu'ils réussissent à faire passer un sujet limite avec éclat et classe. Car le sujet de Gigi n'est plus ni moins que l'éducation d'une jeune fille rebelle en vue d'en faire une cocotte, en gros une femme entretenue par de riches monsieurs dans un registre qui confine à la prostitution. Morale hollywoodienne oblige, la délicieuse Leslie Caron séduira le mondain blasé hautain (Louis Jourdan) non par sa soumission mais par la vivacité de son esprit tout en virevoltant et chantant avec grâce dans ce qui demeure un des derniers grands feux du musical américain.
Savoureux pastiche des films de James Bond sur une intrigue s'inspirant de La Vie secrète de Walter Mitty, le film de Philippe Broca demeure le prototype idéal du bon film populaire à re-voir à la télé. Avec un Belmondo au top de sa forme physique et comique dans la peau de Bob Saint-Clair et de son double écrivain, la sublime Jacqueline Bisset dans le bikini de la féline Tatiana et Vittorio Caprioli dans la tenue noire de l'infâme albanais Karpoff, Le Magnifique aligne les séquences loufoques qui sont restées parmi les plus drôles du cinéma français, de la mort explosive du plombier irascible interprété par Jean Lefebvre à la scène torride sabotée par son créateur. « L'Albanie vaincra ! »
Lundi 17 Mars |
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Le Voyage de la Terreur |
Ciné Polar |
21 :00 |
Attention chef d'œuvre ! Cette merveille de série B est un pur thriller old school où un gangster terrorise un couple d'automobilistes, et ce plus de trente ans avant The Hitcher ou Cohen & Tate. S'appuyant sur un ressort scénaristique astucieux (dont je ne vous dirais rien) qui permet de faire durer la tension tout au long de cette odyssée jusqu'au bout de la nuit, The Hitch-hicker, titre en VO, était la quatrième réalisation de l'actrice Ida Lupino. Starifiée à Hollywood dans des classiques de la Warner Bros (Une Femme dangereuse, La Grande Evasion), elle s'essaie avec bonheur dans la réalisation, en privilégiant les sujets difficiles et parfois propres à la controverse pour l'époque, comme le viol dans Outrage ou l'exploitation des jeunes sportifs dans Hard, Fast and Beautiful, obtenant un statut de précurseur sur le tard une fois sa production vue et appréciée par l'ensemble de la critique ;
Mardi 18 Mars |
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Absolute Beginners Benny's video |
Cinecinema Star CinéFX |
20 :45 21 :00 |
L'avantage avec les diffusions TV, c'est qu'elles permettent de redécouvrir des films avec le recul nécessaire pour remettre en perspective ce qui semblait un tant soit peu ringard il y a de cela plus de 20 ans. Et de saluer le courageux pari (perdu au niveau du box-office) entrepris par Julian Temple de faire une comédie musicale rock'n'roll sur fond d' émeute raciale dans le Londres des années 50, à l'époque où triomphaient les clips et la pop acidulée. L'autre plaisir que l'on peut ressentir avec Absolute Beginners réside dans ces nombreux numéros musicaux interprétés par des légendes telles que Ray Davies, Sade et l'indestructible David Bowie, dont la chanson-titre demeure un de ses plus grands hits.
Au moment où va débarquer sur les écrans la version américaine de Funny Games, il est bon de se replonger dans les premiers travaux de Michael Haneke, où déjà étaient traités les sujets de la déshumanisation des rapports sociaux et de la perte de repères d'une jeunesse qui ne se retrouve que dans la mise en scène cruelle de ses perversions. Film fort et perturbant qui anticipe la version originale de Funny Games, Benny's Video évite le pathos de la dénonciation facile pour étudier le comportement d'un adolescent fragile qui confond fiction et réalité, au début explorant sa propre vie « filmée » avec une forme de candeur jusqu'au basculement qui en fera un monstre moderne par son égotisme terriblement manipulateur.
Mercredi 19 Mars |
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Outrages |
TCM |
22 :50 |
Comme pour son Redacted sorti il y a peu sur nos écrans, Brain de Palma se sert dans Outrages d'un fait divers isolé et terrible (le viol et le meurtre d'une jeune vietnamienne par des soldats US) qui permet de mieux faire ressortir l'inanité et la cruauté d'une guerre qui voit la perte des illusions de toute une génération. Dominées par les interprétations bluffantes de Sean Penn, époustouflant en salopard droit dans ses bottes, et de Michael J. Fox, émouvant en GI idéaliste, qui réussit à faire oublier ses éternels rôles de post-adolescent, Outrages est un des meilleurs exemples de film dénonçant avec justesse la barbarie humaine, et la compromission des autorités qui couvrent les atrocités sous couvert de lutte pour la démocratie. Prenant son sujet à bras le corps, notre réalisateur préféré évite la surenchère stylistique qui a fait sa célébrité, bien que les moments de bravoure visuelle ne manque pas, avec, par exemple, le suspens du tunnel vietcong ou la scène de viol elle-même telle que décrite par Stéphane Argentin dans le dossier consacré à Brian de Palma et ses meilleures scènes.
Jeudi 20 Mars |
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L'Île du maître La Vallée des fleurs |
Arte TPS Star |
20 :50 20 :55 |
Arte fait encore preuve de sa force innovatrice en nous proposant pour cette soirée un inédit de 1975, Man Friday, version revisitée de Robinson Crusoë qui fait plus dans la parabole des rapports maître/esclave que de la célébration de l'esprit occidental chère à Daniel Defoe. Et la curiosité de découvrir le film de Jack Gold (La Grande Menace) en sera d'autant plus aiguisée que le duo Robinson/Vendredi est incarnée Peter O'Toole et Richard Roundtree, un peu comme si Lawrence d'Arabie rencontrait Shaft !
Le plaisir coupable et inévitable de la semaine (et adoubé par Vincent Julé himself) trouve sa justification par la contemplation de l'anatomie complaisamment dévoilée de la très jolie Mylène Jampanoï, qui donne à la légende du Yéti des formes auxquelles nous n'aurions jamais pensé. Car en dehors de ça, cette Vallée des Fleurs censée narrer une histoire de réincarnation à travers les ages s'enfonce très vite dans la répétition et le pensum. Echec d'autant plus dommageable que le réalisateur Nan Palin nous avait offert un Samsara autrement plus maîtrisé et au potentiel érotique plus poussé.
Vendredi 21 Mars |
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Asphyx - L'Esprit de la mort |
Cinecinema Culte |
21 :00 |
Petit bijou alliant avec merveille science-fiction et métaphysique, Asphyx - L'Esprit de la mort possède cette patine représentative des films fantastiques anglais du début des années 70 dont le cadre se situe pendant la période victorienne.
Rappelant par sa beauté plastique les œuvres de la Hammer, l'unique réalisation de Peter Newbrook, ancien directeur de la photo, est un fascinant drame pseudo-scientique se basant sur le postulat de la capture de l'âme par un procédé photographique, permettant ainsi de garantir l'immortalité. Le film est interprété par Robert Stevens et Robert Powell, plus que convaincants en scientifiques imprudents prêts à tous les sacrifices Asphyx fait partie de ses petits films à l'atmosphère particulière qui tendent à gagner une certaine reconnaissance avec le temps.