Mesrine, profession ennemi public

Sandy Gillet | 11 mai 2006
Sandy Gillet | 11 mai 2006

À l'heure où le personnage de Mesrine est l'objet de toutes les attentions de la part du monde du cinéma et de la télévision, il est bon de se rappeler que le plus célèbre gangster français a déjà inspiré ses contemporains. En plus des innombrables programmes de télévision portés sur l'investigation policière – les Faites entrer l'accusé et consorts -, un film de fiction lui fut consacré en 1984 – Mesrine d'André Génovès – ainsi qu'un documentaire truffé d'interviews et d'images d'archives. C'est cette rareté sortie sur les écrans en 1984 et passée depuis sous silence que l'éditeur Wild Side a eu la bonne idée de sortir en DVD.

 


Une double bonne idée, car ce Mesrine, profession ennemi public est un document brut sans voix off, ni commentaire qui donne à voir l'effervescence et la fascination,même quatre après sa mort, pour l'ennemi public n°1. Par ailleurs, ce documentaire est l'œuvre d'Hervé Palud, connu largement aujourd'hui pour ses comédies familiales (Un indien dans la ville, Albert est méchant…) et dont c'est à ce jour la seule incursion dans le genre.

 

 


À l'origine de ce projet, il y a Mesrine bien entendu, personnage hautement fascinant et « dernier grand gangster digne de ce nom » pour Hervé Palud qui nous a fait l'amitié de revenir pour nous le temps d'un entretien sur son film, mais il y a surtout un livre, L'instinct de mort, le même qui sert de point de départ aux deux films très attendus de Jean-François Richet avec Vincent Cassel dans le rôle éponyme. « C'est la lecture de L'instinct de mort qui m'a donné envie d'en savoir plus sur Mesrine, le livre ne présentant que sa version des faits », précise le réalisateur. « Cette biographie est tellement riche que la fiction m'a paru inutile ».

 

Projet lancé après la mort du gangster et en collaboration avec Gilles Millet, journaliste à Libération, Mesrine profession ennemi public se veut une enquête sur les traces d'un homme aux visages multiples. Enchaînant les interviews de proches, d'anciennes compagnes – à l'exception de Sylvia Jeanjacquot dernière amie de Mesrine qui refusa que soit diffusée son interview – de ses avocats, de sa fille, d'amis de détention, de copains d'enfance et d'inconnus l'ayant croisé, le film fait le portrait d'un homme à la fois fascinant et déroutant. « C'était un garçon très simple qui disait bonjour à tout le monde », affirme un voisin dans le film de Palud. Une évocation que vient toutefois contrebalancer les coupures de presse et les déclarations enregistrées de Mesrine qui révèlent un tempérament plutôt mégalomane et un goût certain pour la manipulation, avec les medias notamment.

L'originalité et l'intérêt de ce Mesrine, profession ennemi public résident donc dans le fait que c'est un des rares documents d'époque. « Cette histoire était toujours présente dans les esprits en 1984, ce qui explique l'absence d'interviews de fonctionnaires de police », explique Hervé Palud, « alors qu'aujourd'hui, les langues se délient ». Cette proximité avec les faits, ce début de mythification du personnage et l'absence de controverse - sur la mort de Mesrine notamment – en font un document rare qui laisse libre champ aux protagonistes.

Composé essentiellement d'images d'époque, de documents sonores et de photos et autres images d'archives, le film n'a pas bénéficié de traitement particulier pour sa sortie DVD. L'image est propre même si elle est souvent granuleuse. Quant au son, il est en mono, une configuration qui suffit amplement au documentaire même si certains propos sont parfois difficiles à saisir (l'entrevue avec la mère de Jacques Mesrine par exemple).

En guise de compléments, cette édition DVD propose un petit documentaire intitulé Mesrine : retour sur un mythe criminel (25min) composé des interviews croisées du réalisateur Hervé Palud qui revient sur le personnage de Mesrine et justifie sa démarche, et de Charles Pellegrini, ancien chef de la répression du banditisme. Ce dernier très critique envers le personnage a des propos peu amènes dès qu'il s'agit de parler de la fascination qu'exerce le personnage. Thèse du Robin des bois des temps modernes face à celle du « flambard » séduisant et mythifié, l'échange est en tout cas savoureux, même s'il n'est dû qu'à un montage habile, puisque les deux hommes ne se rencontrent pas et n'ont donc pas l'occasion de comparer leurs opinions directement.

 


Autre bonus : une revue de presse en cinq volets qui restitue parfaitement le rapport de fascination des médias envers Mesrine. Malgré cela, le DVDvore ou plus simplement le curieux peut regretter qu'à aucun moment le DVD ne se penche sur l'histoire du film (tournage, sortie, accueil, etc) et préfère se consacrer uniquement sur Mesrine lui-même. Une déception en partie expliquée par l'investissement minimal du réalisateur qui n'a pas participé aux bonus et a laissé le soin à l'éditeur de compléter comme il l'entendait son film. Une situation d'autant plus dommageable que ce DVD et ce film auraient eu tout à gagner à afficher leur singularité face aux autres fictions, en préparation ou déjà sorties, sur Mesrine.

 

Note critique film : 7
Note son : 5-6
Note image : 8

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Merci à Hervé Palud pour avoir bien voulu répondre à nos questions et à Wild Side pour avoir permis cette rencontre

Aurélie Mayembo

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