Oubliez Titanic, l’histoire d’amour la plus tragique du cinéma est là

Axelle Vacher | 13 mai 2023
Axelle Vacher | 13 mai 2023

Cinquante ans avant que La Vie d'Adèle divise le public, il y a eu La Rumeur de William Wyler, l'une des premières romances lesbiennes du Vieil Hollywood.

Si les modalités de référencement hollywoodiennes actuelles, régies par la sympathique MPAA (Motion Picture Association of America) peuvent sembler contraignantes, il fut un temps où industrie et intransigeance évoluaient gaillardement main dans la main. S'agirait-il de censure ? Perdu ! Puisqu'il est question de l'Oncle Sam, celui-là même qui interdit le commerce d'oeufs Kinder pour protéger ses bambins, mais continue de légitimer la vente d'armes à feu en grandes surfaces, autant ajouter à l'équation une petite touche de paradoxe. Allez, c'est gratuit.

C'est ainsi que toute production dirigée de 1930 à 1966 s'est vue affligée par l'administration du code Hays, un ensemble de restrictions intraitables établies en vue d'échapper à toute censure officielle. Parce que oui, l'autocensure, c'est nettement mieux. En proie à des moeurs bien conservatrices comme on les aime, le pays impulse pourtant à l'aube des années 60 un mouvement de libération sexuelle dans l'espoir de libéraliser les mentalités. C'est au coeur de ce contexte singulier, plus précisément en 1961, qu'est diffusé pour la première fois La Rumeur, lequel suggère une romance entre les personnages d'Audrey Hepburn et Shirley MacLaine.

 

La Rumeur : photo, Shirley MacLaine, Audrey Hepburn, Karen BalkinPire sale gosse qui soit

 

“And I say Hays, Hays, Hays”

Bien entendu, la notion de "romance lesbienne" est à prendre avec des pincettes. Loin des récits figurant sans détour une relation entre deux femmes tels que Carol, Bound, Mademoiselle ou Portrait de la jeune fille en feu (ou au demeurant, n'importe quelle oeuvre de l'univers étendu lesbien de Céline Sciamma), le film de Wyler traite son sujet de façon bien plus clandestine. Après tout, difficile d'imaginer plus révoltant pour l'Amérique puritaine de J.F Kennedy que deux adultes consentantes et heureuses en ménage. La perspective est d'ailleurs si épouvantable que la genèse même du projet s'est déroulé sous les auspices les plus indisposées possible.

Bien avant d'être un long-métrage, La Rumeur (ou The Children's Hour en version originale), est une pièce de théâtre de la dramaturge Lillian Hellman, elle-même inspirée par un scandale ayant eu lieu à Édimbourg plus d'un siècle auparavant. En 1810, deux directrices d'écoles, Jane Pirie et Marianne Woods, sont accusées par l'une de leurs jeunes étudiantes d'entretenir une affaire, ce qui, bien entendu, a détruit leurs réputations personnelles et professionnelles.

 

La Rumeur : photo, Karen Balkin, Audrey HepburnUn film plus efficace que Durex

 

La pièce débute sur les planches de Broadway en novembre 1934, époque formidable où l'énoncé même du terme "homosexuel" est formellement proscrit par le gouvernement américain. Ce qui devait arriver arriva, et Les Innocentes (titre français) est aussitôt interdite de représentation à Boston et Chicago. Mais, puisque rien ne vaut un bon plot twist, la production rencontre finalement un succès critique et commercial retentissant – ce qui attire bien entendu l'oeil des studios de cinéma. En 1936, les droits d'adaptation sont ainsi acquis par Samuel Goldwyn Productions et The Children's Hour aussitôt transposée par William Wyler sur grand écran. 

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commentaires
Ray Peterson
13/05/2023 à 15:01

Titre accrocheur de l'article mais j'avoue assez pertinent.

Wyler dans sa grande période et quoi qu'on en dise le film reste d'une modernité à toute épreuve. La musique d'Alex North est sublime et MacClaine toute autant.
Et ce put*** de dernier acte. Beau, troublant, passionnant. Intemporel.
Pas besoin de remake....