Critique : La Rumeur

Thomas Messias | 8 juillet 2009
Thomas Messias | 8 juillet 2009

Alors en fin de carrière, quelque part entre Ben Hur et L'obsédé, William Wyler réalisait cette adaptation de la pièce de Lillian Hellman. À moins que ce ne soit un remake d'Ils étaient trois, autre version ciné de la même pièce, réalisée en 1936 par... Wyler lui-même. Plus moderne et mieux incarné, La rumeur est plus intéressant que l'original, d'autant qu'il est réalisé à une époque où l'homosexualité était encore un tabou mais commençait à faire parler d'elle çà et là. Presque cinquante ans plus tard, on ne peut qu'être frappé par l'aspect très contemporain d'un film dont les thématiques semblent toujours neuves. Avec cependant une grosse différence : même pour le réalisateur, l'homosexualité semble être quelque chose de difficilement admissible et de tout à fait scandaleux. Le traitement de la possible relation lesbienne entre les deux héroïnes est sensiblement le même que celui de la prétendue pédophilie du curé de Doute, sorti cette année. Autres temps, autres moeurs : difficile d'en tenir rigueur à un Wyler qui fournit visiblement de gros efforts pour tenter d'être plus tolérant que son époque.


Plus qu'un plaidoyer pour l'acceptation de l'homosexualité féminine, La rumeur est comme l'indique son titre français une réflexion sur le pouvoir destructeur des on-dit, toute étiquette vaguement honteuse qui vous colle à la peau semblant scellée à vie même après un démenti formel et officiel. Le film montre assez bien comment une simple rumeur peut saccager non seulement la vie des personnes qu'elle concerne directement, mais également celle des membres de l'entourage. Wyler s'intéresse également au mensonge des enfants et à l'escalade que cela entraîne ; cela rappelle la tristement célèbre affaire d'Outreau. À ceci près, rappelons-le une fois encore, qu'il ne s'agit pas ici de pédophilie, mais de lesbianisme... Mais le mécanisme du mensonge et de la manipulation est le même.


Ce qui manque au film pour avoir l'étoffe d'un classique et d'un inestimable document d'époque sur un sujet moins tabou aujourd'hui, c'est que William Wyler n'est pas parvenu à déthéâtraliser l'intrigue. Certaines ficelles sans doute acceptables sur les planches apparaissent semblent ici bien trop grosses. Un exemple ? Parmi les deux petites filles qui lancent la fameuse rumeur à propos des directrices de leur école, l'une est la meneuse et l'autre est une simple suiveuse, apeurée par sa camarade. Lorsque la suiveuse est interrogée (par les "suspectes", ce qui n'est déjà pas très crédible), c'est en présence de la meneuse, qui se place dans son axe pour lui offrir le regard le plus menaçant qui soit. Comment croire que cela se déroulerait ainsi dans la réalité ? Truffé de petites approximations comme celle-ci, plombé par une fin prévisible et inutilement longue, La rumeur est au bout du compte une pilule difficile à avaler, même si les prestations d'Audrey Hepburn et surtout Shirley MacLaine sont absolument admirables et sauvent le film à plus d'une reprise.

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