Dennis Quaid et Jim Caviezel déjouent la mort et le temps dans Fréquence interdite, le vrai-faux remake de Retour vers le futur. Et c'est plutôt canon.
Parmi toutes les machines à explorer le temps que compte le cinéma de science-fiction, quelques-unes sortent facilement du lot. Ne pas citer la fameuse DeLorean de Doc Brown ou encore la cabine téléphonique d'un autre célèbre docteur (vous l'avez, pas vrai ?) serait bien sûr un crime de lèse-majesté, mais on aime farfouiller dans les vieux cartons, et au rayon des objets un peu oubliés, la vieille radio de Fréquence interdite se pose là. Et rassurez-vous, elle fonctionne toujours très bien, comme le film à vrai dire.
Réalisée par Gregory Hoblit, artisan plutôt doué s'il en est (on lui doit alors le très remarqué Peur primale), cette série B n'a hélas pas vraiment marqué les esprits à sa sortie, malgré les presque 70 millions de dollars engrangés au box-office. À peine a-t-elle eu droit à une exploitation correcte en vidéo et ensuite lors de ses rediffusions à la télévision. Pourtant, Fréquence interdite convoque le meilleur du divertissement familial des années 80 (des productions Amblin pour l'essentiel) et constitue sans doute l'un des derniers soubresauts de cet âge d'or.
Cinquante nuances de bleu et de violet, rien que pour vos yeux
RETOUR AUX FONDAMENTAUX
Une banlieue pavillonnaire tranquille, une famille unie et sans problèmes, un voisinage tout ce qu'il y a de plus sympathique... vous visualisez le tableau ? Cette image d'Épinal, popularisée au cinéma par Steven Spielberg, Robert Zemeckis et quelques autres, sert à nouveau de cadre idyllique au film d'Hoblit. Et là encore, comme le veut la tradition, un évènement extraordinaire va venir bouleverser ce joyeux petit monde. D'un côté, Frank (Dennis Quaid) mène une existence paisible avec femme et enfant en 1969, et de l'autre, son fils John (Jim Caviezel), qui a bien grandi, traverse une période de crise en 1999.
C'est là que la vieille radio entre en scène. Après l'avoir retrouvée et branchée avec son ami Gordo, John capte le signal d'un autre utilisateur, en l'occurrence son père, et échange avec lui à trente ans d'intervalle. En guise d'explication à ce miracle, le cinéaste invoque les éruptions solaires et le champ électromagnétique qu'elles créent, d'où l'apparition d'aurores boréales dans le ciel. On voit même le physicien Brian Greene passer une tête à la faveur d'un reportage télévisé et parler très sérieusement du phénomène. Mais on ne nous la fait pas, c'est avant tout de magie dont il est question.
Au-delà du seul postulat du film, il y a d'abord quelque chose de magique à constater qu'un simple dialogue à distance suffit à captiver. Et Hoblit découpe ces scènes de tête-à-tête entre père et fils avec beaucoup d'inventivité au vu des contraintes d'espace et de mouvement imposées par le dispositif radiophonique. Alors bien sûr, les champs-contrechamps sont légion, mais le positionnement des acteurs dans le cadre est toujours signifiant et fonctionne sur une vraie complémentarité. Quand le père occupe le côté droit de l'image, le fils, lui, se tient sur le côté gauche, et vice versa, d'où un effet de symétrie qui saute aux yeux.
Et si le montage rend chaque transition extrêmement fluide, c'est que le tournage lui-même a permis de préserver cette continuité d'un plan à l'autre, comme le racontait Jim Caviezel pour le site Den of Geek en 2010 : "Je me souviens de ce moment où nous devions courir et tirer, donc autrement dit, il n'était pas question de couper (…) l'équipe réinitialisait rapidement les caméras pendant que d'autres étaient en train de filmer, et dès qu'on avait fini une scène, on utilisait cette énergie et débutait la suivante".
"Papa... j'ai 36 ans et encore toutes mes dents, c'est normal ?"
SUR PLUSIEURS TABLEAUX
Rares sont les films qui parviennent à dévier de leur trajectoire initiale en cours de route et à faire évoluer en même temps leurs promesses de départ. Bien sûr, la Rolls-Royce en la matière s'appelle Psychose. Plus récemment, Parasite a aussi frappé un grand coup, et réjouissons-nous, Fréquence interdite n'est pas non plus à la traîne de ce côté-là. S'il garde un pied dans la science-fiction de bout en bout, le film bascule sans prévenir dans le thriller policier façon Seven avec un tueur en série à neutraliser à la clé.
On pourrait craindre le sale gloubi-boulga de prime abord, mais voyage dans le temps et enquête criminelle ont rarement fait aussi bon ménage. Et pour cause, qu'ils tentent de maintenir le contact radio le plus longtemps possible ou bien d'attraper l'assassin avant qu'il ne commette un nouveau meurtre, père et fils doivent pouvoir répondre à l'urgence de la situation dans les deux cas. Leur avoir donné des professions de terrain – le père est pompier, le fils, policier – n'est pas non plus innocent, chacun étant déjà soumis à la nécessité d'agir vite à travers l'exercice de ses fonctions.
Alors lui, il faut s'en méfier (conseil d'ami)
Mais si le mélange des genres fonctionne à ce point, c'est qu'il embrasse parfaitement la logique d'un scénario qui se réécrit en temps réel pour les personnages. En changeant le passé, Frank et John modifient le cours des évènements et reconfigurent le présent comme le futur. Chaque rebondissement de l'intrigue devient ainsi la conséquence d'une initiative heureuse ou malheureuse des protagonistes, et en tant que spectateur, il y a quelque chose de réellement stimulant à essayer d'anticiper l'incidence de telle ou telle action, quitte aussi à redouter le pire.
L'une des très belles idées du film consiste à imposer à la conscience du fils des souvenirs issus de deux réalités alternatives, l'une où il a grandi avec son père, et l'autre sans lui. "C'est comme lorsqu'on vient de se réveiller et qu'on ne sait plus ce qui est réel", explique John. Pour matérialiser cette mémoire "dédoublée", Hoblit crée des séquences où se superposent différents moments de vie, et y ajoute un effet pellicule, certes un peu daté, mais plutôt bien vu symboliquement (au fond, on contemple son existence comme on fabrique des images de cinéma).
Un peu de tendresse dans ce monde de brutes
GRAND CHEF
Vous l'aurez compris, Fréquence interdite poursuit scrupuleusement l'héritage de son illustre modèle, Retour vers le futur. Pas de savant fou ou de bolide carburant au plutonium pour autant, mais un même apprentissage du père par le fils. Là où Marty McFly enseignait à son paternel les rudiments de la drague, John, lui, guide le sien sur les traces du tueur, et à chaque fois, il en va de la sauvegarde du cocon familial, avec en ligne de mire la figure maternelle comme trait d'union indispensable entre les deux hommes de la maison.
Reste que le film de Hoblit réussit à trouver sa propre voie en jouant une partition plus mélancolique (très jolie bande originale du regretté Michael Kamen au passage). Exit la fraîcheur de Marty par exemple, John broie du noir et sa fébrilité contamine peu à peu l'humeur chaleureuse de son père. C'est aussi là qu'Hoblit exploite au mieux les deux temporalités de son récit, l'année 1969 incarne l'insouciance et l'optimisme (l'idéal hippie), tandis que l'année 1999 charrie son lot d'angoisses (le fameux bug de l'an 2000). Les personnages apparaissent ainsi comme le produit de leur époque, et s'il y a une revanche à prendre, notamment pour le fils, elle consiste à briser ce déterminisme.
C'est tellement "eighties" de lever les yeux vers le ciel (mais on adore)
À l'instar du film de Zemeckis, Fréquence interdite sait se montrer généreux quand il faut passer à l'action. Et encore une fois, c'est avant tout au père de mouiller la chemise pour se sauver d'un incendie ou de l'appartement du meurtrier qu'il traque. Le fils, lui, fournit en priorité les instructions. Ces scènes plus nerveuses et spectaculaires servent de contrepoint idéal aux confessions nocturnes des deux personnages, et il est intéressant de constater que leur relation évolue de plus en plus vers le traditionnel duo de coéquipiers cher au "buddy movie".
Mais on aurait tort de minimiser l'émotion que procure le film, tant il réussit à toucher juste à plusieurs reprises (seul l'épilogue en mode "happy-end du pauvre" jure avec le reste). Rendons grâce à Quaid et Caviezel, excellents dans leurs rôles, et à Hoblit, qui ne manque pas de talent pour donner du corps à cette histoire. Et si l'on devait retenir un plan plus emblématique que les autres, ce serait sans doute celui où le fils, encore petit, tourne autour de son père à vélo. Tout est dit alors de la force d'attraction entre les deux, l'un et l'autre ne pouvant évoluer séparément.
Humilité et efficacité sont donc les maîtres mots qui expliquent la réussite de Fréquence interdite. En sa qualité d'honnête artisan, Hoblit livre une série B non seulement originale et émouvante, évitant le film de petit malin, écueil dans lequel tomberont d'autres projets similaires comme L'effet papillon, sympathique au demeurant. Alors oui, la suite de la carrière du réalisateur s'est un peu émoussée ensuite (on sauvera néanmoins La Faille avec Anthony Hopkins et Ryan Gosling), mais on ne va pas moins chérir ce petit bijou méconnu. Qu'une série, sobrement intitulée Frequency, ait été adaptée du film des années plus tard nous rassure quand même un peu sur son impact, même modeste.
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J’apprécie vraiment aussi ce film et Quaid comme Caviezel sont vraiment bons et l’alchimie entre les 2 fonctionnent superbement. C’est vrai que Gregory Hoblit a été un bon faiseur au début de sa carrière ciné. J’aime bien aussi Peur Primale (même si dans la soundtrack y a « Canção do Mar » et que ça me sort tellement du film parce que ça me fait penser à Hélène Segara…).
@的时候水电费水电费水电费水电费是的 Mx, ah oui le Temoin du Mal et son casting de dingue!
Après, le reste de la carrière de ce réal est un peu moins classe (La Faille outch, Intraçable, euh, au secours).
Hé @Dick_Laurent… il est pas mort Dennis Quaid, il tourne encore.
Film médiocre et aucun rapport avec le chef d’oeuvre de Zemeckis: aucun humour, ni références à la pop culture, mise en scène plate, pas de Amblin’s touch… Rien de rien.
Excellent film et la tardive série télé est très sympa dans le même esprit.
Par contre, absolument aucun rapport avec Retour vers le Futur ni de près ni de loin…..
L’article a au moins le mérite de faire parler du film qui mérite d’être reconnu plus qu’il ne l’ai actuellement…..
Vu a l’époque, j’avais beaucoup aimé….et puis Dennis Quaid quoi….il nous manque….
Sinon il y a avenir avec kev Adams (lol)
Très bon souvenir de ce film découvert sur le tard… et puis il y a Dennis ! @rédaction à quand un article de fond sur Death On Arrival?…
Excellente surprise découverte par hasard à la TV quand j’etais ado, j’avais beaucoup aimé. Je le revois de temps en temps volontiers.
La réa très classique a un peu vieilli (ca fait honnête téléfilm), mais ça passe, et les acteurs et le scénario finissent de nous embarquer.
J’avais adoré le twist final, je m’étais fait avoir comme un bleu ^^
Vu qu’une fois, il y a bien longtemps, j’ai vraiment aimé ce film.
Et puis, il y a Denis Quaid !
Grosse madeleine de Proust que je regarde une fois par an. J’ai toujours été fan de Quaid. Je trouve ce film très bon car on voit également que chaque conséquence a des répercussions sur le présent.
L’enquête en soit vers la fin me rappelle C’était demain, le film qui traite du sujet de bon dans le temps avec le personnage de HG Wells.