Chris Hemsworth : une star créée par Marvel, mais sauvée par Netflix ?

Antoine Desrues | 17 juin 2023 - MAJ : 19/06/2023 00:13
Antoine Desrues | 17 juin 2023 - MAJ : 19/06/2023 00:13

Révélé par Thor chez Marvel, Chris Hemsworth est un acteur dont le talent et les choix de carrière fascinent. Portrait d’une star pas comme les autres.

Si Thor : Love and Thunder n'a servi qu'à une chose, c'est de permettre à Chris Hemsworth d'être l’un des acteurs avec le plus de longévité dans le Marvel Cinematic Universe. Depuis sa première apparition en dieu du tonnerre dans le film de Kenneth Branagh en 2011, l’acteur d’origine australienne et sa soyeuse chevelure ont fait du chemin.

Il faut dire qu’avec son charme indéniable, son physique de rêve parfaitement en accord avec la mode hollywoodienne actuelle et sa franche capacité à jouer de l’auto-dérision, difficile de résister au comédien, qui a su faire son trou dans le paysage cinématographique actuel. Pour autant, au même titre que Robert Downey Jr. ou Chris Evans, il est intéressant de voir comment Hemsworth essaie de s’émanciper de son rôle chez Marvel avec plus ou moins de succès. Tyler Rake 2, la suite du méga-carton d'action de Netflix, marque un nouvel espace dans lequel il essaie de s'imposer. Portrait d’un archétype fascinant de néo-star de cinéma.

 

 

Chris-alide

Quel est le point commun entre Chris Hemsworth, Heath Ledger, Simon Baker, Guy Pearce et Naomi Watts ? Le soap opera Summer Bay (ou Home & Away dans sa version originale), l’un des feuilletons les plus populaires de la télévision australienne, toujours existant depuis les années 80. À vrai dire, la petite lucarne locale est depuis près d’un demi-siècle une pépinière de talents, si bien qu’on peut détecter une règle simple : si un comédien parvient à prouver sa valeur dans une émission de ce type, son personnage risque d’avoir une courte espérance de vie, symbolisant bien souvent le moment où son interprète part voguer vers Hollywood.

À titre de comparaison, le succès de Summer Bay est à mettre en perspective de celui de son principal concurrent, le méga-culte Neighbours, qui a révélé au public Kylie Minogue, Russell Crowe ou plus récemment Margot Robbie. Chris Hemsworth a donc su jouer du rythme soutenu de tournage de Summer Bay pour se démarquer, et imposer Kim Hyde comme un personnage ultra-apprécié des fans de 2004 à 2007. Si l’acteur prétend avoir beaucoup appris sur l’industrie grâce à cette expérience, il a réussi à en tirer un brillant calcul stratégique, qui lui a progressivement ouvert d’autres portes dans les années suivantes.

 

Chris Hemsworth : photoAaaah les années 2000

 

Néanmoins, son premier rôle sur grand écran a dû attendre deux ans de plus. À la recherche d’un grand blockbuster pour se propulser, Hemsworth a échoué aux castings de X-Men Origins : Wolverine (il était dans la liste finale pour incarner Gambit) et de G.I. Joe : Le Réveil du Cobra, où il a été devancé par Channing Tatum. Après avoir passé des auditions pour le rôle principal du reboot de Star Trek, Hemsworth a finalement été rappelé par J.J. Abrams, mais pour jouer le père de James T. Kirk dans l’introduction flamboyante du long-métrage.

On se moque souvent du normativisme imposé par la longue série des "Chris" hollywoodiens, mais c’est bien la ressemblance de l’acteur australien avec Chris Pine qui lui a valu le rôle. Un rôle certes mineur mais plutôt mémorable, alors qu’Hemsworth a tourné ses scènes le lundi suivant son week-end d’audition. Pour autant, le comédien a admis lui-même avoir préféré être jeté dans la mêlée de la sorte, afin de laisser plus de place à la spontanéité de sa performance et à l’improvisation, surtout au sein d’une machine forcément angoissante pour un jeune acteur.

Mine de rien, on peut voir dès cette séquence une certaine idée de la gymnastique propre à Hemsworth, une soif d’expérimentation même quand il s’agit d’incarner de purs clichetons de grands blonds héroïques et musculeux au look de surfeur (Thor) et de petits connards beaux gosses (La Cabane dans les bois). Comme il a pu lui-même le décrire dans une interview pour Vanity Fair, les débuts de carrière engendrent une forme d’insouciance, d’envie d’explorer les limites du possible. Cette "épice" (l’intéressé parle de "spice" en anglais), il semble toujours la rechercher, parfois avec une énergie réellement communicative, là où d’autres stars de son calibre se seraient contentées de rester dans des eaux rassurantes.

 

Star Trek : photoCe qu'on appelle être lâché dans la nature

 

Marteau pique-coeur

Thor en est d’ailleurs le meilleur exemple. En jonglant entre le sérieux papal et pseudo-shakespearien de Kenneth Branagh, et l’humour décalé tendance Les Visiteurs une fois le dieu ostracisé sur Terre, le comédien aurait clairement pu se casser les dents face à un équilibre aussi précaire. Pourtant, au-delà de la qualité toute relative de l’écriture du film, Hemsworth sait tirer du personnage une réelle émotion, et un tempo comique étonnamment efficace, confirmé sur le premier Avengers.

À ce propos, il est intéressant de constater à quel point la démarche désormais affirmée de Marvel peut être particulièrement dure pour ses acteurs. Entre les changements de direction arbitraires des films de la franchise et les réalisateurs serpillères à leur tête, difficile pour un super-héros de se renouveler, ou d’approfondir un arc souvent abandonné en cours de route. Bien sûr, le cas de Thor est l’un des plus problématiques, et Chris Hemsworth n’a pas manqué de révéler, toujours à Vanity Fair, sa déception quant à sa performance dans Le Monde des ténèbres :

"Je ne suis pas très satisfait de ce que j’ai fait dans Thor 2. Je ne trouve pas que j’ai réussi à faire grandir le personnage, ou à offrir au public quelque chose de différent."

 

Photo Chris Hemsworth, Tom Hiddleston"Un contrat renouvelable pour six films ?" (2011)

 

Il est vrai que cette erreur a été "réparée" par la gaudriole de Taika Waititi sur Thor : Ragnarok, mais à quel prix ? Plus que jamais, le dieu du tonnerre est maintenant un pur gogol perdu dans des élans kitsch, et dont les peines sont laborieusement réveillées par des scénarios qui essaient de boucler la boucle (cf. le retour forcé de Jane Foster dans Love and Thunder).

On en viendrait presque à saluer les talents de la star plus que de raison, tant elle parvient à s’adapter à tout ce que Marvel lui envoie à la figure, du débile trop premier degré au guerrier dépressif en passant par le super-héros New Age fan de rock. Il faut même croire que le manque de préparation (ou la flemme, c’est selon) de Marvel Studios est une aubaine pour l’acteur, puisque la plupart des meilleures idées de Ragnarok sont dues à ses improvisations (l’histoire autour du serpent, ou le gag du "Get help" avec Loki).

Pour autant, Hemsworth n'a pas renouvelé son contrat avec le MCU, et n'a pas manqué d'être honnête sur la réception de Love and Thunder. Alors que le comédien prétend avoir vécu l'une de ses meilleures expériences de tournage sur Furiosa, le spin-off de Mad Max : Fury Road, il n'en est que plus dur avec la méthodologie de Kevin Feige : "Je pense qu'on s'est trop amusé. C'est devenu trop idiot." (GQ)

 

Thor : Ragnarok : photo, Chris Hemsworth, Tom Hiddleston"C'était peut-être pas la meilleure idée" (2017)

 

Des muscles et des blagues

Mais c’est peut-être avec le S.O.S. Fantômes de 2016, où il incarne le réceptionniste Kevin, qu’Hemsworth a révélé à quel point il est un grand acteur comique. Qu’on aime ou pas le film de Paul Feig, l’interprète de Thor a pleinement embrassé l’énergie d’un tournage régi par l’absurdité de sketchs typiques du Saturday Night Live. Dans une interview pour MTV, la scénariste Katie Dippold a affirmé que la scène d’entretien d’embauche de Kevin (la meilleure du métrage) doit tout à la manière dont Hemsworth a su rebondir sur les opportunités comiques de ses collègues actrices :

"La scène d’entretien a duré environ une heure lorsqu’on l’a tournée. Paul Feig a juste tout filmé. Tout a vite grimpé en flèche. Ils ont commencé à parler pour savoir s’il pouvait ramener son chat au travail, et Chris s’est juste mis à improviser."

 

S.O.S. Fantômes : Chris HemsworthLa vraie réussite du SOS Fantômes de 2016

 

En réalité, c’est là que Chris Hemsworth se démarque, notamment du reste de la clique qui porte son même prénom. Alors que Chris Pratt s’enferre de plus en plus dans des rôles du bon Américain sympa, mais quand même patriote et super balèze, le comédien australien cherche à distiller le plus possible de contre-emplois entre ses rôles de bourrins hérités de l’âge d’or des années 80 (Horse Soldiers, Tyler Rake, Le Chasseur et la reine des glaces).

De Sale temps à l’hôtel El Royale à Spiderhead, Hemsworth s’amuse avec des personnages plus bordeline, qu’il incarne avec des mimiques plus sinueuses (oserait-on dire féminines), comme pour contrebalancer son physique ultra-viril. Loin des machos de base que son corps pourrait le limiter à interpréter, il apporte à ceux-ci une forme de déconstructivisme de leurs archétypes, poussé dans ses retranchements avec Thor et sa mise en perspective ironique dès Ragnarok.

 

Spiderhead : photo, Chris Hemsworth"Et si on tentait autre chose ?"

 

Où sont les stars ?

Pour le dire simplement, Chris Hemsworth est un acteur assez passionnant au vu de sa propension à se risquer sur certaines performances. Mais ce qui est intéressant, c’est de constater les limites de ce système. Alors que la star est l’une des premières à avoir été façonnées par le MCU, il est aujourd’hui commun pour des acteurs émergents de vouloir rejoindre la grande usine de Kevin Feige afin de s’en servir comme tremplin.

Pour autant, force est de constater que le résultat n’est pas à l’avenant. Peut-être est-ce dû au fait que Marvel est désormais une marque à part entière qui existe en vase clos, ou parce que ses acteurs ne sont finalement que des enveloppes corporelles prêtées pour la transposition d’icônes de la bande-dessinée. Dans tous les cas, la franchise a précipité une forme de dévaluation du star-system tel qu’on l’a longtemps défini.

 

Tyler Rake : photo, Chris HemsworthUn rôle tout en finesse

 

L’importance d’une star de cinéma, c’est qu’elle peut servir de caution à la mise en chantier de projets plus ou moins risqués. Non seulement ces films sont de plus en plus rares dans le giron hollywoodien actuel, mais peu de comédiens peuvent prétendre avoir un tel poids, à l’exception notable de Tom Cruise.

Et au même titre que Robert Downey Jr., plombé par l’échec retentissant du Voyage du Dr Dolittle post-Endgame, Chris Hemsworth peine à attirer les spectateurs malgré son aura chez Marvel. On pense notamment à Men in Black : International, tentative désespérée de relancer la saga avec un nouveau casting, sans succès (à peine 250 millions de dollars de recettes mondiales). Pourtant, d’un point de vue de producteur, le pari est on ne peut plus logique, ou du moins l’était-il avant que Marvel ne bouleverse le rapport à la starification hollywoodienne.

 

Men in Black International : photo, Chris Hemsworth, Tessa Thompson"Les mains en l'air, on vous arrête pour faute de goût"

 

Hemsworthy ?

Néanmoins, certains auraient pu avoir la puce à l’oreille, car Chris Hemsworth s’est planté plus d’une fois, y compris sur des œuvres où tout reposait sur ses épaules. Dans le domaine, rien n’est comparable au four de Hacker, le film sous-estimé de Michael Mann où il tient un rôle principal plus effacé qu’à l’accoutumée. En tant que poids lourd auteuriste, le long-métrage a tout de même coûté la bagatelle de 70 millions de dollars, avant de se ramasser avec à peine 20 millions de recettes mondiales.

Hemsworth n’est bien entendu pas le seul responsable de ce manque d’intérêt, mais sa renommée de l’époque aurait dû épauler la vie de ce film injustement boudé. De là à dire que le public n’a que faire de l’acteur en dehors de Marvel, il n’y a qu’un pas, qu’on ne franchira qu’à moitié.

 

Hacker : photo, Chris Hemsworth, Tang WeiQuand tu essaies de fuir Kevin Feige

 

Pourquoi donc ? Tout simplement parce qu’après tous ces revers, Chris Hemsworth a su rebondir… mais pas sur grand écran. S’il sert de caution à un projet aussi bizarre que Spiderhead, nul doute que son nom a grandement aidé au succès énorme de Tyler Rake, qui reste encore aujourd’hui l’un des plus gros cartons de Netflix. Là où des films en salles ont besoin de travailler au corps les spectateurs pour les inciter à se déplacer vers leur multiplexe, il est plus simple pour une star comme Hemsworth de titiller la curiosité d’un détenteur de Netflix, venu chercher rapidement de quoi se divertir en vérifiant deux-trois miniatures.

Sur ce point, on pourrait penser que le comédien expérimente plus que ses camarades du MCU, et apprend à se façonner une carrière à l’image de l’évolution de l’industrie. Si la SVoD est en train de devenir un nouvel Eldorado à défricher, Chris Hemsworth réussit sans peine à s’y forger une place importante, confirmée par l'ambition de Tyler Rake 2. Tiendrait-on là le vrai renouveau du star-system ?

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commentaires
Toms’
18/06/2023 à 18:09

Ça fait rire les com’s a parler charisme , si il y’a bien une chose que l’industrie us sait faire c’est dénicher un acteur, il expérimente et perso je le trouve humble et discret, c’est pas pour rien que Georges Miller l’a choisi sur Furiosa ou je pari pour une renaissance sous un nouveau jour ce sera lui la surprise du film !!

The Poulpix
02/08/2022 à 18:21

Je ne regarde pas de film de super héros (version polie) alors ses prouesses artistiques en slip me sont inconnues mais il est franchement bon dans Au coeur de l'océan!

leveldown
01/08/2022 à 13:46

Je préfère Sim...

Fox
01/08/2022 à 12:12

En fait, on va être honnête, le problème ne vient tant de Chris Hemsworth que d'autres facteurs :
- A l'heure actuelle, mis à part Tom Cruise - et encore, uniquement lorsqu'il joue dans "ses" franchises - plus aucun acteur ne ramène les foules en salles sur son seul nom ;
- Pire, très peu de blockbusters non-superhéroïques (je ne vais pas uniquement m'acharner sur Marvel) sont capables d'assurer un succès avec certitude au BO.

Parler du talent relatif d'Hemsworth (on peut en débattre d'ailleurs) comme unique raison des échecs de ses films est une erreur selon moi. Et même s'il a un jeu limité (admettons, car il y a quand même une différence entre ce qu'il nous montre - et donc ce qu'on lui demande - et ce qu'il est réellement capable de faire), rien ne l'empêcherait d'être :
1- bien orienté vers des projets plus variés (son agent) ;
2- conforté dans des rôles à contre-emploi, au moins au début (les producteurs) ;
3- bien dirigé (le réalisateur).
Le cas de Tatum dans Foxcatcher - entre autres - montre que c'est possible.

Cat24
01/08/2022 à 08:01

Ha ça oui il est beau mais comme acteur il a 2 expressions ! Dans les rôles comiques ça peut encore passer. Dans Thor 1,2,3 et Avengers il se fait voler toutes les scènes avec Loki par Tom Hiddleston, même dans les interviews où il semble plutôt neuneu et inculte !

Slater-IV
01/08/2022 à 00:32

J'aime l'esprit de contradiction, alors je dirais qu'il y'a Rush, que j'aime beaucoup, et où Hemsworm Chris est pas mal. Autrement, du même réalisateur et avec le même acteur, il y'a aussi Au coeur de l'océan.

Mistercrotte
31/07/2022 à 20:52

Une courgette pour le jeu d'acteur. Un charisme d'huître.
Il est loin le temps des Pacino, des De Niro des Steve McQueen ou même des Bruce Willis.

RobinDesBois
31/07/2022 à 18:46

Sinon je comprends pas pourquoi mon commentaire précédent a été supprimé. Je dis rien de particulier mis à part que je pense que vous vous trompez en misant plus sur l'avenir post MCU d'Hemsworth que de Pratt. On verra bien dans 10 ans.

RobinDesBois
31/07/2022 à 18:44

"Pour le dire simplement, Chris Hemsworth est un acteur assez passionnant au vu de sa propension à se risquer sur certaines performances"

Vous êtes fou.

Big law kid
31/07/2022 à 14:31

Chris hemsworth ne vaut pas grand chose en dehors de marvel et de son rôle de thor.
Il n'est apprécié que pour ce rôle et c'est tout.

C'est pourquoi tout les films auxquels il s'est essayé en dehors de marvel on été des flops au box office et c'est également pour cela qu'il n'est pas encore prêt, contrairement à ses co-stars du mcu à abandonner son rôle marvel qui lui permet encore d'avoir du succès et des gros chèques.

Cet acteur rencontre le même problème que toutes les autres stars créées ou relancées par le mcu: ils ne peuvent survivre dans le paysage hollywoodien sans cette franchise. On le voit bien avec Chris evans, chris pratt et robert Downey jr qui peinent à obtenir du succès en dehors des blockbusters marvel.

Après, ces acteurs restent suffisamment populaires pour rameuter des spectateurs sur des plateformes svod mais n'ont pas suffisamment de poids pour attirer le public en salles.

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