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Drunken Master 2 (Combats de maître) : quand Jackie Chan et l’alcool font des ravages

Par Antoine Desrues
19 octobre 2021
MAJ : 21 mai 2024
Combats de maître : Photo , Jackie Chan

Film d'arts martiaux inégalé, Drunken Master 2 est toujours l'un des sommets de la carrière de Jackie Chan.

Il y a des films qui marquent instantanément le genre qu'ils investissent. Dans le domaine du cinéma d'arts martiaux, Combats de maître (plus connu sous son titre anglais Drunken Master 2) est une de ces pépites qui ont bouleversé à tout jamais l'idée qu'on peut se faire de la castagne sur grand écran. Pourtant, l'idée n'est peut-être pas si évidente lorsqu'on se penche sur son prédécesseur, Le Maître Chinois.

Si le film de Yuen Woo-ping (réalisateur et chorégraphe de talent d'Iron Monkey, embauché sur Matrix et Kill Bill) a été un petit phénomène à sa sortie, il n'en demeure pas moins une série B fauchée comme on pouvait en trouver par pelletées à Hong Kong dans les années 70 et 80. Entre ses décors déserts et ses mouvements de caméra improbables (ces zooms de l'enfer !), l'ensemble a franchement mal vieilli, quand bien même le jeune Jackie Chan, alors en pleine percée, s'imposait déjà comme un grand acteur comique, et un excellent artiste martial. Mais dans ce cas, qu'est-ce qui fait de Drunken Master 2 un tel chef-d’œuvre ?

 

photo, Jackie ChanJackie au top

 

À consommer sans modération

Tout d'abord, il faut comprendre que Combats de maître a contribué à la popularité d'un mythe de cinéma : Wong Fei-Hung. Véritable artiste martial et physicien de la deuxième moitié du XIXe siècle, ce spécialiste de la médecine a été maintes et maintes fois exploité dans divers scénarios, donnant tous leur interprétation plus ou moins loufoque du personnage. Si la plus connue demeure l'interprétation de Jet Li dans la saga Il était une fois en Chine, Wong Fei-Hung est devenu une icône assez rare, entièrement façonnée par le septième art.

Mais en plus de cet aspect fascinant, Drunken Master 2 va piocher ses idées dans le Zui quan, aussi connu sous le nom de la "boxe ivre", un style de combat fantasmatique dans lequel il s'agit d'imiter les mouvements d'une personne en état d'ébriété. Pour autant, depuis le premier volet, le potentiel comique du film réside dans le fait que le protagoniste incarné par Jackie Chan a le besoin de réellement se rendre saoul, pour atteindre une sorte de transcendance martiale.

 

photo, Jackie ChanQuand tu découvres le film pour la première fois

 

Résultat, Drunken Master 2 est l'un des sommets de la carrière de Chan dans le domaine de la comédie potache et burlesque, à laquelle il a pourtant déjà donné ses lettres de noblesse avec Police Story ou Opération Dynamite. Le film est tout entier dédié à la captation fine de ses mouvements, à la magnificence de sa physicalité si particulière, qui amorce à merveille les morceaux de bravoure à venir.

À ce sujet, le long-métrage est un véritable bonheur, généreux en matière de combats. Le récit démarre sur les chapeaux de roue en rendant hommage à l'Hung Ha, le style traditionnel de Wong Fei-Hung. Embarqué sous un train, Chan sort le grand jeu à coups de lance et d'épée, dans une chorégraphie filmée avec sobriété et précision avec une longue focale.

À vrai dire, cette introduction est à elle seule révélatrice de la note d'intention globale du film, où le plan fixe est pensé pour rendre justice aux enchaînements improbables des acteurs. Si Jackie Chan a toujours été influencé par la beauté du cinéma muet, il en transcende la magie, celle d'être une fenêtre ouverte sur un monde époustouflant, encapsulant les prouesses les plus insensées, comme à la belle époque de Buster Keaton.

 

photo, Jackie ChanUne ouverture qui tabasse

 

Pour autant, cela ne veut pas dire que Drunken Master 2 est une suite de vignettes. La véritable orfèvrerie du film est à chercher du côté de son montage, qui déploie chaque coupe à la perfection, de sorte à exploiter au maximum chaque plan, sans étirer inutilement la chose. Si le cut peut être utilisé pour accentuer la force d'un coup, il reflète surtout la fluidité du découpage des scènes d'action, transitant de manière quasi invisible entre les angles pour privilégier la lisibilité de l'action et l'immersion au sein des enchaînements.

Dès lors, cette maîtrise permet surtout à Drunken Master 2 de diversifier ses séquences et leurs enjeux, comme lorsque Wong Fei-Hung se fait attaquer dans un restaurant par une cinquantaine de criminels. Malgré le chaos d'une telle mise en place, la spatialisation est toujours au cœur de la structure du montage, tandis que chaque plan se voit envahir par de nouvelles vagues d'ennemis.

 

photo, Jackie ChanLes Crazy 88 n'ont qu'à bien se tenir

 

Jackie & Michel

Cependant, pour qu'une telle mayonnaise prenne, il est nécessaire de passer par un tournage exigeant, qui a atteint des sommets de complexité dans le cas de Drunken Master 2. Nous n'avons pas encore parlé du réalisateur du film, Chia-Liang Liu. Auteur de grands classiques du cinéma d'arts martiaux (dont La 36ème chambre de Shaolin), il a pu amener son expertise sur Combats de maître.

Malheureusement, son style très à l'ancienne s'est confronté à plusieurs reprises à la nouvelle garde incarnée par Jackie Chan. Là où Liu était un habitué des travellings rapides, des ralentis et autres trucs et astuces d'un cinéma bis sans grands budgets, la mise en scène de Jackie Chan se voulait beaucoup plus focalisée sur les corps en mouvement. Au fur et à mesure des prises de vues, l'acteur-star s'est retrouvé dans de nombreuses disputes avec son réalisateur, notamment lorsque ce dernier a proposé de revenir à certains effets classiques du wu xia pian, comme les combats câblés et aériens.

 

photo, Jackie ChanPose classieuse

 

Face aux refus répétés de Chan, Chia-Liang Liu a fini par quitter le tournage de Drunken Master 2, faisant du comédien le seul maître à bord lors de l'impressionnant combat final du long-métrage. Et c'est d'ailleurs via ce grand moment de cinéma que l'artiste martial a pu livrer l'une de ses plus belles prestations.

Comme l'a souvent expliqué Jackie Chan, le cinéma d'action ne peut fonctionner que grâce à la répétition incessante, celle capable de créer un ballet transcendantal entre les acteurs et la caméra. La star est d'ailleurs friande des bêtisiers dans ses génériques de fin, montrant parfois comment un simple mouvement a pu demander un nombre incalculable de prises.

 

photoJackie a dit : on ne bouge plus !

 

Cependant, rien ne peut battre les difficultés de la séquence finale de Drunken Master 2. Se déroulant dans une usine sur une durée de près de sept minutes, celle-ci a nécessité pas moins de quatre mois de tournage. Des dires de Jackie Chan, un jour de prises de vue donnait en moyenne trois secondes d'images exploitables.

Mais malgré tous ces cris et cette douleur, la scène est encore aujourd'hui un monument du cinéma d'arts martiaux, où le perfectionnisme de Chan se ressent dans le moindre raccord, dans le moindre panoramique léger pour accompagner les va-et-vient d'un combat dantesque. Dans la fureur de l'ivresse, Wong Fei-Hung se permet tout, approche son adversaire en courant vers lui, l'étrangle en passant sa main sous son gilet, le tout avec une vivacité inégalée dans le genre.

 

photo, Jackie ChanUn final orgasmique

 

Si la mise en scène se met au diapason de la rythmique étonnante provoquée par l'alcool, Chan trouve un équilibre intense entre la drôlerie de la scène et sa dimension ultra-spectaculaire, notamment lorsqu'il est jeté pour de vrai sur du charbon brûlant.

Le cinéma américain se perd de plus en plus dans des tournages précipités, où les scènes d'action sont reléguées à de la shaky cam indigeste ou à des effets numériques. Jackie Chan est le premier à en avoir souffert lorsqu'il est allé tourner aux US. Son art s'est vu être charcuté et amoindri, reflet de mises en scène fainéantes incapables de rendre justice à ses chorégraphies.

Certes, des cinéastes comme les Wachowski ou Quantin Tarantino ont certainement retenu les bonnes leçons de sa méthodologie, mais Drunken Master 2 semble aujourd'hui être un film doté d'une dimension quasi tragique. Il est sans nul doute l'un des longs-métrages d'action les plus jouissifs jamais réalisés, et l'un des plus respectés. Pourtant, trop peu sont les cinéastes qui ont pu réitérer son exploit, et ce depuis 1994.

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DO

Film de Yuen woo ping ??!!
Je suis quasiment certain que c’est Lau Kar Leung qui a officiellement réalisé le film (et les choré) bien que Jackie Chan, sorti grandi du succès de Dragon Lord, une de ses premières réalisations, se soit arrogé dans les faits la place du réalisateur (je crois d’ailleurs qu’ils ne retravailleront plus ensemble après ça).

Giorno Giovanna

La on est dans le top, pour l’avoir vu beaucoup de fois, ce film est quasiment parfait, tout y est, une mère joueuse est complètement barge, un jackie chan avec des chorégraphie incroyable, un humour complètement débile et surtout un des plus beaux combats jamais fait,contre ken lo qui est un en faIt sont garde du corps personnel.

Kolby

@Marty
Pas grande différence, c’est la fin du film qui détermine cette durée …
Dans le 96min, le générique de fin commence juste après le combat avec le boss où il fait sorti les Bulls, alors que dans le 102min, après le combat il reçoit une médaille et s’ensuit une photo de groupe avec son groupe et famille dans le film.

Marty

Y’a different montage du film ?

Sur mon dvd c’est marqué 96 mn et je vois que sur le net il est estimé a 102 mn ..

Quelqun pourrait me repondre car je trouve rien concernant cela .

Kolby

@sayuk
C’est très difficile de déterminer les meilleurs combat d’un film de Jackie chan, vue qu’il a toujours voulu aller plus loin des précédents. C’est vrai combat de lait sort du lot vu l’innovation et pour la seul raison c’est le meilleur. Sinon police story 2, le combat avec le muet, dragon forever comme évoqué plus bas, et soif de justice avec ce même urquidez … Il y en a, mais évidemment combat de maître sort du lot

saiyuk

@Kherv
Oui exact purée je l’avait oublier celui-ci, faut dire que Urquidez c’etait un sacré client…et il y a aussi le combat contre les 3 femmes dans armor of god, le combat dans l’usine dans Miracles…bref il en a fait du trés bon le garçon….

Neji .

Un chef-d’œuvre du genre devenu à classique pour l’éternité…
Ce qui fait de Jackie c , l’un des plus grand artiste Martial de son époque.
Les chorégraphies sont magistral , à l’époque ce fut un OVNI pour nous jeunes européens.
Une époque révolue désormais avec les artifices de notre époque.
Le mythe de Jackie c’est construit dans nos esprits en grande partie avec ce film.

Kherv

@Saiyuk
Le combat contre Benny Urquidez dans Dragons Forever envoi du lourd aussi !
Petite affection particulière pour Drunken Master / Le Maître Chinois que j’aime beaucoup.

Blade

Pour moi c est simple c est le meilleur film d art martiaux que j ai vu a ce jour.

Saiyuk

@Arnaud
Et il a chorégraphie Shang-Chi, actu récente en plus.