Porté par une communauté soudée et un grand public très curieux d’un film bénéficiant d’une campagne promotionnelle rondement menée, Détective Pikachu a conquis le monde.
Au-delà de l’adaptation d’une franchise au succès planétaire, le blockbuster de Rob Letterman, fort de ses centaines de Pokemon cohabitant avec des humains, évoque un sous-genre intéressant, au carrefour du cinéma d’animation et du divertissement live plus classique. Hollywood aime mélanger véritables comédiens et avatars virtuels, comme ce fut le cas dans Qui veut la peau de Roger Rabbit ? ainsi que dans Space Jam.
Lequel de ces deux films a le plus influencé le sympathique Détective Pikachu, et en quoi ce dernier trace son propre sillon ?
Pikachu a mis le feu au box-office
COPAINS NAVRANTS
Un héros enquêtant sur la disparition d’un proche, pas toujours à l’aise avec les créatures qui peuplent son monde, une collaboration forcée avec une créature extravagante et haute en couleur… les points communs avec le film Qui veut la peau de Roger Rabbit ? de Robert Zemeckis sont nombreux.
Bien sûr, Justice Smith ne ressemble pas du tout à Bob Hoskins, n’est pas détective privé (encore que l’idée d’investigation plane sur tout le récit), mais ce qui le rapproche et/ou l’éloigne de Pikachu obéit souvent à une logique comparable.
C’est surtout leur relation de codépendance et la manière dont l’humour est géré à travers le duo qui évoquent Qui veut la peau de Roger Rabbit ?. Plusieurs articulations du scénario se basent ainsi sur le volontarisme du détective à fourrure et sa volonté inébranlable de collaborer. Ce couple particulièrement divertissant semble un héritage direct du chef d’oeuvre de Robert Zemeckis.
FILM NOIR
Bien sûr la ville de Ryme ne ressemble pas tout à fait au Los Angeles des années 40, mais les deux récits l’utilisent de la même manière, s’amusant à conjuguer d’un côté les caractères des Pokémon, de l’autre ceux des toons en fonctions de divers stéréotypes. Ryme et LA se déclinent donc en quartiers lumineux, malfamés, mystérieux, comme autant d’étapes dans l’enquête qui motive nos héros. Ainsi, le café où officient plusieurs bébêtes peut être vu comme une relecture du cabaret où officiaient Donald et Daffy Duck.
De même, la logique du film noir est bien respectée, n’hésitant pas là aussi à dresser des passerelles entre les deux œuvres. Ainsi, il y a fort à parier que les connaisseurs de Robert Zemeckis verront dans le personnage de Bill Nighy l’écho d’un autre, redoutable.
COLLECTIONITE AIGUË
Dans Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, on trouvait certes plusieurs personnages issus du catalogue Disney et Warner, mais le cœur palpitant du récit était entretenu par des protagonistes originaux créés pour l’occasion, de Roger, en passant par Jessica ou Baby Hermann.
Or, dans Pokémon : Détective Pikachu, les créatures sont bien connues, ont leurs fans, et désirent voire nécessitent d’être exploitées à bon escient. C’est là une orientation complexe qui oblige un équilibre funambule entre fan service, clins d’œil, narration et surtout caractérisation de persos dont le public s’est fait depuis longtemps sa propre idée. Ainsi, faire de Psykokwak un personnage de premier plan est loin d’être évident.
Space Jam, ou comment bien gérer un catalogue culte
Lui offrir une voix et détailler un peu sa personnalité, c’est prendre le risque de prendre le spectateur qui se serait fait une idée différente du Pokémon à rebrousse-poil. La complexité de cette démarche était une des rares réussites et point d’équilibre de Space Jam, et tout laisse à penser qu’en réalisant Détective Pikachu, Rob Letterman avait en tête l’usage fait dans le film du catalogue Looney Tunes.
Comme dans Space Jam, le cheptel de créatures virtuelles est ordonné autour d’une principale (Bugs Bunny chez l’un, Pikachu chez l’autre) qui donne le ton de tout le récit. Et si le lanceur d’éclair ne mange pas de carottes (cette phrase est garantie sans sous-entendu foireux) tous deux jouent un rôle comparable.
Leçon de caractérisation réussie
POST TOON
Pour autant, le blockbuster se démarque en épousant les techniques de son temps, ne cherchant pas un instant à émuler les incrustation dessins animés à l’ancienne, et préférant générer des Pokémons « photoréalistes » en images de synthèse.
Ce choix pourrait sembler bien banal, mais il représente pourtant une vraie décision esthétique, les Pokemons ayant déjà eu les honneurs de bien des adaptations, et ayant été exploités à l’international via de l’animation plus classique.
Ainsi, Détective Pikachu, si on voit bien quelles sont ses références, entend créer un monde certes fantaisiste, mais qui se fantasme réel et palpable, et dont le spectateur pourrait très sérieusement imaginer caresser la fourrure des habitants. À bien y réfléchir, ce choix rapproche peut-être plus le film qui nous intéresse… des Muppets. En effet, ces derniers se sont toujours inscrits dans une logique de cinéma à l’ancienne, et on ne peut que souhaiter à Pikachu la même longévité.
J’attendais rien et pourtant ça fonctionne.
Je l’ai vu sans rien en attendre, et franchement c’était plus qu’honnête. Pas le film de l’année mais je m’attendais à ce que le film tombe dans la facilité scénaristique et le fan service absolu ; il en est loin.