Sylvester Stallone : de Rocky jusqu'à Expendables, retour sur une carrière de héros américain

Simon Riaux | 22 septembre 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 22 septembre 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Alors qu'on attend toujours des nouvelles du 4e volet des Expendables, on revient sur l'incroyable carrière de Sylvester Stallone, un des plus grands acteurs du cinéma d'action américain, à l'image et aux choix plus complexes qu'il n'y paraît.

 

 

WORKING CLASS HERO

Après des années de galères, de boulots alimentaires en figurations non-créditées, Sylvester Stallone écrit Rocky et parvient à le porter à l’écran. Le film devient un classique instantané, représentant la lutte acharnée d’un travailleur pauvre, italo-américain, pour réussir en tant que boxeur. Le portrait sans fard de la ville de Philadelphie, le cœur palpitant du script, du personnage et de l’interprète principal en font un classique instantané.

 

Photo Sylvester Stallone Rocky

 

Rocky symbolise alors parfaitement les mutations provoquées dans le cinéma américain par le Nouvel Hollywood via ce portrait d’un pays et d’une génération en pleine gueule de bois, comme il anticipe l’arrivée des années 80, leur positivisme criard et leur obsession de la win. Immédiatement, Sly devient une star et tout aussi immédiatement, forge son image d’acteur, consacré héros de la classe ouvrière, surhomme luttant avec les affres d’un quotidien sociétal implacable, bien plus qu’avec les hordes d’ennemis barbares qui assaillent un Schwarzenegger.

Et dans les années qui vont suivre, il va tenter de conserver cette orientation, avant d’être emporté dans la folie des 80s. C’est cette décennie qui va marquer au fer rouge son personnage et qui définit aujourd’hui encore son aura. Rapidement, Stallone s’attèle à un nouveau projetF.I.S.T, terriblement ambitieux : une biographie fictive d’un leader syndical qui n’est pas sans évoquer Jimmy Hoffa.

 

Affiche officielle F.I.S.T

 

Loin du cinéma d’action qui achèvera de faire de lui une icône, le scénariste et acteur veut s’essayer à la fresque, avec toujours au cœur, cette idée de la chanson de geste sociale, de la lutte pour la survie de la classe ouvrière, qu’il confronte ici à l’Histoire. Mais F.I.S.T sera un échec. Qu’à cela ne tienne, Sly va réaliser, écrire, et interpréter La Taverne de l'enfer, portrait de trois frangins italo-américains galérant dans les bas-fonds du New York des années 40.

Mais le film semble confus, son ton mal dégrossi. C’est avec Rocky II que le comédien gagnera véritablement ses galons de metteur en scène et trouvera sa signature, un mélange de divertissement spectaculaire et de chronique sociale ancrée dans l’humain. C’est néanmoins un film plus sombre qui va asseoir sa légende, tout en cristallisant la haine de l’injustice qui façonne sa filmographie.

 

photo, Sylvester Stallone La Taverne de l'enfer

 

Rambo est un vétéran traumatisé que des flics irresponsables tentent de maltraiter. Non seulement cet anti-héros va offrir à Sylvester Stallone une deuxième franchise pour consolider sa gloire, mais elle va aussi constituer un cheval de Troie pour toutes les thématiques plus déviantes qui n’attendent que le mitan des 80s pour éclore.

 

SUPER VIANDARD

Ecrit par James Cameron, Rambo II : La Mission marque en 1985 un tournant dans la carrière de Sly. De vétéran mutilé par un système inique, il devient super-soldat envoyé au Viêtnam pour venger symboliquement sa patrie dans un déluge de cordite et de sang. L’artiste a à cœur de gagner celui du grand public, de s’essayer à autre chose que des récits doloristes d’individus broyés par une Amérique impitoyable.

 

Photo Sylvester Stallone Rambo vient faire sa fête au Viêtnam

 

En témoigne New York cowboy, où la dimension populaire de son personnage se frotte à un récit de comédie romantique gentiment délayé. Dans un autre genre, Cobra est une tentative de s’hybrider aux succès de Schwarzie, mais plus encore d’un certain Inspecteur Harry. Tout cela n’est pas franchement couronné de succès, mais qu’importe : entre Rambo II : La Mission et Rocky IV, la figure du comédien a totalement muté.

Il suffit pourtant de regarder Cobra aujourd’hui pour voir qu’aucune greffe n’aura tout à fait pris sur Stallone, et les années 80 ne parviendront jamais à retourner complètement le working class hero. Mais comme le dévoile Over the Top, elles peuvent le vider de sa substance, jusqu’à en faire une auto-caricature grossière. Ainsi, si Le Bras de fer a survécu, c’est bien pour le ridicule de son intrigue tire-larme, des mécaniques et ses outrances kitschouilles que l’émotion qui s’en dégage.

 

Photo Over The TopUn bras, du fer, c'est le bras de fer

 

Le trop-plein guette et la figure du héro Stallonien semble en déshérence, tandis que le public commence à franchement se désintéresser de stars et de blockbusters qui sentent l’overdose de coke arrosée de mauvais whisky plutôt que l’overdose de créativité. Preuve en est avec Rambo III, sorte de pot-pourri propagandiste, complètement fumé, dont les excès rapportent 100 millions de dollars de moins que le chapitre précédent (« seulement » 189 millions de dollars).

Signe que l’époque ne sait plus quoi faire de ses stars d’action, et que ces dernières tentent de se diversifier comme elles peuvent, Stallone s’essaie à la comédie. Schwarzenegger y est également passé, mais il existe une différence de taille : le futur Governator, s’il a interprété essentiellement des surhommes et des personnages invincibles, porte en lui une fibre d’auto-dérision moins évidente chez Sly.

 

Photo Arrête ou ma mère va tirer

 

En témoignent L'Embrouille est dans le sac et Arrête ou ma mère va tirer. Plus inquiétant encore, même si le temps leur rendra justice, le premier devenant un classique et le second une œuvre culte et post-moderne, Cliffhanger comme Demolition Man, malgré des scores plus que respectables au box-office, semblent terriblement à contretemps.

En apparence, Sly paraît encore capable d’attirer un large public – Cliffhanger rapporte tout de même la coquette somme de 255 millions de dollars – mais ces réussites indiquent que la star est déjà un objet de nostalgie. Une tendance forte, que le troisième mouvement de sa carrière va confirmer et terriblement amplifier.

 

Photo Sylvester Stallone Demolition Man

 

SOLDIER OF INFORTUNE

L’époque ne veut plus de Sylvester. Qu’il joue L'Expert ou les Assassins, le grand public se détourne progressivement, et il paraît ne plus avoir de place dans le Hollywood des années 90. Les années ne l’ont pas transformé en surhomme, et cet artisan de l’Americana n’a plus de place à l’écran, le corps de Stallone n’excite plus la pellicule.

Même le super efficace Daylight peine à rassembler 150 millions de dollars. Il est usé Sly. Et on aura beau saluer sa prestation dans Copland, où il éclipse Robert de Niro, Harvey Keitel et Ray Liotta, Hollywood n’écoute pas, et personne ne désire creuser à nouveau le sillon de cet ordinary guy aux allures d’ours traumatisé, non, Hollywood voit dans Sly ce Judge Dredd anachronique et embarrassant, une sorte d’effet spécial désynchronisé.

 

Photo Judge Dredd Judge Dredd

 

À présent, l’artiste a des airs de poisson hors de l’eau, égaré entre touchantes incartades méta (Fourmiz) et personnages fatigués (Get Carter, DrivenD-Tox - Compte à rebours mortel), l’icône Stallone apparaît totalement dévitalisée. Heureusement pour sa stature, le grand écran règne encore en maître sur le cinéma, et Stallone, à défaut d’être en haut reste sur l’affiche. Nul doute qu’aujourd’hui, l’acteur eût été précipité dans l’enfer du DTV bon marché.

Considéré comme un accessoire ridicule ou un aimant à beauf, le malheureux semble totalement perdu quand sort Spy Kids 3 : Mission 3D, pitrerie navrante de Robert Rodriguez, dans laquelle Sylvester est égaré, triste à pleurer, au cœur d’un cauchemar de fonds verts-hystéro-criards. Le retour en grâce semble alors impossible, le naufrage ringardos inévitable et déjà en cours de consommation.

 

photo Spy Kids 3 : Mission 3D

 

SLY REBORN

La bouffée nostalgique actuellement concentrée sur les années 80 est aujourd’hui un phénomène entendu, documenté, commenté, critiqué. Mais un de ceux qui aura le mieux su en profiter est bien Sly. Sauf que l’acteur ne se contentera pas de jouer la carte du rétroviseur pour rassembler son public éparpillé, et offrira au 7e Art une relecture mythologique à peu près inédite.

En retrouvant Rocky Balboa et John Rambo, il se fait scénariste, acteur, et surtout réalisateur. Ce n’est pas un hasard si les deux métrages ont pour titre le patronyme intégral de leur héros. Ici, il est question de se réapproprier totalement une icône, devenue un totem, puis une figure tutélaire lointaine, parasitée par les tropismes et modes des années 80. Sylvester Stallone met son héritage à leurs pieds et pose sur ces figures un regard nouveau, véritable commentaire de sa carrière et de sa personne. L'humilité de la démarche ne manquera pas de toucher le public.

 

photo, Sylvester Stallone Rocky Balboa

 

À la nostalgie, Sylvester préfère la mélancolie, le doute, la création d’une nouvelle figure, presque paternelle, celle d’un héros fatigué, conscient de ses limites portant le poids du monde, de ses péchés, sur des épaules sur le point de rompre. Une orientation qui tranche avec le cinéma d’action qui triomphe alors. Bien loin de Jason Bourne et de sa folle célérité, Sly est lourd, âgé, brutal et amer.

Les Expendables prouveront même que la star est capable de générer une nouvelle franchise, réunie autour de sa personne. Et si on sent bien ses relents passéistes, elle n’en demeure pas moins le symptôme d’un retour en grâce. Peu importera dès lors que tous les projets ne s’avèrent pas aussi rentables ou populaires (Du plomb dans la tête, Match Retour), le comédien est une légende intouchable, suffisamment respectée pour que sa seule présence de scénariste énergise la promo d’un film (Homefront).

 

photo Sylvester Stallone Rambo 5 : Last Blood

 

STOP OU ENCORE ?

Un statut de vieux sage que cristallise Creed, lequel lui vaudra des nominations aux airs de consécration totale. Signe des temps : son caméo dans Les Gardiens de la Galaxie Vol. 2 n’a rien à voir avec les blagounettes de jadis, puisque c’est sur lui que repose tout un pan symbolique et émotionnel du récit. Cette tendance aura été prolongée par Creed II, film Ô combien bancal, mais qui avait au moins chevillé au corps le désir de poursuivre le portrait du héros fatigué, à la passion inextinguible, mais au corps traumatisé, parangon d'une Amérique chancelante.

On ne pourra en dire autant du dernier chapitre en date de la saga Rambo, simultanément anachronique et schizophrène. Oubliant toutes les bases de la franchise, pour transformer son protagoniste non plus en victime de la guerre condamné à la porter avec lui, mais en vengeur assoiffé de sang, mélangeant pour la première fois militaires, civils et criminels, au risque de flouter totalement son ADN. De même, si le long-métrage s'égare en trucages numériques baveux à la faveur d'un climax où John Rambo se prend soudain pour un clone caractériel de Jigsaw, il lui reste une qualité essentielle, qui lui permet de s'inscrire dans la geste légendaire du comédien.

Durant toute la première partie de Rambo : Last Blood, le récit est émaillé de gros plans insistants sur les mains et le visage de l'artiste, où son faciès, buriné par le soleil, la brutalité et la mélancolie, apparaît plus évocateur et poétique que jamais. Dans ces rares moments, c'est toute la carrière de Stallone qui s'empare de l'image et saisit le spectateur. C'est cette émotion, précieuse, qu'on espère retrouver encore alors que s'amorce sans doute le tout dernier mouvement de sa carrière.

Une carrière dont on espère qu'elle finira par accueillir un quatrième volet, maintes fois repoussé, des Expendables, et qui sait, un volet sincère et rugueux, à la hauteur du premier chapitre, remuant et nostalgique.

 

Photo John RamboC'est pas sa guerre, mais un peu quand même

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commentaires
Matrix R
23/09/2020 à 20:57

Big respect à ce mec

Pat Rick
23/09/2020 à 20:42

Sa filmographie comporte des ratages malgré tout c'est un acteur que j'adore et dont j'apprécie toujours la présence dans un film.

Oldskool
23/09/2020 à 14:15

CLIFFHANGER mais magnifique d'accord avec toi Tom's et oui il faut le revoir en HD, pour ma part une fois par semaine serait mon rythme... Personne n'en parle jamais mais avec ce retour fracassant de STALLONE en 1993, il a bien pulverisé Shwarzy et son Last Action Hero, trop lunaire, intello (?) méta, en tout cas auquel on ne pouvait pas être accroché à son siège... et encore moins s'identifier. Et puis faut arrêter avec le Bashing OVER THE TOP, moi j'avais 14 balais, et ouais c'était cool et j'ai même chialé !

Tom’s
22/09/2020 à 16:56

Cfiffhanger étais en phase avec son époque, et un énorme succès à l’époque, me suis précipité en salle, produit par Mario kassar, tourné en parti en décors naturels, Renny Harlin sort de Die hard 2, les cascades et effets malin avant le numérique, John lightgow ect revoyez le en HD !!

Scandalous
15/01/2019 à 16:39

@jalu : N’ayant malheureusement pas connu le Sly de la grande époque, celle où il était l’acteur le mieux payé d’Hollywood, je n’ai cependant pas l’impression qu’il prenait les gens de haut à ce moment-là (si c’est ce à quoi tu fais référence). Il a certes reconnu avoir pété un câble au milieu des 80’s, mais en public, il m’a toujours paru sympathique.

Vincent
14/01/2019 à 21:21

@117 Il y a aussi un film que tu as déjà du voir pleins de fois mais dont le final d'origine n'a pas été retenu car jugé trop sombre , après j'en conviens que cette scene n'est pas une mort officielle .

jalu
14/01/2019 à 16:06

"Stallone ne dégage aucune arrogance, une vraie sympathie, comme expliqué en début d'article, c'est un gilet jaune, le gars."

Ça dépend de quelle période tu parles.

Birdy
14/01/2019 à 15:03

Stallone ne dégage aucune arrogance, une vraie sympathie, comme expliqué en début d'article, c'est un gilet jaune, le gars. Multimillionnaire, mais qui a gardé cette côte de popularité, en passant de la case hasbeen à celle de madeleine de proust de nos jeunes années de cinéphile.

Raoul
14/01/2019 à 09:59

Un très grand. Je l'ai croisé une fois au resto (au Crillon), ça m'a cloué sur place.

Luigi
13/01/2019 à 23:25

Stallone fait partie de ma vie depuis mes 12 ans ,j'en ai 46 et j'ai des souvenirs inoubliables (Rambo 2 au ciné ,faut l'avoir vécu, le public était survolté !).Les films usés a force de passer les k7 vidéos...Sly c'est un grand monsieur.respect!

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