John Carter : l'énorme flop de Disney qui se rêvait Star Wars

Geoffrey Crété | 25 novembre 2017 - MAJ : 29/07/2023 16:05
Geoffrey Crété | 25 novembre 2017 - MAJ : 29/07/2023 16:05

Personne n'a pas pu passer à côté de John Carter le film. Spectaculaire échec à sa sortie en 2012, le blockbuster censé lancer une franchise autour du Cycle de Mars d'Edgar Rice Burroughs a été un désastre industriel dont personne ne s'est véritablement remis – ni le réalisateur Andrew Stanton, ni l'acteur Taylor Kitsch.

Retour sur ce cas d'école incroyable, et surtout, sur les problèmes réels du film.

 

Affiche

 

"Comédiens inexpressifs, humour pataud, récit bâclé" (Télérama) 

"Oui, il y a de la vie sur Mars dans John Carter, et c'est mortellement ennuyeux" (Associated Press)

"Sur les écrans après avoir été copié par beaucoup, ce conte épique a un air de déjà-vu et de vintage kitsch" (L'Express)

"Il n'y a rien à voir, rien à réflécir, rien à ressentir, juste du vide" (San Fransisco Chronicle)

 

  

LE RESUME EXPRESS

Sur Mars, alias Barsoom, les gentils habitants de Helium combattent les méchants de Zodanga, dont le méchant leader Sab Than (Dominic West) gagne une méchante arme offerte par les mystérieux (et méchants) Therms. Sur Terre, en 1881, Edgar Rice Burroughs (Daryl Sabara) va à l'enterrement de son oncle John Carter (Taylor Kitsch), qui lui a confié son journal.

Là, le film commence pour de vrai. En 1868, le soldat rebelle John Carter se retrouve dans une grotte mystique où un méchant Martien apparaît. Carter le tue mais active son médaillon magique, et est téléporté sur Barsoom. Capable de sauter comme Hulk grâce à la gravité, il est fait prisonnier par les Tharks, des martiens verts avec plein de bras. Grâce à un trip sous LSD très pratique, le langage alien devient de l'anglais.

De son côté, Dejah Thoris (Lynn Collins), princesse/guerrière/savante d'Helium, refuse de se marier avec le méchant Sab, qui promet la paix en échange. Elle s'échappe et finit par être sauvée par John, qui l'aide à se battre contre les méchants de Zodanga. Ils s'enfuit ensemble : Dejah veut utiliser John pour sauver Helium, mais lui veut simplement rentrer chez lui. 

Dejah finit par accepter d'épouser Sab, persuadée que John est reparti chez lui. Mais il apprend que les Therns sont d'odieux méchants, que le mariage est un piège, et après avoir affronté des colosses et tué le méchant leader des Tharks, il mène une attaque sur Helium avec les aliens pour libérer la belle.

John épouse Dejah... mais un méchant Thark le renvoie de force sur Terre. Pendant dix ans, il cherche un médaillon magique pour repartir sur Mars. Malin comme un singe, il simule sa mort et utilise son neveu Burroughs pour piéger un Thern, et enfin retrouver sa princesse.

FIN

 

Photo Taylor Kitsch, Lynn CollinsLe duo de Mars

  

LES COULISSES de john carter

A l'origine du John Carter d'Andrew Stanton, il y a Princess of Mars, une histoire d'Edgar Rice Burroughs publiée en juillet 1912. Le créateur de Tarzan se cache alors derrière le pseudonyme de Norman Bean. Le succès est au rendez-vous, et l'idée d'une adaptation est là dès 1931, avec le réalisateur des Looney Toones Robert Clampett qui envisage un film d'animation. Ce qui aurait donc dû être le premier dessin animé en long métrage, avant Blanche-Neige et les sept nains en 1937, est enterré malgré plusieurs années de travail lorsque les premiers résultats sont mal reçus par le public, et qu'il est décidé que l'Américain moyen ne s'intéressera pas à un héros martien.

Ray Harryhausen, maître des effets spéciaux notamment réputé pour ses créatures de Jason et les Argonautes, essaie de lancer une version en stop motion dans les années 50. Dans les années 80, les célèbres producteurs Andrew G. Vajna et Mario Kassar achètent les droits pour Disney, pour profiter des succès de Conan et Star Wars. John McTiernan s'y intéresse, songe à caster Tom Cruise, puis abandonne parce qu'il pense que les effets spéciaux ne sont pas suffisamment avancés. Robert Zemeckis est lui aussi intéressé à une époque, mais pense que George Lucas a déjà pillé l'univers avec Star Wars. Disney finit par perdre les droits, que se disputent Columbia et Paramount dans les années 2000.

 

Photo Taylor KitschNaissance d'un héros (ou pas)

 

En 2004, Robert Rodriguez est engagé pour réaliser le film, censé se tourner en 2005 avec un budget d'une centaine de millions. Il compte se payer les services de Frank Frazetta, dessinateur de Burroughs, et filmer dans des conditions similaires à celle de Sin City. Mais c'est justement à cause de ce film qu'il sera remplacé : Rodriguez a décidé de quitter la guilde des réalisateurs qui refusait que Frank Miller soit crédité comme co-réalisateur de Sin City, et la Paramount doit engager un réalisateur syndiqué.

Le studio choisit Kerry Conran, qui vient alors de réaliser Capitaine Sky et le monde de demain, une production ambitieuse d'un point de vue technologique, censée être une petite révolution. Mais le film est un échec à sa sortie, et la raison du départ de Conran est peut-être à chercher ici.

En 2005, Disney jette alors son dévolu sur Jon Favreau, qui n'a pas encore la cote puisqu'il réalisera Iron Man en 2008. Favreau veut être plus fidèle à Burroughs, et contrairement à Rodriguez et Conran, il veut limiter le numérique. La Paramount n'est visiblement pas convaincue : en 2006, le studio ne renouvelle pas les droits.

 

LivreA Princess of Mars, première aventure de John Carter

 

C'est ainsi Andrew Stanton, fan depuis sa plus tendre enfance, qui pousse Disney à les reprendre. Roi du pétrole depuis les succès du Monde de Nemo et Wall-E, couronnés aux Oscars, il vend du rêve au studio avec un "Indiana Jones sur Mars". Disney hésite puisque Stanton n'a réalisé que des films d'animation et ne veut caster aucune star, mais son CV les convainc, et le rapprochement avec Pixar facilite l'opération.

Le tournage n'a pas été simple. Stanton a nié avoir dépassé le budget mais a confirmé avoir filmé de longs reshoots, avouant même avoir tourné une grande partie du film deux fois. Il dira être moyennement satisfait de son film, expliquant qu'avoir eu tant de contrôle et d'argent l'a finalement desservi pour son premier essai.

Le titre sera changé en cours de route : John Carter of Mars deviendra John Carter. Officiellement parce que c'est une origin story (John Carter of Mars apparaît à la toute fin, une fois que le héros mérite cette appellation). Officieusement, difficile de ne pas y voir une volonté de gommer l'aspect SF et le nom de la planète qui a porté malheur à Disney quelques années plus tôt avec Milo sur Mars, une superproduction d'animation qui a été un four colossal (150 millions de budget et à peine 40 millions en salles).

 

Photo Andrew StantonAndrew Stanton et Taylor Kitsch  

 

LE méga flop de john carter

Echec spectaculaire et très commenté. John Carter a coûté environ 250 millions de dollars, avec un budget marketing estimé à 100 millions par The Los Angeles Times. Le film a encaissé seulement 284 millions au box-office mondial, dont 73 seulement côté domestique.

Un flop retentissant qui aurait coûté très cher à Disney : 100 ou 200 millions, selon The Los Angeles Times. Alan Bergman, boss de Disney, a confirmé en 2014 que John Carter leur avait fait perdre beaucoup d'argent. Dans les semaines suivant la sortie, le président du studio de l'époque, Rich Ross, a tout simplement démissionné. Arrivé à ce poste alors que le projet était déjà en développement, il a été jugé responsable des dimensions pharaoniques du blockbuster. L'échec de John Carter est en plus arrivé après celui de Milo sur Mars. Rich Ross peut donc maudire la planète rouge.

Le marketing du film sera en grande partie blamé. Beaucoup estiment qu'Andrew Stanton est responsable, ayant contrôlé l'image du blockbuster avant sa sortie. Il a notamment choisi de ne pas mettre en avant son CV chez Pixar, le nom de Burroughs, ou encore la romance, posant même son veto pour interdire l'utilisation de certaines images. Le tournage compliqué a également été un facteur, puisque peu de plans à effets spéciaux terminés étaient disponibles pour la promo.

 

PhotoTaylor Kitsch sur le tournage

 

qu'est-ce qui ne va pas dans John carter ?

En 2009, Avatar a coûté environ 240 millions. En 2012, John Carter en a coûté au moins une dizaine de plus. À l'écran, c'est pourtant peu évident vu la laideur de la chose, blindée de machins numériques mal organisés dans un univers à la fois immense et minuscule : l'aventure a beau s'étirer de la Terre du XIXème siècle à une planète Mars de pure science-fiction, avec ses cultures et ses civilisations, le blockbuster laisse la désagréable impression de ne rien montrer ni raconter de fort ou mémorable. Beaucoup de bruit pour bien peu donc, tant le spectacle se révèle scolaire, désincarné et monotone.

La faute en grande partie à un scénario très pauvre, articulé autour de personnages très fades, incarnés par des acteurs très lisses. Taylor Kitsch (qui aura l'honneur la même année d'un autre flop, certes moindre, avec Battleship) a soigné son physique, mais peine à donner vie à ce héros, coincé entre une attitude de bad boy hollywoodien classique et de héros très premier degré, avec son trauma et ses contradictions caricaturales (une énième trajectoire de protagoniste blessé, individualiste, qui se rouvre sur l'Autre et prend part au monde).

Le couple avec Lynn Collins est étrangement décalé, ce personnage de princesse martienne étant lui aussi tué par une écriture d'une lourdeur terrible, entre des dialogues affreux et de maladroites tentatives d'en faire une vraie héroïne qui dégaîne son épée avec la même ferveur que pour une couverture de magazine. Leur coup de foudre, leurs disputes, leurs combats : tout sonne terriblement faux, et manque cruellement de cœur et d'humanité. C'est d'autant plus fou qu'en arrière-plan, le film aligne les acteurs prestigieux et talentueux (Willem Dafoe, Samantha Morton, Mark Strong ou encore Ciarán Hinds), parfois cachés derrière le numérique.

 

Photo Lynn Collins (I)Lynn Collins, à peu près disparue depuis

 

A côté d'eux, il y a une intrigue peu excitante de grande bataille manichéenne de l'espace, qui souffre d'une mythologie tièdasse, peu assumée ou développée. Les différents peuples, les guerres de civilisation, le mystère de Therns, la magie : sur le papier, c'est très cinématographique, mais John Carter peine à en tirer quelque chose de solide et clair. Les Chroniques de Riddick, qui a coûté moitié moins, affiche un univers bien plus tranché : si les deux mondes sont aux antipodes, David Twohy a un vrai regard de cinéaste, qui permet à ses costumes et décors extravagants, à la limite du Z, de rester dignes, et de créer un univers clair.

Peu voire pas de suspense et un humour très basique n'aident pas la machine à tourner de manière satisfaisante, tandis que ce désir d'une aventure old school (le héros récalcitrant, la princesse, les combats à l'épée, l'aspect quasi médiéval) semble si peu assumé et maîtrisé qu'il n'a rien d'enchanteur. Que l'intrigue multiplie les couches, les époques, les parenthèses, pour encadrer l'aventure avec une intro et une conclusion longues et poussives, n'arrange rien.

 

photoL'ambition était là, a priori

 

La direction artistique est un autre problème. Si l'ambition est présente et parfois même excitante, notamment du côté des vaisseaux, il y a à l'écran une soupe numérique souvent indigeste, dont les limites sont rendues évidentes avec l'atmosphère lumineuse écrasante. L'architecture des scènes d'action, là encore très ordinaires voire médiocres, enfonce le clou de la banalité. Difficile de trembler ou de s'emballer pour ce combat dans une arène qui rappelle Star Wars Épisode II : L'Attaque des clones (tout aussi laid mais plus drôle, dix ans avant), ou pour ce massacre d'aliens maladroitement monté avec le trauma du héros.

En somme : il manque à John Carter la folie, la poésie et la magie indispensables et promises.

 

PhotoUne tronche de porte-bonheur

 

pourquoi john carter a ses fans

Il y a un syndrome qui pourrait presque s'appeler John Carter : un matériau riche et fondateur, qui a été tellement pillé depuis sa naissance qu'une fois le film sous les yeux, celui-ci semble n'être qu'une vague copie sans âme d'œuvres qui lui doivent pourtant beaucoup à l'origine. Valerian et la Cité des mille planètes a souffert en partie de ce syndrome, lui aussi à cause d'un Star Wars qui s'est grandement inspiré de la bande-dessinée.

Il faudra donc reconnaître cette circonstance atténuante à John Carter - que Zemeckis aurait très justement abandonné à cause de George Lucas. Planète ensablée, héros faussement bad guy égocentré, princesse rebelle, espèces aliens étranges avec leur propre langage, vaste mythologie qui tourne autour d'une forme de magie et de balance à l'échelle de l'univers : difficile de ne pas voir de la guerre des étoiles dans les aventures de ce Terrien sur Mars. 

Autre critère qui joue en la faveur du film : son aura de désastre, qui attire tout logiquement la sympathie, notamment pour tout amateur de science-fiction charmé par les ambitions et l'allure amusante du spectacle. John Carter a donc des fans purs et durs, sans nul doute forgés en grande partie par la violence et le non-intérêt du public de masse. 

 

Photo Lynn CollinsLe bonheur, la joie

 

Pour finir, un aperçu de la version sur laquelle travaillait Kerry Conran, réalisateur du sous-estimé Capitaine Sky et le monde de demain :

 

 

 

 

Tout savoir sur John Carter

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commentaires
Rob57
19/10/2020 à 04:21

Moi j ait beaucoup aimer le film de par son univers sf !

Factorx92
13/01/2020 à 09:00

Le film a été vue au moins 4fois et toujours avec plaisirs !
Critique non fondée juste des gilet jaune du cinéma .
C est un Disney et c’est un film qui laisse rêver .
Beaucoup attendent la suite .
L’es goûts et le couleurs ne se discutent pas mais là beaucoup ont aimé le film j’ai l’impression que c’est de l’acharnement inutile et que le film est sortie dans la mauvaise période .
En tout cas une suite et plus qu attendu

Jules Carter
07/09/2019 à 00:28

Comme dans un SF des années 60 la princesse est pulpeuse... le héros est « muské ». Le film est vraiment divertissant et c’est tout ce qui compte aux yeux des enfants que nous sommes. Nous attendons le second tome avec impatience.

Simon Riaux
27/08/2019 à 10:35

@Gilcatt

C'est un tropisme qui existe mais qui est essentiellement américain.

Alban
21/06/2019 à 23:04

J'ai vu le film 5 fois et à chaque fois avec plaisir. Je ne comprend pas cette critique haineuse et déplacée. Le film est très divertissant et les paysages et décors super beaux. Bref je ne comprend pas une critique si dur.

Pellicule
09/03/2019 à 19:50

Tres dur critique ..moi j'adore ce film vu et revu ..histoire bien ficelé le fille est super belle Le.defaut viendrai plutôt de l'acteur du personnage john carter qui parrai parfois endormie...
A propos de star wars, Je suis surpris car je n'est absolument pas fait le parallèle avec star war...cela n'a rien a voir !!!

Patangebelge
18/11/2018 à 19:50

Nous venons de regarder le film en famille et tous (parents et enfants) ont aimé. La fin nous a fait dire que ça mériterait une suite... Après lecture de votre article reste à espérer.

CHRIS
15/08/2018 à 20:22

Perso,je viens de le voir et j ai eu plaisir à me laisser porter par cette histoire ,je crois que les critiques devraient garder un peu de fraicheurs et garder un peu d objectivité et laisser leur place a du divertissement ,on ne peut pas etre un wachosky ou lucas qui veux mais on peut amener du plaisir pour autant ,

sarah
11/08/2018 à 02:45

Perso, j'ai hésité à le regarder avec tous ces avis. Et bien j'ai beaucoup aimé. Amusant , original, attachant et bien meilleurs que beaucoup de film à succés. Pourquoi le comparer autant à Starwars, j'y vois plutot un hommage en clin d'oeil. C'est autre choses il y a des belles trouvailles et surprises, les personnages sont attachants .

Jean Valjean
04/05/2018 à 12:30

le public fait souvent le succès d'un film même bien des années après sa sortie. Blade Runner, lui aussi a eu un début difficile pourtant ...

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