La Loi de la jungle : critique d'un OVNI qui renouvelle la comédie à la française

Geoffrey Crété | 15 juin 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 15 juin 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58

La comédie française vous désole ? La Loi de la jungle se pose en remède. Après le succès surprise de La Fille du 14 juillet en 2013, Antonin Peretjatko est de retour avec un autre objet inclassable, avec Vincent Macaigne et Vimala Pons.

LA LOI D'ANTONIN

A celui qui déplore un cinéma français terne, dominé au rayon comédie par les grosses entreprises préfabriquées, La Loi de la jungle propose une alternative : un film d'aventure comico-burlesque, tourné en Guyane, avec une liberté de ton et de forme qui se contrefiche des codes et des attentes.

Il sera donc question d'un vieux stagiaire déphasé, envoyé par le Ministère de la Norme en Guyane pour encadrer un projet touristique insolite : une station de ski dans la jungle, appelée Guyaneige. Accompagné par Tarzan, une autre stagiaire plus féroce, il va découvrir le fonctionnement de ce morceau de France sauvage, et mouiller son costard cravate dans une aventure rocambolesque.

 

Vincent Macaigne & Vimala PonsEn route pour l'aventure

 

Une présence à Cannes dans la Quinzaine des réalisateurs, une nomination au César de la meilleure première oeuvre et un soutien franc de la presse branchée a trop vite rangé La Fille du 14 juillet dans le sac des phénomènes parisiens intello post-Nouvelle Vague. Le premier film d'Antonin Peretjatko était pourtant un objet délicieusement décalé et léger, traversé par un désir de jouer avec le cinéma et le spectateur.

La Loi de la jungle, où il filme à nouveau Vimala Pons et Vincent Macaigne, marche dans la même direction. Dès le générique, qui s'amuse avec l'abondance des partenaires financiers (un personnage portera plus tard un t-shirt pour les rappeler), le réalisateur affirme un beau désir de questionner la forme. L'énergie comique est spectaculaire, et confirme qu'Antonin Peretjatko est un cinéaste fantastique : sa mise en scène fourmille de détails, avec une capacité à utiliser toutes les armes disponibles (le décor, le montage, la musique) pour créer un fossé où naîtra le comique. A ce titre, la rencontre entre le héros et le ministre, filmée et montée d'une manière étonnante, est formidable.

 

Vincent Macaigne, Mathieu AmalricUne scène fabuleuse

 

LE CONVOI DU RIRE 

Au-delà de cette force comique, fulgurante dans la première bobine, le deuxième film d'Antonin Peretjatko fonctionne à plein régime parce qu'il s'aventure hors des sentiers battus (un film d'aventure comique et fantaisiste tourné en Guyane), en prenant un malin plaisir à se moquer du monde. Il y a du Pierre Richard et du Blake Edwards dans cette expédition kafkaienne au nom du colonialisme touristique, qui cherche à éclairer une contrée tropicale sauvage avec une station de ski artificielle moderne. 

Omniprésent dans La Fille du 14 juillet, cet intérêt pour le système politique est au coeur de La Loi de la jungle, de son titre à son intrigue autour du capitalisme sauvage. Le film attaque par l'absurde ce monde moderne rempli de contradiction, d'incompréhension et de bêtise, notamment lors de séquences mémorables avec Mathieu Amalric, Pascal Légitimus et Jean-Luc Bideau. Les personnages secondaires sont d'ailleurs furieusement inspirés, à l'image de l'huissier warrior ou de Rodolphe Pauly en diable capitaliste.

 

Vincent Macaigne, La Loi de la jungleVincent Macaigne parfaitement à sa place

 

LE GRAND BRUN AVEC UNE CRAVATE NOIRE

Antonin Peretjatko s'amuse de tout (et notamment des clichés) avec un plaisir de môme dans le cadre du film exotique : les mygales se promènent allègrement autour des héros, qui utilisent des parcmètres en pleine jungle, annoncent la nuit de cinéma qui tombe en quelques secondes, vivent plusieurs "FIN" et se battent comme dans les vieilles séries Z. De l'impérialisme au racisme (l'hilarante arrivée à l'aéroport guyanais), le film est truffé de moments précieux, témoin d'un vrai esprit qui allie la réflexion au cinéma comique. Cette énergie permet au film de surpasser les faiblesses narratives de sa dernière partie, plus molle que les débuts, en tirant notamment partie d'un décor fabuleux.

Plus resserré, plus lisible, plus ambitieux, La Loi de la jungle est plus convaincant que La Fille du 14 juillet. Il est aussi plus touchant, grâce à un Vincent Macaigne irrésistible en fils neurasténique de Pierre Richard. L'acteur était la meilleure chose des Deux amis, le film de Louis Garrel où il montrait un visage tendre et triste. Il se révèle ici particulièrement remarquable, entre le burlesque, le pathétique et la tendresse. La parfaite incarnation d'un cinéma inattendu et irrésistible, qui se laisse aimer sans trop de difficulté.

 

Affiche

Résumé

Très remarqué avec La Fille du 14 juillet, Antonin Peretjatko confirme sa place à part dans le jeune cinéma français avec un film d'aventure rocambolesque et fantaisiste : même liberté, même folie, même inventivité formelle, mais plus de maîtrise.

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commentaires
diez
14/06/2016 à 16:39

Vimala Pons, j'y vais direct !

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