Critique : Au nom du fils
Il y a quelques jours, la très catholique maison Bayard décidait abruptement, alors que le livre Caricaturistes - Fantassins de la démocratie était présenté en conférence de presse pour accompagner la sortie du documentaire au titre éponyme sélectionné en séance spéciale à Cannes, de mettre au pilon tous les exemplaires dudit ouvrage. La raison ? Un dessin signé Plantu qui représente le Pape sodomisant un enfant. Est-il dès lors étonnant que le très belge Au nom du fils n'ait trouvé que 25 cinémas français dont le seul UGC des Halles sur Paris pour l'accueillir ?
C'est que le dernier long de Vincent Lannoo traite à sa manière de l'Omerta qui règne au sein de l'Église au sujet de la pédophilie. Façon humour noir qui n'est pas sans rappeler C'est arrivé près de chez vous (en moins barré toutefois) ou plus récemment Kill me please. Pour autant, si Au nom du père ventile sa morale à coup de pains dans la gueule et autres joyeusetés avec un entrain non dissimulé, il n'y avait pas de quoi se réfugier sous la robe du premier curé venu. D'autant que tout est absolument justifié. Quelle mère ne voudrait pas défourailler de la soutane à partir du moment où celle-ci s'est frottée à son adolescent de fils, provoquant son suicide ? Elle dont la vie a basculé quand elle perd son mari mort accidentellement (un « Pandan-Lagl » comme dirait Franquin dans Idées Noires) lors d'un stage commando au doux parfum de futures croisades anti musulmanes parrainé par l'Église.
Sentant qu'elle a assez donné, elle décide donc de sortir la sulfateuse qu'elle manie, aussi bien que la fausse nonne de Ferrara dans Ms 45 pour décimer cette horde de religieux touche pipi dont elle a déniché la liste chez l'évêque du coin lui aussi passé de vie à trépas. Bref, c'est assez jouissif même si le tout manque de rythme et parfois de convictions dans la mise en scène. Vincent Lannoo semble en effet avoir du mal à donner de l'air à son héroïne l'enfermant dans une sorte de cadre un peu étriqué alors que son action salvatrice (la vraie croisade est ici) aurait peut-être mérité un scope généreux. Du coup on est un peu frustré. On aurait aimé plus d'ampleur dans le dézingage, plus d'altruisme encore dans la méthodologie des décollages de rétine.
Mais le film n'a pas le cul entre deux chaises. Il est plutôt même bien assis dans sa démonstration. Au point donc de faire peur aux exploitants de salles de l'Hexagone qui en se cachant derrière l'hypothétique menace de catholiques intégristes peu heureux du message délivré par le film, donnent une image pitoyable de leur profession. Qu'il est loin le temps où La dernière tentation du Christ sortait sur plus d'une centaine de salles au risque de se prendre une bombe incendiaire au détour d'une séance au Cinéma Saint Michel. À la place, on a aujourd'hui Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ?, fleuron d'un certain cinéma français qui fleure bon ce racisme ordinaire pourtant bien plus nauséeux que cet immense défouloir anti cléricale « de bon aloi » et totalement raccord avec une certaine réalité qu'est Au nom du fils.
En bref : La charge contre l'Église est jouissive mais le scénario manque de punch et de conviction au long cours pour que le tout sorte de l'ornière du film défouloir de bon aloi. Mais c'est toujours bien mieux que d'aller voir Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ?
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