Critique : Les Petites marguerites
Certaines séquences, orgiaques et d'un érotisme bien amené, semblent à l'opposé de tout ce que les Nouvelles vagues proposaient jusqu'ici. Le réalisme est loin même si on perçoit l'idée que le monde aurait bien besoin d'être secoué pour s'améliorer, les couleurs envahissent tout brutalement et le mouvement général est ample et dynamique offrant à cet ensemble de saynètes non-conformistes une impression de totale liberté. Dans un pays qui, à l'époque, possédait autant de grands cinéastes en animation qu'en prise de vues réelles, Chytilová semble ne pas avoir envie de choisir et, par ses recherches graphiques et plastiques, elle se positionne au milieu.
Et s'il est une exception, c'est parce qu'on peut se demander comment, en pleine Tchécoslovaquie communiste, peu de temps avant l'entrée des chars soviétiques et le printemps de Prague en 1968, cette fantaisie a pu être tournée ? Il n'est guère étonnant que la cinéaste ait été censurée la décennie suivante et le film rapidement banni des écrans hors pays occidentaux. Fait également important, ces Marguerites sont de bout en bout un film féministe, autre élément rare à l'époque dans les pays de l'est. Exception enfin car s'il n'est pas la seule comédie produite au cours de cette nouvelle vague tchèque, qui voit arriver de nombreux cinéastes importants comme Miloš Forman, Ivan Passer, Jiri Menzel, Jan Němec Jiri ou Jaromil Jireš, ce film est le long-métrage qui expérimente le plus en profondeur les moments surréalistes et les délires absurdes. Chytilová fît partie de l'aile expérimentale de cette Nouvelle vague et il est important aujourd'hui de redécouvrir son travail.
Pour en savoir plus sur Věra Chytilová, ses Petites marguerites et le cinéma Tchècoslovaque, retrouvez notre dossier en cliquant ici.
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