Hitchcock : Critique

Cédric Le Penru | 27 janvier 2013
Cédric Le Penru | 27 janvier 2013

Que celui qui n'a jamais rêvé d'être une petite souris s'incrustant sur le tournage d'un grand Hitchcock nous jette la première pierre ! Sacha Gervasi nous invite au coeur de la production de Psychose en 1960, sur une belle photo de Jeff Cronenweth. Et c'est déjà une forme de satisfaction fantasmatique.

Retour en cette fin d'année 59, quand germe l'idée de Psychose dans l'esprit d'Hitchcock, suite à sa lecture du roman de Robert Bloch. Les États-Unis sortent à peine du Maccarthysme, et le trublion anglais pince-sans-rire, fasciné par les tueurs en série, règne sur un genre dont il est en train d'écrire, sur fond de chevelures dorées, les lettres de noblesse. Ce sera au réalisateur des 39 marches d'imposer, selon son désir, un saut conceptuel à des studios très pusillanimes bien qu'au faîte de leur puissance financière. De surcroît, le code Hays impose alors sa censure à tous les créateurs.

La dramaturgie d'Hitchcock  n'est pas à proprement parler celle du « making of » de Psychose mais la chronique d'une jalousie maladive du maître envers la relation qu'entretenait sa femme, Alma Reville (éclatante Helen Mirren), avec un scénariste, Whitfield Cook (Danny Huston, sirupeux) qui voulait qu'un de ses scripts soit mis en scène par Sir Alfred, cherchant ainsi à atteindre l'homme par la femme.

 

 
Mais les deux vrais sujets du film sont d'une part l'influence d'Alma sur ce processus de création et d'autre part la façon dont le génie inventif du maître a su détourner (puis jouer avec) les codes artistiques (et légaux) de son art.
       
Pour illustrer un de ces thèmes, une séquence savoureuse nous expose Hitchcock en plein jeu avec la censure. En demande d'un tête-à-tête avec le patron de la commission, Sir Alfred travaille l'homme à la vanité et lui propose, puisque ce dernier refuse une scène existante (la séquence d'ouverture de Psychose, première apparition dans l'histoire du cinéma US d'une femme en soutien-gorge), de venir faire une retake en studio, mais cette fois sous la direction artistique du fonctionnaire. Peu après, nous nous retrouvons au studio, équipe au grand complet, dans l'attente du censeur. Viendra-t-il ou pas ?  La censure est facile, mais l'art est difficile.

 

 
Alma était quant à elle une femme de l'ombre, effacée derrière le « greatest Alfred ». Elle réécrivait chaque soir les dialogues pour le tournage du lendemain et on la voit, Hitch étant malade et alité, arriver sur le plateau et diriger toutes les équipes techniques qui partaient à vau-l'eau, commandant l'éclairage aux électros et la focale au chef-op. Comment ne pas alors ressentir la frustration que devait éprouver cette femme de cinéma qui ne fut pratiquement jamais créditée au générique des créations de son mari. Helen Mirren, au jeu plus qu'impeccable, a su inventer une incarnation très crédible de cette femme intense.

 


Sur un autre plan, l'angle choisi par Gervasi pour nous raconter comment Alfred Hitchcock compensait son absence de sexualité par un surinvestissement libidinal sur les blondes platines (et souvent l'assassinat fictionnel de celles-ci) est particulièrement édifiant. Le film nous le montre dans le voyeurisme, la suspicion et l'espionnage permanents de tout son entourage et de sa femme en particulier. Grand manipulateur aussi quand il avait affaire à la presse, aux producteurs ou bien sûr aux spectateurs.

 


Pour clore sur une anecdote pleine d'enseignements, une scène essentielle nous apprend qu'Alfred Hitchcock souhaitait un montage/mixage sans musique pour la fameuse séquence de la douche. A. Reville et B. Herrmann surent imposer le son symphonique des violons stridents à force de persuasion. Image magnifique illustrant le fait que si les arts et les sciences connurent  des géants au cours de leur histoire, ces derniers furent entourés (inspirés par) des personnes de qualité, dont de grandes femmes restées dans l'obscurité. Il n'y a pas d'exercice solitaire du progrès, c'est toujours l'Humanité (sous ses formes plurielles) qui est en marche. Au cinéma, et dans la mise en scène de Psychose, comme en tout autre chose.

 

 

 

Résumé

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21/10/2014 à 02:14

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21/10/2014 à 01:20

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20/10/2014 à 23:30

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