Critique : Monsieur Lazhar

Sandy Gillet | 5 septembre 2012
Sandy Gillet | 5 septembre 2012

Année faste pour le cinéma francophone canadien qui après Starbuck sorti en juin dernier chez nous et encore visible sur près de 100 copies à l'heure de l'écriture de ces quelques lignes, voit débouler ce Monsieur Lazhar précédé d'une réputation plus que flatteuse entre nomination aux derniers Oscars dans la catégorie meilleur film étranger et succès public en son pays. UGC, son distributeur français, a mis du temps à le sortir mais en y regardant de plus près, c'est peut-être finalement assez cohérent d'un point de vu timing puisque le troisième long de Philippe Falardeau raconte l'arrivée d'un nouvel instit remplaçant au pied levé une collègue qui s'est pendue dans sa classe. Un film de rentrée en quelque sorte qui se déroule quasi exclusivement entre les quatre murs d'un établissement scolaire situé à Montréal.

Pour autant, il ne s'agit nullement d'un film lacrymale à la morale bien pensante et anxiogène prenant en otage le spectateur et encore moins les enfants que le cinéaste met au demeurant malicieusement en scène. Le ton est plus dans la mélancolie doucereuse et empreinte d'une poésie lancinante cernant sans les enfermer chaque plan, chaque personnage, chaque avancée de l'histoire. On y sourit souvent d'ailleurs, bien aidé en cela par ce maître d'école, personnage central et catalyseur indispensable de cette histoire à la violence sourde mais aux contours ouatés, merveilleusement interprété par un Mohamed Felag sous-employé dans notre cinéma, qui trouve ici un rôle rendant grâce à son immense talent. Pour Falardeau, il s'agit du dernier héros moderne capable encore d'être le phare de générations en devenir en manque de modèles. Là encore point de morale, seulement la mise en abyme d'une double reconstruction : un homme en exil, victime d'une tragédie, qui a quitté l'Algérie et son intolérance religieuse cherchant à inculquer des valeurs diamétralement opposées à des enfants traumatisés mais avides de vivre.  

Film sur le deuil, sur un choc de cultures, sur l'apprentissage de l'autre et sur le rejet d'une société communautariste, Monsieur Lazhar n'a contre lui qu'un sentiment diffus d'une trop belle maîtrise de soi qui donne à l'ensemble un côté introverti et tout en retenu un peu frustrant de temps à autre. C'est ceci dit, une volonté totalement assumée et en phase avec la personnalité même de l'instituteur Lazhar. On a alors l'impression d'être en apesanteur perpétuel. Le travail sur la bande son magistrale y est certes pour quelque chose. Mais il y a autre chose. Comme un subtil manque d'oxygène qui nous oblige à être en continuelle demande pour apprécier pleinement les multiples moments éthérés et forcément précieux du film. Mine de rien, la dernière fois que l'on a ressenti cela au cinéma, c'était pour The Ice Storm de Ang Lee.

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