Critique : L'Illusionniste

Sandy Gillet | 16 juin 2010
Sandy Gillet | 16 juin 2010

La prise en main d'un scénario inachevé de Tati par Sylvain Chomet pour en faire un film d'animation sonne comme une évidence. C'est que depuis La vieille dame et les pigeons, formidable court-métrage à la poésie douce amère, Chomet trace sa route et échafaude un univers en propre qui puise ses racines dans celui d'un Tati qui n'avait pas son pareil pour montrer via le prisme de sa caméra décalée et de son humour lucide une société en mutation perpétuelle. Les triplettes de Belleville ne faisait d'ailleurs rien d'autres en confrontant intelligemment deux mondes a priori antinomiques (celui des triplettes repliées sur un passé glorieux et le monde tel qu'il est devenu et qu'il faut braver pour retrouver le neveu enlevé) avec pour finalité une critique en creux mais assumée d'une forme d'innocence à jamais perdue de l'humanité.

Avec L'illusionniste c'est comme si l'artisan animateur avait voulu se confronter à son modèle en fait. Et en parfait disciple, Chomet façonne le destin d'un homme qui de cabarets en lieux de plus en plus improbables continue imperturbablement à dérouler son spectacle fait d'illusions et de magies d'un autre temps. Ce périple un peu dépressif mais qui ne semble pas l'atteindre le conduit au fin fond des Highlands écossais d'où il va revenir accompagné d'une jeune fille qui veut absolument découvrir le monde et s'approprier cet homme d'une façon filiale. Au-delà du trouble de voir ainsi le personnage de Hulot revivre à l'écran (Tati avait écrit ce scénario pour sa fille), on est sous le charme du traitement voulu par Chomet qui s'approprie avec beaucoup de respect et de fragilité une histoire intime et édifiante. Le coup de crayon est à l'avenant, précis mais qui laisse toute la place à l'imaginaire. On est d'ailleurs heureux de constater que la 2D reste une matière tellement plus organique et vivante quand elle est « travaillée » ainsi.

Le seul bémol finalement est que si Chomet n'a pas été à l'évidence écrasé par son sujet, il lui voue tout de même un culte sans nom ne permettant pas à l'histoire et à ses dessins d'aller au-delà de l'hommage et de la reproduction d'une figure dorénavant tutélaire. On aurait aimé en effet un peu plus de liberté, un peu plus de déviance pour enrichir une forme et un sujet pour l'emmener vers des contrées moins balisées. Reste que L'illusionniste est une franche réussite qui donnera l'envie on l'espère aux plus jeunes de découvrir le modèle et ses films empreints plus que jamais d'une rare modernité.

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(0.0)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire