Critique : Des hommes et des dieux

Sandy Gillet | 19 mai 2010
Sandy Gillet | 19 mai 2010

Tout le monde se souvient de cet événement tragique qui s'est déroulé durant l'état d'urgence en Algérie : l'enlèvement puis l'exécution des sept moines trappistes de Tibhirine (région de l'Atlas) au printemps 1996. Encore aujourd'hui le flou demeure entre action terroriste perpétrée par le GIA, opération téléguidée par le pouvoir pour tenter de discréditer à l'international et auprès de la population le FIS (Front islamiste de salut) ou encore bavure de l'armée algérienne.

Et Beauvois de filmer ce monastère et ses occupants durant les quelques semaines qui ont précédé la tragédie. Non à la façon d'un documentariste  mais bien sur le mode de l'intime, au plus près de ces chrétiens en terre musulmane qui se sont fondus avec succès et depuis longtemps dans le tissu social algérien. Pour cela la caméra se fait discrète en usant d'une économie de mouvements remarquable alors que le montage prend son temps et étire la plupart des plans... accentuant par la même ce sentiment de temporalité suspendu. On a l'impression de voir un film de Depardon par moment !

Très clairement Beauvois veut nous éprouver physiquement et il y arrive. On partage ainsi la contemplation, la méditation et les messes chantées de ces moines qui par ailleurs tiennent conseil pour déterminer s'il y a lieu de partir (Le GIA avait adopté un ultimatum à l'égard des étrangers leur demandant de quitter le pays sous peine de représailles radicales), bêchent, soignent les villageois, dispensent des vêtements pour les plus démunis...

De cette quotidienneté rythmée par une actualité politique qui les encercle inexorablement, Beauvois en a tiré comme une réflexion de cinéma qui répond à l'image par une épure de mise en scène totale et non parasitée par des jeux d'acteurs à l'égo surdimensionné. Ceux-ci se fondant d'ailleurs dans la masse d'autant plus facilement que l'histoire portée à l'écran est d'une extraordinaire vitalité narrative.

Il s'agit là tout simplement d'un coup de maître pour un cinéaste qui ne cesse d'affirmer sa différence de film en film... Et avec Des hommes et des Dieux, exercice littéralement lumineux (cf la scène que l'on peut qualifier de « Lac des cygnes »), il franchit une étape essentielle dans la quête identitaire de son cinéma.

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