Critique : Dekada ’70

Par Marjolaine Gout
24 octobre 2008
MAJ : 8 octobre 2018
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Voici une adaptation bien « kirschée », de l’opuscule de Lualhati Bautista,  mêlant fiction et réalité. De ce brassage entre imaginaire et réel résulte l’étrangeté et l’originalité de ce film adroitement calibré et couronné de succès aux Philippines.

 

Ici tout néophyte à la linguistique non tagalog pourra se fondre dans ce récit grâce à une narration limpide. Qualité indéniable et vitale lorsque l’on se retrouve face à une version démunie de sous-titres ! Si vous devez vous plier à ce privilège ou cette obligation de chausser les tongs de Champollion, afin de déchiffrer la langue, soyez rassuré. Le langage des images arrive toujours à la rescousse d’un imbroglio de contresens donnant au film des allures de science-fiction. Bref, pas de panique, nul besoin d’un guide ou d’un « Babel Fish » pour savourer ce long-métrage, il reste dénué de tout abominable galimatias.

 

Ce film, au casting tentaculaire, s’édifie autour d’une mère, figure omniprésente et souvent vitale du cinéma philippin. Vilma Santos incarne cette « Mama» par laquelle transite une chronique familiale secouée par le régime de Marcos des années 70 à 80. Ainsi, autour de cette mère symbolisée par une quasi unité de lieu, le foyer familial, grandissent six fils, leurs idéaux et aspirations. Vilma Santos, souveraine, en femme cherchant à s’affirmer, se « caméléonifie » au décor, tentant, furtivement, de s’éclipser pour laisser place au reste du casting. Emerge ainsi, Piolo Pascual, émouvant en fils révolutionnaire, évoluant au gré d’un chemin de croix infernal. Il passe ainsi de jeune manifestant à martyr, emprisonné puis torturé. Curriculum  parfait du bon kamikaze !

 

Ce portrait poignant et touchant de la décennie des années 70 offre une description réaliste de cette période d’oppression sanglante. Dans cette atmosphère de tourmente s’entrelacent habilement au tragique des notes d’humour, au pouvoir guérisseur de dérider. Ainsi malgré la succession de vicissitudes, ce souffle d’espoir résiste. Nous guidant, l’humour permet aux personnages de subsister dans cet enfer et à nous, spectateur, d’entrevoir un terme à cette ère de supplice.

 

Cette plongée intimiste dans le quotidien d’une famille permet d’explorer un pan historique et social des Philippines souvent méconnu. Ainsi, si vous ne connaissez uniquement les Philippines via la retransmission de ces prises d’otages épileptiques à l’instar de celle de novembre 2007, ce film reste un bon tremplin pour découvrir ce cinéma. Ensuite vous pourrez vous délecter de l’artillerie lourde, avec par exemple Insiang ou Tinimbang ka ngunit kulang, chefs-d’œuvre absolus et incontournables du 7ème art, cousus main aux Philippines par le « saigneur » Lino Brocka.

 

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