El Perdido doit son casting de rêve (Robert Aldrich à la réalisation, Dalton Trumbo au scénario, et entre autres Rock Hudson, Dorothy Malone et Joseph Cotten devant la caméra) à la seule volonté de son acteur-producteur, Kirk Douglas. Mais dans ce long-métrage comme dans beaucoup d'autres, ce dernier a usé de son influence dans le seul but de faire briller sa propre étoile (il a entre autres supervisé le montage) – un objectif souvent incompatible avec celui tout aussi immodeste de réaliser de grands films, et qui peut expliquer pourquoi El Perdido n'a pas la même aura que d'autres westerns d'Aldrich comme Vera Cruz ou Fureur Apache.
Tout mettre sur le dos de Douglas ne serait pas non plus entièrement honnête. Cet énième récit d'un assemblage hétéroclite d'hommes et de femmes, de sudistes et de nordistes, de truands et d'honnêtes cow-boys devant traverser ensemble les États-unis (ici pour assurer la transhumance d'un troupeau, d'où des plans de vaches à ne plus savoir qu'en faire) souffre d'autres maux, dès l'étape du scénario dont les péripéties laissent toutes un goût d'inachevé. El Perdido hésite de bout en bout entre le simple portrait de groupe (tous les personnages secondaires, en particulier les femmes, portent en eux de belles promesses de développements psychologiques plus ou moins bien exploitées) et l'obligation d'intégrer des figures imposées du genre – indiens, pillards, duel final. Quelques années plus tard, les westerns post-classiques auront la liberté de détourner ces scènes à leur avantage. Déjà traversé par de telles velléités d'indépendance (en particulier par les thèmes qu'il aborde), El Perdido essuyait en quelque sorte les plâtres pour ses successeurs.