Critique : Lady Oscar

Jean-Noël Nicolau | 30 septembre 2006
Jean-Noël Nicolau | 30 septembre 2006

Adaptation animée d'un manga fleuve (près de 2000 pages) Les Roses de Versailles de Riyoko Ikeda, dessiné au début des années 70, Lady Oscar demeure l'une des séries japonaises emblématiques des années 80. Phénomène de société au Japon, où il provoqua un grand intérêt pour la France, le récit hautement tragique de l'existence de Oscar François de Jarjayes possède tous les atouts des plus grandes œuvres romanesques. En effet, rarement petite et grande Histoire ont été si bien entremêlées, s'alimentant mutuellement et engendrant une intrigue, non seulement prenante par le sort réservé à ses protagonistes, mais aussi par la longue marche vers la Révolution Française. Quasi entièrement dénuée d'humour, très fidèle aux faits et aux personnages historiques, la série Lady Oscar n'hésite jamais à adopter un ton franchement adulte, plein de violence et de passion.

Elevée sous les apparats d'un fils militaire, Oscar permet aux auteurs de redonner leur place aux femmes au sein de cette époque tourmentée. Du point de vue de la plus haute noblesse (Marie-Antoinette est la figure majeure de la première partie du récit), Lady Oscar s'oriente peu à peu vers le sort et le triomphe du peuple. Evitant ainsi le manichéisme, le scénario essaie d'expliquer, voire de justifier, les actes de tous les partis, renforçant les aspects les plus douloureux du déroulement inéluctable de ces journées qui ont changé notre monde. Portée par le cours de l'Histoire, Oscar se révèle à elle-même et surtout accepte les élans de son coeur, le romantisme, omniprésent mais en aucun cas niais, étant l'une des forces de la série.

Jamais répétitif ou infantile, Lady Oscar surprend aussi par sa mise en scène de grande qualité, très lyrique et fréquemment figée en des crayonnés de toute beauté. Si l'animation des personnages demeure généralement assez basique, le character design possède beaucoup de charme et l'ensemble est d'un dynamisme rare. La partition musicale réserve aussi quelques thèmes marquants et, mis à part une poignée d'anachronismes, se révèle en parfaite adéquation avec l'époque décrite. Outre Oscar et Marie-Antoinette, les seconds rôles sont tout aussi inoubliables, qu'ils soient nobles comme Axel de Fersen ou du peuple comme Rosalie et même les « méchants » sont exposés avec des nuances bienvenues (comme par exemple Jeanne de Valois ou la Comtesse de Polignac).

Si aucun d'entre eux n'échappera à un destin plus ou moins dramatique, c'est l'amour impossible entre Oscar et André Grandier, son frère de lait, qui forme le coeur de la série. En n'épargnant aucun détail du calvaire de ses deux êtres enflammés, le récit culmine sur une poignée d'épisodes bouleversants, parmi ce que l'animation japonaise a pu nous offrir de plus intense. Parcourue d'un bout à l'autre par une exaltation visuelle et narrative hors du commun, Lady Oscar étonne sans cesse par sa maturité et ses multiples qualités. Chronique historique d'une précieuse justesse, traversée d'un souffle romanesque unique, c'est aussi, sans doute, la série de notre enfance ayant le mieux supporté le poids des ans et méritant donc la plus immédiate et enthousiaste des redécouvertes.

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