Critique : Scrubs

Ilan Ferry | 15 décembre 2006
Ilan Ferry | 15 décembre 2006

De Hôpital St Elsewhere au récent et encore inédit Grey's Anatomy (nouvelle série médicale actuellement diffusée sur ABC) en passant par l'incontournable Urgences, la série médicale a toujours été un genre à part privilégiant l'aspect dramatique par l'intermédiaire de personnages attachants constamment confrontés à des questions de vie ou de mort traitées avec un sérieux presque religieux. Scrubs déroge à la règle et pervertit le genre par une bonne dose d'humour teintée de mélancolie.

 

 

 

Crée en 2001 par Bill Lawrence, à qui on devait déjà l'excellent Spin City avec Michael J. Fox, Scrubs suit le quotidien au sein de l'hôpital du Sacré Cœur de J.D., Turk, et Eliott trois internes fraichement sortis de l'école de médecine. À l'inverse de ses illustres grandes sœurs (Urgences en tête), la série opte pour une approche plus décalée en adoptant le point de vue J.D. (Zach Braff) jeune homme fantasque à l'imagination débordante interprété avec brio par Zach Braff dont l'allure de Droopy ahuri colle parfaitement au role. Autour de lui, gravite une galerie de personnages plus singuliers les uns que les autres à commencer par Türk (Donald Faison), jeune chirurgien et grand enfant de l'âme. Ce dernier est aussi le meilleur ami et colocataire de J.D. avec qui il entretient une complicité presque fraternelle. Eliott (Sarah Chalke) est une jeune femme ultra complexée accumulant les maladresses aussi bien physiques que relationnelles. Interne comme J.D., elle entretient avec ce dernier une relation ambiguë oscillant constamment entre amour et amitié, les deux protagonistes ne cessant de se chercher durant toute cette deuxième saison. Tout ce beau monde s'agite sous l'œil bienveillant de Carla (Judy Reyes), infirmière et petit amie de Turk qui ne peut s'empêcher de se mêler des affaires des autres. Bien qu'ayant elle aussi son petit grain de folie, Carla n'en demeure pas moins la plus censée du groupe.

   

 

 

Toute série médicale se doit d'avoir des médecins charismatiques et Scrubs ne déroge pas à la règle. Cependant la série étant ce qu'elle est, la tradition se voit ici quelque peu mise à mal. Ainsi aux docteurs aimables et compréhensifs qui inondent généralement les séries médicales succède ici le Docteur Perry Cox (John C.McGinley) médecin chef et « mentor » de J.D. qui le craint autant qu'il le respecte. Cynique, râleur, colérique et terreur des jeunes internes, Perry Cox, double négatif du docteur Ross d'Urgences, a fait du sarcasme son arme de prédilection et prouve, si besoin est, que le roi de la casse n'est pas surfeur à Nice mais bien médecin à l'hôpital du Sacré Cœur. Cependant sous ses dehors menaçants, le docteur Cox cache un être profondément humain, baissant occasionnellement son masque de narcissisme. Intéressant de par sa complexité et son ambivalence, il demeure l'un des personnages phares de la série et trouve en John C.McGinley, jusqu'ici second rôle sous exploité et véritable gueule du cinéma américain, son interprète idéal. Si l'hôpital compte un nombre assez conséquent de médecins, aucun n'est aussi méprisant, sexiste, odieux et profondément misanthrope que le Dr Kelso (Ken Jenkins), médecin chef de l'hôpital et véritable bête noire de tous les employés. Se révélant au fur et à mesure plus bougon que véritablement méchant, Kelso fait partie de cette catégorie de personnages qu'on adore détester.

 

 

Scrubs perdrait beaucoup de son charme sans sa galerie de portraits atypiques. Du concierge (Neil Flynn) homme sans nom qui prend un malin plaisir à jouer des tours à J.D. qu'il a nommé comme souffre douleur officiel, à Ted (Sam Lloyd) l'avocat hypocondriaque et sous-fifre de Kelso en passant par « Le Todd » (Robert Maschio) chirurgien obsédé sexuel qui s'obstine à draguer tout ce qui bouge malgré ses incessantes gamelles, ou encore Jordan (Christa Miller Lawrence ) ex -femme et alter ego féminin du docteur Cox qui n'hésite pas à user de tous les moyens pour arriver à ses fins, la série montre une galerie de personnages aussi attachants qu'excentriques, qui malgré leurs défauts n'en demeurent pas moins profondément humains car en prise avec leurs contradictions .


 

 

Scrubs se distingue par une inventivité visuelle constante devenue la marque de fabrique de la série. J.D. servant de narrateur principal (la voix off du personnage structure chaque épisode), le spectateur est amené à le suivre jusque dans ses fantasmes les plus fous. Un parti pris qui permet à la série de jouir d'une grande liberté de ton et de partir dans toutes les directions possibles et qui n'est pas sans rappeler Les Simpson ou encore Family Guy (Les Griffins) par l'utilisation d'un humour ultra référencé. Qu'il s'imagine en mac ou en Jerry Seinfeld, les références de J.D. sont immédiatement identifiables et terriblement drôles. La série s'impose ainsi comme visuellement et scénaristiquement audacieuse révélant ainsi le véritable potentiel comique de l'ensemble.


 

 

Autre élément majeur : la musique, qui fait ici office de véritable personnage à part entière. Portée par une bande originale décapante et juidicieusement exploitée, empruntant autant à la ballade pop qu'aux standards du funk, Scrubs gagne en impact émotionnel. Ainsi,chaque morceau est à sa place et traduit parfaitement une ambiance, une humeur tel une micro histoire à l'intérieur de chaque épisode. 


 

 

À mi chemin entre l'humour nonsensique des Monty Python et celui parodique des films estampillés ZAZ (Zucker Abrahams Zucker), Scrubs traite en filigrane du passage à la vie adulte de quatre jeunes gens, en adoptant un ton comique voire franchement loufoque que viennent régulièrement contrebalancer des moments de pure émotion. Il n'est d'ailleurs pas étonnant de voir que Garden State , premier film très réussi de Zach Braff, emprunte beaucoup à la série tant par le style visuel, l'aspect décalé des situations et la mélancolie qui s'en dégage.

Scrubs, une série à part aussi drôle que touchante.

 


 

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