Critique : Jacques Doillon – Enfance

Fabien Braule | 4 octobre 2004
Fabien Braule | 4 octobre 2004

On connaît le style de Jacques Doillon, toujours enclin à mettre en avant des personnages vrais, simples et émouvants. Cinéaste du regard, du réel, Doillon, dont la filmographie compte à ce jour près de quarante films, marque les esprits et les festivals, surtout lorsqu'il aborde deux thématiques indissociables de son univers : l'enfance et l'adolescence. Des Doigts dans la tête à Ponette, en passant par La Vie de famille et Un sac de billes, le cinéma de Jacques Doillon échappe à toutes les règles et à toutes les modes. Il se laisse bercer par cette inéluctable envie de toucher le public, d'émouvoir, de saisir ces petits riens qui font de grands touts, pour exprimer mieux que quiconque certaines choses, celles de la vie.

Lorsqu'il met en scène La Drôlesse en 1979, Doillon a déjà auparavant porté son regard sur l'enfance, en marquant de façon indélébile le cinéma avec son adaptation d'Un sac de billes, tiré du roman éponyme de Joseph Joffo. Si le premier constitue pour le cinéaste l'une de ses plus belles échappées dans l'univers fou et poignant de deux êtres victimes d'un trop plein de solitude, le second marque plusieurs rencontres, dont celle de cinéastes, tous rattachés au sein de leurs œuvres respectives à l'occupation. Claude Berry, François Truffaut, Le Vieil Homme et L'Enfant, Le Dernier Métro, et Jacques Doillon. Face à l'engouement des deux hommes pour Les Doigts dans la tête, Doillon accepte d'adapter Joffo, et par la même occasion de donner à son univers une nouvelle dimension, en délaissant ses lieux vides et uniques pour un voyage où se croisent, au détour d'un chemin, le danger et l'innocence, l'adulte et l'enfant. L'univers enfantin du film s'accorde alors à une tonalité où riment peur et naïveté. Face à ce constat terrible de souffrance morale, Doillon s'échappe peu à peu d'une réalité trop blessante et donne à son film une valeur initiatique. Le parcours de Joseph et Maurice, enfants au début du film, se conclut sur leur vie adulte, marquée à jamais par la déportation de leur père, élément d'effroi gravé dans leur mémoire, comme l'indique sa photographie dans le dernier plan du film. La mort devient l'élément de rupture qui marque avec fragilité une évidente prise de conscience, celle-là même qui ramène tout être des étoiles et du rêve à la terre et à la réalité.

Pourtant, cette même thématique peut aussi être le fruit d'un imaginaire sans limite, tendre et solennel. Avec Ponette, Jacques Doillon accouche d'une œuvre émouvante. Il s'agit là, avant tout, de prendre conscience de la mort à un âge où l'on ne sait pas vraiment qui l'on est. Au père déporté d'Un sac de billes, le cinéaste se confronte une nouvelle fois au thème de la disparition (la mère de Ponette décède à la suite d'un accident de voiture). De cette rupture affective naît une douleur viscérale. Dès lors, Ponette est tiraillée entre son monde d'enfant, avec sa poupée qui parle, et celui des adultes, marqué par un père dépressif et une tante l'initiant aux rites religieux. Dans sa recherche constante d'amour maternel, Doillon évoque son cinéma de l'enfance, celui-là même qui baigne dans un monde imaginaire et magique, en dépit de toutes douleurs vécues auxquelles les personnages auront survécu.

L'enfance et Doillon, c'est un parcours tiraillé de peines et de tristesses indicibles, de joies infimes et immenses à la fois, c'est un univers ludique où le réalisme parfois âpre, capté par sa caméra, tire toujours sa force de sentiments nobles et sincères.

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