Critique : Le Chat chapeauté

Eric Dumas | 14 septembre 2004
Eric Dumas | 14 septembre 2004

Quasi inconnus en France, mais respectés aux États-unis, les écrits du Dr Seuss, de son vrai nom Theodor Seuss Geisel, s'étaient déjà offerts une incursion cinématographique en 2000 avec Le Grinch, de Ron Howard. La différence de recettes au box-office (à peine 1 million d'entrées en France contre 260 millions de dollars aux États-unis !) confirmait l'écart de popularité de l'auteur de part et d'autre de l'Atlantique. Seconde adaptation du conteur, Le Chat chapeauté ne sera pas le film capable de rapprocher les deux continents...

Devancé par sa réputation de chef décorateur de talent (Beetlejuice, Edward aux mains d'argent, Batman le défi, MIB 1&2), l'arrivée de Bo Welch sur le projet avait de quoi séduire tant ses dispositions visuelles semblaient évidentes. Ajoutés à cela les noms d'Alex McDowell (chef décorateur de The Crow, Fight Club, Minority Report…) et d'Emmanuel Lubezki (directeur de la photographie sur La Petite Princesse, De grandes espérances, Sleepy Hollow, Ali…), les réjouissances s'annonçaient sous les meilleurs hospices. La question qui vient alors à se poser, après la vision du film, est : Comment une somme de personnalités aussi talentueuses peut parvenir à un tel ratage ?

Si l'on peut accorder à l'entreprise une véritable ambition, c'est celle d'être un authentique dessin animé aux proportions et figures humaines. En usant de mouvements de caméra susceptibles d'abolir les matières et les frontières physiques (en passant à travers les portes, les murs…), ainsi que les temporalités (les déplacements des personnages et les raccords impossibles), le réalisateur donne à son film un aspect irréel. À cela viennent se greffer les choix d'une photographie bariolée et magnifiquement pensée, des décors de studio souvent complétés informatiquement, des trouvailles visuelles inspirées des écrits, et des effets spéciaux assez soignés. De plus, le réalisateur a parfaitement intégré à sa mise en scène les techniques narratives si chères aux « cartoons » : des regards caméra, soutenus par des plongées et contre-plongées, qui instaurent un contact entre les personnages et le spectateur, des raccords spatio-temporels incohérents qui permettent aux héros des déplacements illogiques, et des manipulations narratives (temps d'arrêt, accélérés, ralentis…). Notons enfin, comme unique et véritable bon point, un générique de début particulièrement réussi qui reprend les logos de chaque compagnie de productions sous une forme dessinée et animée.

Hélas, quelque chose déraille dans cette composition qui semble, en surface, maîtrisée. Commençons par l'histoire, inintéressante et moraliste à outrance. La multitude de scénaristes n'a pas su trouver de véritable axe, et s'est contentée de prendre des éléments de l'histoire sans intérêt. Les quelques idées qui auraient pu être développées restent anecdotiques et se mêlent à une masse de directions sans cesse abandonnées. Ajoutant à un récit décousu une surenchère visuelle mal contrôlée, la superproduction se perd dans une mélasse immonde, à l'image de ce « slim » violacé qui entache les murs. Les décors, qui de prime abord s'annonçaient inspirés, virent, au même rythme que l'histoire, dans la laideur et le mauvais goût, les costumes sont criards, et certains personnages sont tout bonnement ridicules. De même, ce qui semblait être un humour très « raz de plancher » s'étale, se généralise à l'ensemble du film, et glisse très rapidement vers un comique vulgaire et scatologique (pets, rots, vomi…), tellement typique des productions actuelles. L'échec du film est-il aussi imputable à une direction d'acteurs qui s'égare ? Mike Myers a beau se déguiser en chat, il ne parvient pas à se libérer de son personnage d'Austin Powers, et cabotine vainement pour donner ne serait-ce qu'une vie à ce chat. Le reste du casting, fade et bien policé, ne parvient pas à dégager les émotions nécessaires à l'entreprise.

Si l'attente pouvait se justifier à la vue du casting devant et derrière la caméra, le résultat final est grotesque. Moche, pas drôle, long et ennuyeux (malgré sa courte durée), vulgaire et définitivement à cent lieues de ce qu'il prétend être, ce Chat chapeauté aurait mieux fait de ne rester qu'une œuvre littéraire, en attendant de découvrir un véritable réalisateur susceptible d'accorder les talents qui l'entourent. Espérons que dans ses prochaines vies, ce chat trouvera son maître.

Résumé

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