Critique : Lili et le baobab

Hoda Kerbage | 2 mai 2006
Hoda Kerbage | 2 mai 2006

Une française, Julie, dite Lili (Romane Bohringer), photographe free lance pour la mairie de Cherbourg est envoyée en mission à Agnam Sénégal. Rien de bien nouveau puisqu'il y en a bien dans la vraie vie, loin du cinéma, qui vont carrément s'installer avec les amérindiens du Brésil (cf. Emilie Barrucand). Donc Lili va en Afrique pour la première fois et y découvre le revers d'un monde totalement différent du sien accusant ainsi le choc culturel et social probablement ressenti par des milliers d'occidentaux face à l'Afrique. Ce choc nous est transmis par le coup de foudre amical de Lili pour une jeune fille très pauvre du village avec laquelle bien évidemment elle ne peut pas communiquer.

Venant du domaine des langues et de la littérature appliquée, et ayant déjà travaillé sur l'Afrique dans plusieurs de ses courts-métrages et documentaires (La vie en Chantier 1996, Charles Péguy au lavomatic 1997), la réalisatrice Chantal Richard esquive les problèmes du langage et construit la communication entre les personnages sur le respect de leur mode de réflexion respectif et leur capacité à accepter l'autre même sans vraiment le connaître. Il n'y a aucune condamnation dans le film mais deux mondes très différents et présentés sur un pied d'égalité. Les scènes qui regroupent les deux femmes ensembles sont rares et silencieuses, sincères et dénuées de mélodrame. Elles se passent dans la pudeur et l'hésitation. Lili et le baobab ne se pose jamais en carte postale. Loin des tendances documentaires, il est quasiment intimiste et s'occupe surtout des personnages en faisant passer au premier plan non seulement la beauté de l'Afrique, mais aussi sa misère et ses modes de vie.

Film sans prétention au sujet déjà plusieurs fois traité, peut être limité à l'histoire d'amitié entre les deux jeunes filles, tout comme il peut être « lu » à un degré plus complexe mettant en avant les problèmes d'adoption, de filiation, d'écarts socio économiques, de différences, d'émigration, de quête de soi, de voyage initiatique, de retour vers la nature, Lili et le baobab s'avère touchant, faussement naïf, volontaire et frais. S'il manque parfois de piquant tout en perdant son rythme, le film bénéficie largement de la prestation remarquable de Romane Bohringer, toujours aussi caméléon et de Aminata Zaaria, époustouflante de véracité.

Entre Agnam et Cherbourg le dépaysement n'est pas garanti et c'est tant mieux car cette Afrique entre deux continents, et vue à travers un regard réaliste et modeste, est au propre dire de sa réalisatrice « silencieuse » mais aussi si attirante et pleine d'intérêt tant sur le plan humain qu'esthétique ou social.

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