Critique : Crazy Kung-Fu

Stéphane Argentin | 31 mai 2005
Stéphane Argentin | 31 mai 2005

Autant le dire tout de suite : Kung Fu Hustle est une déception. Petite certes, mais déception tout de même. Pour sa défense, il faut dire que Shaolin Soccer, succès planétaire qui valut à son entraîneur Stephen Chow (à la fois scénariste, réalisateur, producteur et interprète principal) une reconnaissance mondiale, avait placé la barre haut, très haut même. Trop haut peut-être. À tel point que son prochain film, forcément très attendu, était presque condamné par avance à faire aussi bien, si ce n'est mieux.

Y avait-il trop d'attente et d'espoir du côté du public avec la diffusion des premières images euphorisantes de Kung Fu Hustle près d'un an avant la sortie en salles à Hong-Kong (où le film a par ailleurs fait un carton plein, remportant en un seul week-end plus que n'importe quel autre film de l'année en fin de carrière) ? Ou bien y avait-il trop de pression du côté de l'entraîneur ? Probablement un peu des deux comme souvent dans ce genre de cas. Et si, à l'issue du match, le score tourne toujours à l'avance de la Chow Team avec un nouveau spectacle enthousiasmant, le déroulement du match retour n'est pas aussi convaincant que l'aller.

Dès le début, les deux terrains se ressemblent comme deux gouttes d'eau : quartier et personnages miteux d'un côté (mais qui recèlent en chacun d'eux un secret du passé profondément enfoui) et gros caïds imbus de confiance et de pouvoir de l'autre, avec une nouvelle fois un penchant pour l'équipe Z bien entendu. Dès le coup d'envoi, le ton est donné : ça va tacler ferme à grand coups de projections dans les murs et de violence accrue mais néanmoins « acceptable » car habilement suggérée histoire de rendre le film accessible au plus grand nombre. Ainsi, les coups portés (avec ou sans ustensile, qu'il s'agisse de pieds, de poings, de bâtons ou d'objets de toutes sortes) auront toujours lieu suivant des angles de caméra plaçant la violence brute hors de portée.

Stephen Chow nous avait d'ailleurs prévenu avant même le début du projet. En véritable fan de Bruce Lee, mais aussi de comédies musicales et de burlesque « keatonien » et « chaplinien », son nouveau film accentuerait encore davantage ces différentes tendances dans un contexte encore plus sombre comme le souligne l'arrivée de nuages noires avant les combats. « Finis le football ! » comme le dit lui-même Chow lors de sa première apparition dans le film. Le dire, c'est bien, mais le faire serait encore mieux. Et le problème avec Kung Fu Hustle, c'est qu'à trop vouloir accentuer sans vraiment chercher à innover (à quelques exceptions près), le match – devenu à présent un vrai combat –prend des allures de surenchère sur fond de déjà vu.

Une surenchère qui sera avant tout burlesque, principalement dans la première mi-temps (peut-être la plus réussie) lors de la présentation des deux clans. D'un côté, on trouve le Gang de l'Axe, tout en costumes trois pièces, feutre et chapeaux mous et petit pas de danse, et de l'autre manant-ville, alias Pig Sty Alley, ses différentes échoppes et leurs propriétaires (qui auront bien entendu un rôle à jouer par la suite) ainsi que le tenancier des lieux, Landlord, ou plus exactement, Landlady puisque c'est madame qui tient les rênes dans le coin. Un quartier miteux mais paisible que va venir perturber le personnage de Chow, présenté à nouveau comme un petit Gavroche qui a mordu la poussière dans sa plus tendre enfance mais y a gagné une admiratrice (à nouveau une vendeuse ambulante) ainsi qu'un petit guide du Shaolin illustré histoire de découvrir vraiment qui il est une fois devenu grand.

Les présentations étant faites, Stephen peut ouvrir les vannes et balancer son show plein pot à base de comique de répétition (le premier face-à-face entre son personnage et tous les habitants du quartier, la scène du lancé de couteaux) mais aussi, et surtout, d'emprunts à l'univers des cartoons (bruitages, baffes dans la gueule, objets volants et, clou du spectacle à mourir de rire, poursuite à la Beep Beep et le coyote). Mais les mélanges ne s'arrêtent pas là pour autant car les combats combinent eux aussi le Wu Xia Pang (Yuen Woo-Ping aux chorégraphies), l'heroic-fantasy (le combat très « venteux » en pleine nuit), la nervosité et la sécheresse d'un Bruce Lee (probablement dues au second chorégraphe du film, le grand Sammo Hung), le tout dans un style visuel très « Matrix » (présence de Woo-Ping oblige ?) à base de ralentis très (trop ?) appuyés à chaque manifestation des « super-pouvoirs shaoliniens » des personnages.

Les références se poursuivent même jusque dans un troisième registre puisque les hommages parodiques au cinéma dans ses grandes largeurs et américain en particulier sont légion. Et si l'on appréciera bien volontiers les énormes clins d'œil aux comédies musicales des années 30 (Top Hat), aux westerns (fermetures des volets lors de l'arrivée de la horde sauvage, première apparition avec chapeau sur têtes baissées pour Chow et son acolyte) ou encore aux films de super-héros contemporains (Spider-Man et Matrix), on pourra en revanche s'interroger sur certains autres (Shining ?). Quant au final, il nous offre un mix très intéressant entre Shaolin Soccer et Matrix version bouddha et flipper où les adversaires vont et viennent dans tous les sens (les murs, le sol, les airs…) en démolissant tout sur leur passage.

Vous l'aurez donc compris, Kung Fu Hustle est avant tout et surtout un film à la narration et aux situations déjà vues dans Shaolin Soccer (jusqu'aux mêmes joueurs / acteurs) et uniquement prétexte à une surenchère visuelle et un véritable melting pot cinématographique qui nous réserve des scènes tantôt hilarantes, tantôt fulgurantes, mais jamais aussi mémorables que celles de son prédécesseur.

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