Critique : Le Livre de Jeremie

Vincent Julé | 17 janvier 2005
Vincent Julé | 17 janvier 2005

À travers sa jeune carrière, Asia Argento s'est imposée comme l'incarnation incontournable, et un peu branchée, d'une violence cinématographique, tant physique, morale que sociale. Déjà chez son père, Dario Argento, le maître du gallio – bien que ses derniers films tendent à prouver le contraire –, elle campait les victimes, fragiles, torturées et révoltées (Le Syndrome de Stendhal, Le Fantôme de l'Opéra). Avec son passage derrière la caméra, tout d'abord sur des courts métrages, puis sur Scarlet Diva, elle se radicalise et trouve un sujet de prédilection : elle-même et ses démons. Ainsi, son portrait de l'actrice Anna Battista, ce n'est un secret pour personne, s'inspire de ses propres expériences et se révèle au final un pamphlet narcissique et autodestructeur. Cette image d'icône trash, mi-SM mi-gothique, qui lui colle à la peau et qu'elle travaille indirectement, lui vaudra des rôles sur mesure dans Les Morsures de l'aube, La Sirène rouge ou encore xXx. D'une certaine manière, Le Livre de Jérémie ne déroge pas à la règle, puisqu'elle y interprète une mère paumée qui se prostitue sur des aires d'autoroute. Le ton est donné, et le reste est à l'avenant.

En adaptant le roman autobiographique de JT Leroy, The heart is deceitful above all things, Asia Argento continue d'apporter de l'eau à son moulin : drogue, sexe, abandon, misère… Obsédée, voire habitée, par cette thématique, l'actrice-réalisatrice ne prend jamais de distance avec le matériau d'origine. Le risque est, à chaque moment, de tomber dans la vulgarité – elle en fait des tonnes dans le rôle de la mère Sarah –, ou de se vautrer dans le malsain – la scène, hallucinante, avec un Marilyn Manson méconnaissable. Pourtant, ces excès font la force, désespérée et désespérante, du film. Si elle n'atteint pas la virtuosité d'un Larry Clark (Kids, Bully, Ken Park), son cinéma est de la même veine : brut, direct, coup de poing et souvent « insupportable ». Et la jeune Italienne sait s'entourer. Au-delà des apparitions prestigieuses de Peter Fonda, Ornella Mutti et Wynona Rider, qui servent un peu d'alibi (tout comme les très talentueux Michael Pitt, Kip Pardue et Jeremy Sisto), ce sont surtout les interprètes de Jeremiah à 7 et 11 ans qui donnent une vraie crédibilité à l'œuvre et bouleversent littéralement le spectateur. Leur regard, d'une maturité et d'une dureté parfois surprenantes, hante encore après le générique de fin.

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