Critique : La Demoiselle d'honneur

Sandy Gillet | 4 novembre 2004
Sandy Gillet | 4 novembre 2004

La première constatation que l'on peut faire à la vision du dernier Chabrol, c'est que l'on est en terrain connu. Un peu à l'image de cette province conservatrice et repliée sur elle-même que brocarde à longueur de films le cinéaste, La Demoiselle d'honneur sent un peu le formol que la jeunesse de son casting sauve in extremis de l'ennui. Nouvelle adaptation d'un roman de Ruth Rendell (auteur britannique à succès qui a déjà inspiré des cinéastes tels que Claude Miller pour Betty Fisher et autres histoires, ou encore Pedro Almodovar avec En chair et en os), que Chabrol avait déjà croisé avec La Cérémonie, son dernier grand film, La Demoiselle d'honneur prend cette fois pour cadre la « joyeuse » banlieue nantaise et raconte l'histoire de Philippe, un cadre commercial qui vit avec sa mère et ses sœurs, dont l'existence bien rangée va basculer au contact de Senta, une demoiselle d'honneur rencontrée lors du mariage de sa sœur aînée.

Le cinéma contemporain de Chabrol se nourrit de ces rencontres antinomiques qui renferment en leur sein tout le potentiel dramatique voire tragique de l'histoire, et qui débouchent forcément sur la même thématique du conflit (conflit générationnel dans La Fleur du mal, conflit de classes dans La Cérémonie, conflit au sein d'un couple avec L'Enfer…). Ce qui change ici, en fait, c'est la volonté affirmée de ne plus faire reposer l'histoire sur un quelconque suspense (on perçoit le dénouement et le sens que veut en donner Chabrol dès la rencontre, qui se situe à la fin du premier tiers du film), mais uniquement sur une atmosphère lourde, signifiante et pesante.

À ce titre, la maison où habite Senta, véritable troisième personnage du film, concourt à ce sentiment puisqu'il reflète et symbolise parfaitement l'état d'esprit de sa propriétaire aux traits pour le coup excellemment bien définis. En effet, si l'on peut être dubitatif quant à la prestation de Magimel, que le scénario et les dialogues n'aident vraiment pas à rendre crédible, et remarquer l'aisance toujours aussi raffinée du regard porté par Chabrol sur ses personnages secondaires (Michel Duchaussoy en clochard improbable, en tête), on reste pantois devant le jeu remarquable d'une Laura Smet en femme « fatale ».
Déjà remarquée dans le petit bijou qu'était Les Corps impatients, de Xavier Gianolli, qu'elle habitait littéralement d'une grâce élégiaque, Laura Smet confirme ici son penchant pour les rôles sombres et décalés, ne recherchant à aucun moment la facilité, et délivrant in fine quelque chose qui se rapproche littéralement d'une interprétation sous le signe d'une sensualité viscéralement organique et entière.

En cela, et en cela seulement, La Demoiselle d'honneur touche au but. Le reste est un film de Chabrol en mode mineur qui, s'il ne semble pas avoir complètement perdu le fil de son cinéma, ne cherche sûrement pas à le transcender, et encore moins à le renouveler.

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