Critique : Les Fautes d'orthographe

Stéphane Argentin | 29 octobre 2004
Stéphane Argentin | 29 octobre 2004

Il était une fois, il n'y a pas si longtemps que cela, des méthodes d'enseignement et d'éducation pas si éloignées de celles d'aujourd'hui – si l'on considère qu'à l'aube du XXIe siècle, ce sont désormais les enfants et non plus les parents ou bien les professeurs qui font la loi.

Dans les années soixante, la situation (normale) était la suivante : les enfants devaient apprendre et obéir, point. Mais à l'âge de la puberté, les hormones et les neurones s'agitent, et la volonté de s'affirmer auprès de la société se fait de plus en plus presente à l'intérieur de ces petits corps en ébullition. Cinéaste aimant à étudier les mœurs sociales, religieuses ou encore politiques (Tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir des parents communistes, L'homme est une femme comme les autres), Jean-Jacques Zilbermann nous convie chaleureusement à entrer dans son microcosme scolaire : le pensionnat Zilbermann. Non pas pour nous inculquer quelques leçons, mais pour nous faire découvrir, condensé sur quelques semaines, ce parcours et cette évolution parallèles que vivent nos chères têtes blondes.

Petit privilégié jusqu'à aujourd'hui, Daniel va se retrouver contraint et forcé par ses parents d'aller vivre au contact des autres élèves dans le dortoir, telle la rentrée des classes dans un nouvel établissement. Tout d'abord rejeté, tête à claques et souffre-douleur de certains élèves, il va peu à peu s'affirmer au sein de ce nouvel environnement en découvrant « les choses de la vie », soit les grignoteries, le tabac, le sexe et l'argent. Des petits plaisirs quotidiens loin d'être compatibles avec les valeurs morales que souhaiteraient lui inculquer à la fois ses parents et ses professeurs. Résultat : la dérive (véritable cancre en orthographe, Daniel voit ses résultats scolaires chuter dans toutes les matières), avant la rébellion à son degré le plus anarchique.

Des thèmes qui sient particulièrement bien à l'époque décrite (Mai 68 n'est qu'à quelques encablures devant), mais aussi à l'actualité. Entre pensionnat reality-show, malnutrition, violence, racket à l'école et autres ZEP (zones d'éducation prioritaire), c'est aussi, indirectement, le système actuel que décrit le film de Zilbermann au travers du parcours de ce gamin. Campé par un surprenant Damien Jouillerot, qui du haut de ses 19 ans en parait 15 une fois les poils rasés, Daniel va ainsi être tiraillé entre sa mère poule (attendrissante Carole Bouquet), son père peau de vache (cinglant Olivier Gourmet, qui distribue les gifles tel un Lino Ventura) et l'anarchiste local en devenir (Frank Bruneau).

La mixité n'a pas lieu qu'au sein du pensionnat entre garçons et filles, mais également au cœur du récit où la religion (le judaïque Zygelman) et la politique (la coopérative) font partie intégrante de l'éducation par la force et la cruauté de Daniel, filmé au plus près et sans fausse pudeur ni tabous par Zilbermann. Peut-être un peu trop chaotique, voire redondant par endroits, Les Fautes d'orthographe, s'il ne nous apprend rien que nous ne sachions déjà, a au moins ce mérite : nous présenter le parcours sans concessions que chacun de nous a connu, au moins une fois dans sa vie à l'âge de la puberté, pour s'affirmer dans le monde des adultes et face à l'autorité parentale. Revers de la médaille : en y parvenant, Daniel remplace ainsi son père à la tête de cette société (microcosmique). Retour à la case départ.

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