Happy Nous Year : critique coincée avec Kev Adams sur Netflix

Lino Cassinat | 28 décembre 2022 - MAJ : 28/12/2022 11:10
Lino Cassinat | 28 décembre 2022 - MAJ : 28/12/2022 11:10

Camille Lellouche et Kev Adams nous convient le temps d'une petite capsule temporelle à partager les déboires de leurs personnages, bloqués dans un ascenseur le soir du nouvel an. Et s'ils ne sont pas les humoristes les plus fins de leur génération, leurs prestations donnent suffisamment de couleur au bien terne scénario "tranche de vie" du metteur en scène Frank Bellocq, pour que son Happy Nous Year (disponible dès le 28 décembre sur Netflix) parvienne tout juste à convaincre.

100ème étage, fille de ton âge

Lui est un comédien raté (ne riez pas) en retard pour retrouver sa petite amie pour le nouvel an. Elle est une grande manageuse rigide et caractérielle qui s'apprête à larguer son mec. Ils n'allaient pas à la même fête, et rien ne les rapprochait. Et pourtant, forcés de passer la soirée ensemble dans l'espace exigu d'une cabine d'ascenseur en panne, ils vont découvrir dans la lose qu'ils se ressemblent suffisamment pour se guérir, se comprendre... et s'assembler ?

C'est un point de départ ultra-classique, mais fortement rehaussé par son concept et sa courte durée d'une heure. Deux comiques, une aire de jeu claustrophobe propice à toutes les folies, et une envie d'aller à l'essentiel : on aurait pu rêver que ce Quand Harry rencontre Sally dans la cage du Père Noël est une ordure donne une comédie romantique angoissée, enlevée, et avec ce qu'il faut de cynisme pour transformer le cafard de la période des fêtes en tarentule. Mais évidemment, comme on ne peut jamais rien avoir de bien, à la place du piège misanthrope aux rets vénéneux, c'est bien un gros sketch YouTube (assermenté par un caméo made in Golden Moustache) mollasson et compassé auquel on aura droit.

 

Happy Nous Year : photo, Camille Lellouche, Kev AdamsBien sûr qu'il va jouer Over The Rainbow

 

Tout au plus pourra-t-on se satisfaire d'une forme d'agressivité régressive accidentelle, plus produit des réflexes zizi-caca de l'humour internet que d'un sentiment de détestation de l'humanité à la Mercredi Addams. Mais, que voulez-vous, voir un enfant de cinq ans qui se fait uriner dessus pendant trente secondes de pure agonie, et entendre un autre gamin insupportable être traité de "petit fils de pute" pendant que son père couche avec sa belle-sœur dans la baignoire, nous émouvra toujours.

Nourrie de sadisme ou de bêtise, la maltraitance infantile reste un des plus goutus plaisirs de la vie. Et comme dirait l’immense intellectuel Sterling Mallory Archer : il faut louer le Seigneur pour ses petits miracles.

 

Happy Nous Year : photo, Kev Adams, Camille LelloucheEt toi, tu veux des enfants ?

 

LES SECONDES SONT DES HEURES, DANS CET ASCENSEUR

Pour le reste, la tradition de l'humour atrabilaire à la française qui a fait les grandes heures du Splendid semble définitivement émoussée (ou réduite à son expression la plus laide chez Christian Clavier). En bon représentant de la farce Instagram, Happy Nous Year n'a rien de mieux à nous proposer que quelques blagues Carambar sur Calogero lancées par des interprètes qui y croient sans trop y croire. Heureusement qu'il s'agit de vétérans du rire et qu'ils bénéficient de suffisamment de présence et d'expérience scénique (et de tics de jeux) pour nous éviter de nous endormir devant cet assemblage de plans moyens désespérants, aussi rythmés qu'une rave party de koalas gothiques fans de slowcore.

Ce défaut de croyance est également manifeste dans la mise en scène, qui refuse bien confortablement la radicalité de son dispositif à la faveur de quelques séquences de projections mentales (rêve, flashback...), permettant à nos deux protagonistes de sortir de leur prison... mais aussi à toute spécificité de ce microfilm de se faire aussitôt la malle.

C'est dommage, mais c'est ainsi, et après tout, les bons sentiments n'ont jamais tué personne. Ils en ont ennuyé beaucoup en revanche, et malgré la sincérité de sa tentative pour nous attendrir avec sa fable sur les petites médiocrités mignonnes de tout un chacun, Happy Nous Year se caractérise avant tout par son indolente facilitée.

 

Happy Nous Year : photo, Kev Adams, Camille LelloucheBon, on ronque ?

 

Loin d'être la première œuvre de cinéma dont la bonne idée originelle se retrouve sacrifiée sur l'autel du manque d'ambition et de la fainéantise, Happy Nous Year pose cependant une question nouvelle : pourquoi, même avec Netflix et les poches les plus profondes du monde, doit-on encore se fader des œuvres aussi peu remarquables ? Où est l'Eldorado créatif tant promis et tant vanté, qui devait permettre au cinéma français de se métamorphoser ? Comment a-t-il pu accoucher d'une comédie pour souris qui aurait pu être tournée en six jours avec un iPhone et trois murs, alors qu'hier encore Louis de Funès détruisait une route avec des nonnes folles du volant ?

Nous n'avons pas toutes les réponses, mais toujours est-il que la transcendance de l'audiovisuel français est bloquée au premier étage. En l'absence de voie rapide, il va falloir prendre l'escalier comme tout le monde.

Happy Nous Year est disponible depuis le 28 décembre 2022 sur Netflix

 

Happy Nous Year : Affiche officielle

Résumé

Sporadiquement drôle grâce à quelques fulgurances d'interprètes n'ayant plus rien à prouver techniquement, Happy Nous Year demeure cependant un contenu sous vide pour réchauffer les cœurs solitaires au micro-ondes. Composé à 95% d'air, le vent l'emportera, et tout disparaîtra.

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Lecteurs

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commentaires
????
03/01/2023 à 08:27

« Composé à 95% d'air, le vent l'emportera, et tout disparaîtra ». Hahahahaha. Bravo. Encore.

Dutch
30/12/2022 à 18:18

Le fleuron de l'humour français...

eloeloiselo
29/12/2022 à 23:34

film médiocre même en cuisinant il n’est ni drôle ni marrant, alors imaginez payer pour ça au cinéma !!! un scandale. pas drôle grossier aucun scénario, vide

beyond
29/12/2022 à 22:41

Bravo Lino. Quel courage, quelle abnégation. Votre professionalisme force le respect. Je n'oserais quant à moi jamais m'infliger un film avec Kev Adams et Camille Lelouche. Pas même avec un flingue sur la tempe. Je vous admire sincèrement et j'espère que vous avez eu une prime.

euhhh
29/12/2022 à 21:54

@Lino Cassinat : OK je comprends, Ils remplissent des Zenith, toussa, toussa, vous avez raison sur leur capacité "technique" et n'ai plus quà vous remercier de prendre le temps de me répondre! Et n(oubliez pas de fêter le nouvel an ;-)

@Geoffrey Crété : "Sachant qu'une autre personne vient l'accuser d'être trop gentils avec les deux..." Oui OK c'est moi et je "n'accuse" personne, cool.... C'est juste que je vous lis depuis trèèèèèèèèèèèèèèèèès longtemps et comme beaucoup je ne commente quasiment jamais, mais c'est juste que depuis un moment je trouve que vous accordez de plus en plus de place à des "trucs" qui n'ont que peu de lien avec le cinéma. Et je trouve que prendre le temps de voir puis de faire une critique (et de répondre aux commentaires) pour ça, alors, qu'encore une fois vous dites vous-même que vous en manquez (du temps) pour plus et mieux parler d'autre chose, eh bien c'est un peu triste. Voilà, juste un dialogue, pas d'accusation, ni procés, ni rien de tout ça. Cool, Respect, plaisir de cinéma toujours.

Redwan78
29/12/2022 à 20:33

Camille lelouche c’est la personne que je ne supporte pas. Imaginez un film avec kev adams bloqué dans un ascenseur. C’est de la torture. Il faut être maso pour subir ça.

Phuzor
29/12/2022 à 15:17

Je vais passer mon tour, Kev c'est juste pas possible.

Mister Ronchon
29/12/2022 à 12:41

J'attends avec impatience ce film.
Ces acteurs comptent parmi les interprètes les plus talentueux au niveau mondial. Je ne serais pas étonné de voir un Oscar dhonneur décerné pour l'ensemble de leur œuvre.
Tremblez Jim & Mariah Carey, les vieux-nouveaux comiques français sont là !

Geoffrey Crété - Rédaction
29/12/2022 à 00:50

@bof

Lino revient sur leur interprétation dans le texte. Rapidement, oui, mais vu ce qu'il dit, ça se comprend. Sachant qu'une autre personne vient l'accuser d'être trop gentils avec les deux... on a l'impression que chacun voit bien ce qu'il veut.
Et il me semble que sa réflexion sur les moyens ne mélange pas les choses, mais pose des questions, ce qui est tout à fait intéressant (voire nécessaire).

@Docteur Benway

Tout le monde pourra toujours s'amuser à juger et jauger ce qu'on devrait faire. Il me semble qu'on couvre un joli spectre, vu nos moyens limités. Rien que ces derniers jours, on passe de Megan à Doctor Who : Le Pouvoir du Docteur, des Banshees d'Inisherin à Happy Nous Year, d'un dossier Twilight à un dossier Larry Flynt.

Donc non, c'est très bien qu'on regarde plein de choses différentes. C'est notre métier d'être un minimum curieux, et vu qu'on n'est pas (encore) medium, il faut bien voir pour savoir.

Quant à la critique d'un vieux film vs un film d'actu, je pense que la dose d'articles rétro chaque mois (particulièrement pour nos abonné.e.s) est la réponse. Et je pourrais aussi ajouter qu'on continuera à les faire même si souvent, c'est lu et commenté par 10, 50, 100 fois moins de gens que cette critique par exemple.

Docteur Benway
28/12/2022 à 23:12

Y'avait pas plus intéressant à critiquer que la dernière bouse française qui aurait pû être diffusé sur TF1? Et justement, si ce genre de daube avait été diffusé sur une chaîne télé, vous l'auriez regardé ?
Est ce que votre temps ne serait pas mieux employé en faisant la critique d'un "vieux" film plus intéressant que ce truc ?

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