The Lair : critique du Dog Soldiers sans loups-garous

Mathieu Jaborska | 13 décembre 2022 - MAJ : 13/12/2022 15:49
Mathieu Jaborska | 13 décembre 2022 - MAJ : 13/12/2022 15:49

Neil Marshall était l'invité du Paris International Fantastic Film Festival afin de présenter son dernier long-métrage en séance de minuit (enfin, en "séance interdite", pour reprendre la terminologie de l'évènement). Les quelques questions posées au réalisateur de The Descent étaient très intéressantes et parfois amusantes, en dépit d'une traduction un brin chaotique. Dommage qu'on ne puisse pas en dire autant du film qui a suivi, The Lair.

Daube SoldierS

Qu'est-il arrivé à Neil Marshall ? La question est sur toutes les lèvres depuis – au choix – Doomsday, Centurion ou le dernier Hellboy. Le cinéaste, révélé par la série B lycanthrope Dog Soldiers et surtout par le monument de claustrophobie The Descent, s'est largement compromis auprès du grand public en émigrant à Hollywood, quand bien même il a dirigé l'une des plus impressionnantes batailles de Game of Thrones et qu'il s'est toujours trouvé des défenseurs bourrins, à Ecran Large ou ailleurs.

Mais ils étaient peu à sauver The Reckoning, a.k.a Sorcière – Cinq jours en Enfer, Z médiéval qui détournait sans vergogne et avec un sérieux risible la réappropriation féministe de la figure de la sorcière à la gloire de son actrice et compagne, Charlotte Kirk. Marshall expliquait vouloir revenir, après cette parenthèse pompeuse, à la grosse bisserie gore et fun, dans le sillage direct de son fameux Dog Soldiers, ressorti récemment en Ultra HD et auquel les cinéphiles sûrs réclament une suite depuis des années.

 

The Lair : photo, Charlotte KirkLair de rien

 

La filiation est assumée et franchement évidente : il est une fois de plus question d'une escouade de barbouzes en proie à des créatures en latex, d'une poignée de décors vite éclaboussés par leur sang et de sacrifices explosifs. Ça commence avec une pilote de l'armée de l'air perdue dans le désert Afghan, qui se réfugie dans un ancien bunker soviétique louche et ça termine dans l'hémoglobine et les gros mots. Un programme plus que réjouissant, qui tiendrait ses promesses si le cinéaste ne forçait pas la comparaison, en remplaçant la générosité de Dog Soldiers par un second degré cool insupportable, avec personnages qui marchent au ralenti et découpage agressif obligatoires.

Marshall et sa coscénariste brossent longuement les nostalgiques de ses loups-garous dans le sens du poil au détriment de tout le reste, y compris de la gestion spatiale (la séquence d'assaut est incompréhensible) et de la tenue visuelle. Bien qu'il fasse le pari louable de la gloumoute vénère et qu'il soit agrémenté de quelques effets gores, The Lair et le parallèle avec son illustre référence rappellent surtout, au prix de nos rétines, à quel point l'argentique fauché fait meilleure impression que le numérique fauché.

 

The Lair : photo, Charlotte KirkUne influence The Thing assumée... et mal digérée

 

Captain Kirk

Que lui est-il arrivé, donc ? Et bien c'est peut-être l'amour qui l'a rendu aveugle. Car The Lair est moins l'oeuvre de Marshall que le fruit de sa collaboration avec Charlotte Kirk, qui interprète, coécrit et coproduit la chose. Bien entendu, son jeu d'actrice, cataclysmique, et ses sourcils bien taillés en toute circonstance plombent le film, pourtant peuplé de comédiens pas des plus investis. Les dialogues sont aussi lourds que répétitifs. Et son obstination à camper l'archétype de la militaire post-Ripley en ajoute encore au cynisme de l'entreprise.

Ses talents pour le moins discutables ne feraient néanmoins qu'affaiblir une série B honnête si celle-ci n'était pas intégralement articulée autour d'elle. Moins célèbre pour sa carrière d'actrice que pour son implication dans de multiples scandales hollywoodiens (dont le limogeage très médiatisé du patron de Warner Kevin Tsujihara), résumés dans un gigantesque article de Vanity Fair intitulé "Sex and Texts, Secrets and Lies: How the Charlotte Kirk Saga Blew Up Hollywood", Kirk a rencontré Neil Marshall lors des auditions controversées de son Hellboy. Quand le producteur Larry Gordon a refusé son casting, Marshall aurait, selon le Hollywood Reporter, clamé qu'il se dévouerait intégralement à faire des films aux côtés de sa fiancée.

 

The Lair : photo, Charlotte KirkParce qu'elle le vaut bien

 

Une dévotion qui a largement participé, de concert avec la catastrophe Hellboy, à son éviction des cimes hollywoodiennes, d'autant qu'il a été accusé – à tort selon lui – de tentative d'extorsion sur le ponte d'Universal Ron Meyer, au nom de Kirk. L'histoire de la "Kirk saga" est aussi complexe que révélatrice des pratiques d'une prétendue usine à stars corrompue et toujours dirigée par des hommes qui ne le sont pas moins. Pas question ici de faire le procès de l'actrice ou de ses adversaires juridiques, mais de souligner que l'entêtement de Marshall à lui faire une place dans ses films les dépossède de tout ce qui faisait autrefois leur force de frappe.

Le cinéaste s'intéresse moins à ses bestioles qu'à la manière dont son héroïne va gracieusement leur botter le popotin, quitte à négliger la générosité et la rigueur qu'il revendique pourtant. The Lair étant un gros survival bourrin, il est moins parasité par l'admiration béate de Kirk que The Reckoning, qui l'érigeait en martyr mystique en réaction aux affaires qui font encore les choux gras de la presse. Reste qu'en dépit de quelques excès réjouissants, il sacrifie la légèreté réjouissante de Dog Soldiers sur l'autel de la réhabilitation, pour ne pas dire la vénération de Charlotte Kirk. Le spectateur, lui, a juste l'impression de tenir la chandelle.

 

The Lair : Affiche

Résumé

Neil Marshall veut à la fois retrouver la générosité sincère de son Dog Soldiers et composer un nouvel éloge de sa coscénariste/productrice/piètre actrice/compagne. Malgré quelques fulgurances, il ne parvient à accomplir ni l'un ni l'autre.

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Lecteurs

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commentaires
Max04
18/01/2023 à 18:51

On a un soupçon de The descent pour les créatures, un peu de Doomsday pour le côté neuneu des dialogues bien bourrins. Mais tout est moins bien. Voire nul. Dommage

Sascha
14/12/2022 à 13:31

Le seul point que je retiens : la sortie en UHD de Dog Soldiers. Je vais de ce pas là trouver

Cidjay
14/12/2022 à 09:08

Ce film etait un des pires de 2022...un sacré navet

Stéphane
13/12/2022 à 22:55

Réalisateur très irrégulier, Centurion reste pour moi son meilleur film. Christopher Smith me semble plus solide dans l'horreur/fantastique anglais.

real
13/12/2022 à 21:58

Quel navet !

Punish62
13/12/2022 à 16:40

Paul W.S. Anderson
Neil Marshall

Même combat, des bons artisans de la série B devenus de très mauvais artisans de la série Z depuis la rencontre de leurs muses respectives

Quelle gâchis...

zetagundam
13/12/2022 à 16:40

@ludo3101
Pas aimé, trop hystérique à mon goût

Madolic
13/12/2022 à 16:35

J'avais bien aimé Doomsday perso.

ludo3101
13/12/2022 à 16:32

@zetagundam

Et the descent ?

zetagundam
13/12/2022 à 15:22

L'homme d'un seul film, Dog Soldier, même si j'aime bien de son Hellboy avec son côté bourrin malgré ses innombrables défauts

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